La semaine a été marquée par une forte baisse du prix des céréales et des oléagineux, encouragée par les craintes de crise économique et de stocks importants. Néanmoins, les prix repartaient à la hausse ce vendredi 24 mars 2023 à la mi-journée, surtout pour le blé, sur fond de préoccupations à propos de possibles restrictions des exportations russes.

Nouvelle chute des prix du blé

Après une pause la semaine dernière, les prix du blé ont repris leur baisse cette semaine, perdant environ 25 €/t sur le marché français. Le blé rendu Rouen (échéance : avril-juin 2023) s’affiche ainsi à 238,5 €/t et le rendu La Pallice à 243,5 €/t. Les cours sur le marché physique ont suivi la tendance du marché à terme (Matif). L’important retrait des fonds sur les marchés à terme européen et américain depuis quelques semaines, ainsi que les craintes d’une crise bancaire et financière, ont pesé sur les cours.

Les prix du blé reviennent ainsi à des niveaux plus en adéquation avec les fondamentaux du marché. Les prix ont également baissé sous la pression des fortes exportations russes qui s’accélèrent au mois de mars. La Russie a exporté 1,1 million de tonnes de blé durant la troisième semaine de mars, mettant encore en relief les fortes disponibilités de ce pays. En outre, l’euro s’est renforcé face au dollar, accentuant mécaniquement la baisse des prix sur le marché français (exprimés en euros). La prolongation du corridor maritime ukrainien, ne serait-ce que pour soixante jours, a aussi rassuré les marchés.

Finalement, ce sont les aspects financiers (retrait des fonds) et les craintes d’une demande mondiale qui pourrait encore être amoindrie (inflation, crise bancaire potentielle) qui pèsent le plus sur les cours actuellement. Pourtant, nous observons quelques signes positifs sur la demande. La Banque de France a ainsi relevé sa prévision de croissance pour 2023 de 0,3 à 0,6 %, un niveau qui reste malgré tout encore faible. La Turquie a passé un appel d’offres pour 695 000 tonnes de blé. Enfin, la banque Goldman Sachs prévoit toujours une reprise progressive de la demande chinoise en matières premières.

Cap sur la nouvelle récolte de blé, avec un marché très volatil

D’un point de vue fondamental, les perspectives de la récolte de 2023 de blé sont plutôt bonnes au niveau mondial avec cependant quelques nuances. Les blés d’hiver restent dans de bonnes conditions en France, selon FranceAgriMer, avec 95 % des blés dans des conditions observées bonnes à très bonnes, principalement dans la moitié nord du pays. En revanche, la situation est toujours difficile pour les blés d’hiver aux Etats-Unis avec un déficit hydrique qui perdure. Les perspectives de récolte se dégradent également en Afrique du Nord et sur la moitié sud de l’Espagne à cause du manque de pluie. Néanmoins, la récolte mondiale de blé est toujours prévue en hausse pour la nouvelle campagne, principalement grâce à une progression des emblavements.

Quoi qu’il en soit, le marché reste très nerveux. Déjà les prix du blé remontaient sur le marché à terme ce vendredi 24 mars à la mi-journée. Cette hausse fait très probablement suite à l’annonce du journal russe Vedomosti Business Daily d’une possible restriction des exportations de blé du pays par le ministère de l’Agriculture russe, afin de freiner la baisse des prix au niveau mondial.

Les prix de l’orge chutent aussi

En une semaine, l’orge fourragère rendue Rouen a perdu 20,5 €/t, à 240,5 €/t (base juillet). Cette chute sur le marché intérieur est renforcée par la hausse de l’euro. Cette semaine le prix Fob Rouen baisse de 17 $/t, à 271 $/t (base : juillet). Cette baisse s’explique notamment par l’offre abondante sur le marché mondial et une faible demande en alimentation animale due au contexte économique morose. Dans le même temps, les conditions de croissance pour les orges en France sont bonnes. Les précipitations actuelles sont favorables aux cultures qui bénéficient de meilleures conditions de croissance que l’année dernière.

Les disponibilités en orge restent élevées en Australie et en Russie. Ces deux origines évoluent elles aussi à la baisse, en repli de 15 $/t pour l’Australie, à 262 $/t Fob, et de –10 $/t pour la Russie, à 255 $/t Fob. Les exportations russes d’orge ont augmenté en février de 10 000 tonnes par rapport au mois de janvier, à 255 000 tonnes. Grâce à leur compétitivité et des conditions météorologiques favorables en mer d’Azov, le cumul des exportations de juillet à février est supérieur de 13 % par rapport à l’année dernière.

En raison de l’autorisation d’importer du charbon pour quatre entreprises chinoises en ce début d’année, la Chine aurait levé toutes les restrictions sur l’importation de charbon australien. Cette annonce pourrait être un signe positif pour l’arrêt des taxes chinoises sur les importations d’orge australienne, toujours en discussion. Cet accord, s’il voyait le jour, pourrait réduire les importations chinoises d’orge française.

Du côté des affaires, il y a eu peu d’activité cette semaine. À noter l’achat de 110 000 tonnes d’orge fourragère de la Jordanie à la suite d’un appel d’offres. Ce pays avait aussi acheté 50 000 tonnes le 15 mars dernier. La demande des pays d’Afrique du Nord est toujours très faible, et ce malgré la sécheresse qui continue.

Sur le segment brassicole, il n’y a presque plus de cotations. Sur les marchés, la récolte de 2022 devrait laisser sa place à la récolte de 2023 très prochainement. À titre indicatif, l’orge de printemps Fob Creil pour la récolte de 2022 aurait perdu 5 €/t, à 295 €/t.

Le colza s’effondre

Le prix du colza vient de subir ces dernières semaines une correction extrêmement sévère. La combinaison d’éléments fondamentaux d’offre et de demande baissiers pour les prix, et d’un effondrement du prix du pétrole, conséquence de la crise que traversent les marchés financiers à l’échelle mondiale, a fait chuter les prix de plus de 120 €/t en seulement cinq semaines. Sur les sept derniers jours, le colza rendu Rouen a perdu presque 40 €/t, tombant à 422 €/t. Ce niveau n’avait pas été atteint depuis décembre 2020. Sur Euronext, les contrats de mai à août ont reculé de 36 €/t en moyenne, entre le 16 et le 23 mars.

En effet, les risques accrus de récession, découlant de la faillite de plusieurs banques américaines, poussent les acheteurs à la plus grande prudence. Ces derniers ont été absents du marché depuis quelques jours, ralentissant fortement leurs achats d’huiles végétales, si bien que leurs stocks déjà élevés, ont encore progressé.

Par ailleurs, les achats d’huiles des pays émergents ralentissent aussi car les besoins des prochains mois sont déjà couverts grâce à des achats très élevés depuis le début de la campagne. Les cours des huiles ont alors fortement chuté ces derniers jours, avec notamment un affaissement de 20 % en deux semaines enregistré à Rotterdam pour l’huile de colza. Cette dernière tombe à 810 $/t, son niveau le plus bas depuis novembre 2020 ! Elle est désormais moins chère que l’huile de palme. Cela a bien sûr entraîné les cours du colza à la baisse.

D’autre part, l’offre en colza dans l’Union européenne est supérieure à ce que l’industrie est capable de transformer, si bien que les stocks de la graine oléagineuse devraient atteindre un nouveau record à la fin juin de 2023. Cela découle des importations records de colzas ukrainien et australien depuis le début de la campagne, ces origines étant très attractives et largement disponibles (forte hausse des productions dans ces pays). Ce surplus, situé dans l’est de l’Union européenne, continue de peser sur les cours du colza en France.

Sur le marché mondial, l’annonce d’un nouveau record de récolte de colza en Inde, notifiée par la Fédération indienne des producteurs d’huiles, a aussi contribué à ajouter de la pression sur les cours cette semaine. Avec cette production locale abondante, le besoin indien d’importations en huiles végétales devrait en effet être moins élevé que prévu.

À cela s’ajoutent les bonnes perspectives de récolte de colza en Europe. Malgré quelques pertes occasionnées par un climat trop sec cet hiver dans l’extrême est de l’Union européenne, l’état des cultures est plutôt bon dans toutes les grandes régions productrices européennes. Avec des capacités de stockages saturées dans l’est et le centre de l’Union européenne, le marché européen devrait être inondé d’offres de vente des nouvelles récoltes dès le mois de juillet.

Cependant tout à la fin de la semaine, les prix se sont corrigés à la hausse, les très bas prix ayant finalement incité certains opérateurs à revenir aux achats, que ce soit sur le marché européen (triturateurs) ou canadien (importateurs). Ainsi en cours de journée, le colza sur Euronext avait rebondi de presque 14 €/t (contrat de mai 2023).

Forte correction à la baisse du prix du tourteau

Les craintes de forts ralentissements de la croissance mondiale, voire de récession, alimentent aussi la chute des prix du tourteau de soja. À Montoir, il a diminué de 46 €/t en une semaine sur mai 2023, et de 36 €/t pour une livraison sur juillet 2023, à respectivement 553 et 520 €/t. Cela représente un recul de 7 % en moyenne. L’effondrement de la récolte argentine de soja, désormais évaluée à seulement 26 millions de tonnes, contre 44 millions l’an dernier, n’a pas pu empêcher la chute des prix. Les craintes d’affaissement de la consommation de viandes et produits laitiers en cas de crise économique mondiale ont en effet prévalu.

Par ailleurs, les excellents rendements du soja dans le centre et le nord du Brésil ont largement contribué à cette baisse des prix. La récolte avançant a confirmé un excellent millésime dans ce pays. Elle devrait dépasser les 150 millions de tonnes, soit un niveau record. Le prix du soja Fob Brésil a ainsi diminué de presque 9 % en une semaine, à un peu moins de 500 $/t.

Aux États-Unis les prix ont un peu moins reculé, du fait d’un bilan de soja qui s’annonce plutôt tendu en raison d’une forte demande des triturateurs américains, mais aussi grâce à une bonne dynamique de ventes à l’exportation depuis le début de la campagne. Ils ont tout de même chuté de presque 5 % à Chicago cette semaine, à 520 $/t (contrat de mai 2023). Les semis de soja devraient démarrer en avril aux États-Unis. À l’heure actuelle, l’humidité des sols de la Soybelt est conforme, voire supérieure à la normale, et les précipitations s’annoncent proches de la norme, voire abondantes, dans les grandes régions productrices de soja. Ces perspectives sont plutôt rassurantes pour les semis à venir.

À suivre : exportations russes (blé, orge, tournesol), conditions météorologiques en Europe (colza, blé), semis de maïs et récolte de soja au Brésil, récolte en Argentine (soja, maïs), situation économique mondiale, prix du pétrole, situation sanitaire au Brésil (grippe aviaire) et en Chine (peste africaine porcine).