Avec une année 2023 marquée par la poursuite de l’inflation des prix agricoles et alimentaires, que retenir du dernier Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires qui a été remis au Parlement ? Voici plusieurs enseignements tirés des 496 pages du document. Sa méthodologie pourrait être d’ailleurs une source d’inspiration pour l’Observatoire de la chaîne agroalimentaire de l’Union européenne qui a organisé sa première réunion le 17 juillet dernier à Bruxelles.

  1. Résultat en forte baisse sur le blé tendre, d’autres ateliers s’en sortent mieux

    L’Observatoire français donne une estimation des résultats de 2023 pour dix productions agricoles. C’est un coup d’œil dans le rétroviseur qui n’augure rien des résultats économiques actuels. Ces calculs renseignent sur le résultat avant impôt par unité de travail. Ce solde disponible est destiné à rémunérer l’exploitant mais pas seulement. Il doit aussi servir à rémunérer le capital investi et le foncier détenu par l’exploitant.

    Après une très forte progression en 2021 et 2022, le revenu net de 2023 est en forte baisse pour le blé tendre analyse l’Observatoire. Il recule plus légèrement pour le poulet de chair, le lapin et le veau de boucherie (hors contrat d’intégration). En revanche, le revenu net est en progression pour les ovins à viande, caprins lait, bovins à viande (sauf veau de boucherie), lait de vache (conventionnel et biologique) et porc.

    ProductionRCAI (k€/UTANS)
    ou solde
    disponible
    (€/quantité
    produite)
    2022
    RCAI (k€/UTANS)
    ou solde
    disponible
    (€/quantité
    produite)
    2023
    Blé tendre119 €/T11 €/T
    Volaille de
    chair (poulet
    standard)*
    - 0,10
    €/kg carcasse
    - 0,12
    €/kg carcasse
    Lapin0,63
    €/kg carcasse
    0,58
    €/kg carcasse
    Veau de
    boucherie (hors
    contrat
    d’intégration)
    24,6 k€/UTANS23,8 k€/UTANS
    Ovin viande19,0 k€/UTANS20,6 k€/UTANS
    Caprin lait25,6 k€/UTANS35,9 k€/UTANS
    Bovin viande 26,0 k€/UTANS28,2 k€/UTANS

    Lait de vache conventionnel

    de plaine

    156 €/1000 l160 €/1000 l

    Lait de vache biologique

    de plaine

    189 €/1000 l212 €/1000 l
    Elevage porcin134,4 k€/UTANS229 k€/UTANS

    Source : Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires 2024

    RCAI : résultat courant avant impôt, UTANS : unité de travail annuel non salarié

    * pour le poulet standard, ce résultat tient compte, par convention, des amortissements pour un élevage ayant récemment investi dans des bâtiments neufs, financés à 80 % par emprunt bancaire.

  2. Des coûts de production en hausse

    Les indicateurs de coûts de production qui ont vocation à servir de référence pour la contractualisation au sein des filières sont en hausse entre 2022 et 2023. L’Observatoire souligne que ces indicateurs « adoptent des conventions de calcul et méthodes propres à chaque filière et qui ne peuvent être comparées entre elles ».

    ProductionCoût de production
    (€/quantité
    produite)
    2022
    Coût de production
    (€/quantité
    produite)
    2023
    Blé tendre232 €/T264 €/T
    Volaille de
    chair (poulet
    standard)*
    1,88
    €/kg carcasse
    1,99
    €/kg carcasse
    Lapin4,05
    €/kg carcasse
    4,40
    €/kg carcasse
    Veau de
    boucherie (hors
    contrat
    d’intégration)
    611 €/100 kg vif657 €/100 kg vif
    Ovin viande16,4
    €/kg de carcasse
    d’agneau vendu
    (herbagers)
    17,4
    €/kg de carcasse
    d’agneau vendu
    (herbagers)
    Caprin lait1 007 €/1000 l1 050 €/1000 l
    Bovin viande524 (naisseurs)
    401 (naisseurs-
    engraisseurs de
    jeunes bovins)
    €/100 kg vif
    561 (naisseurs)
    429 (naisseurs-
    engraisseurs de
    jeunes bovins)
    €/100 kg vif

    Lait de vache

    conventionnel

    de plaine

    547 €/1000 l581 €/1000 l

    Lait de vache

    biologique

    de plaine

    708 €/1000 l744 €/1000 l
    Elevage porcinNon disponibleNon disponible

    Source : Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires 2024

    Pour le poulet standard, ce résultat tient compte, par convention, des amortissements pour un élevage ayant récemment investi dans des bâtiments neufs, financés à 80 % par emprunt bancaire.

  3. Des prix et des marges en hausse

    L’Observatoire constate sur l’année 2023 une progression des prix amont (coût de la matière première agricole) et des marges brutes (prix de vente — coût d’achat) des maillons de l’aval. Une tendance qui ne concerne pas les céréales dont le prix a baissé en 2023 par rapport à 2022 (le prix du blé tendre est passé de 405 €/t en moyenne en 2022 à 290 €/t en 2023) selon le rapport remis au Parlement.

    La part du coût de la matière première agricole dans le prix au détail des produits a globalement peu progressé par rapport à 2022. L’Observatoire l’explique par « des reconstitutions de marges brutes aval ». Elles ont, pour la plupart des filières, progressé en valeur en 2023 en comparaison à la progression d’autres charges comme l’énergie, les emballages, les salaires et les services notamment.

  4. Difficile d’attribuer ces évolutions à Egalim

    Cette progression du coût de la matière première agricole constatée en 2022 et 2023 peut-elle être attribuée à la loi Egalim 2 et à l’entrée en vigueur de la non-négociabilité de cette matière première entre les industries agroalimentaires et la grande distribution ? Une question à laquelle l’Observatoire admet ne pas pouvoir apporter de réponse. L’application de la loi étant concomitante à l’inflation générale et mondiale des prix, l’Observatoire n’a pas d’éléments permettant d’identifier la part d’inflation due à l’application de la loi Egalim 2.