Avec la quasi-disparition des protections de la Pac, les agriculteurs européens sont habitués – malgré eux – aux grands vents des marchés agricoles mondiaux qui, selon les campagnes et les niveaux de production, peuvent leur être favorables en termes de prix… ou pas. Cependant, depuis la sortie de la crise du Covid et la reprise de l’économie dans les principaux pays de la planète, les bourrasques du marché international ont aussi fortement soufflé sur les cours des matières premières qui composent une bonne partie des charges des agriculteurs. Et ceci, parfois avec violence. Flambée du pétrole et du gaz, de l’acier, du caoutchouc, du bois, des matériaux de construction, des grains pour l’alimentation du bétail… mais aussi du fret : ainsi, depuis un an, l’impact est réel sur le prix du GNR qui a franchi la barre symbolique de 1 euro/litre, sur celui du gaz et donc des engrais azotés, mais aussi sur le prix du matériel agricole et des coûts de construction des bâtiments (lire p. 18). Sans parler des retards de livraison ou des pénuries de composants pouvant affecter le fonctionnement des usines de matériel agricole.

Aucun paysan n’est épargné par l’envolée des charges. Selon l’Insee, à fin septembre, l’indice du prix des intrants a progressé de près de 13 % en un an (11 % pour l’ensemble des coûts de production) avec une hausse de quasi 40 % des engrais (l’indice est à son plus haut niveau depuis 2009) et d’environ 30 % de l’énergie. Elle est aussi de près de 13 % pour l’alimentation animale. Car c’est le dilemme : les cours des céréales qui ont nettement grimpé suite à des baisses de récoltes dans différents endroits du globe, permettent aux céréaliers de bénéficier enfin de prix élevés… mais alourdissent le coût de l’aliment payé par les éleveurs.

Pour autant, les producteurs de grandes cultures sont très impactés par la flambée des engrais azotés qui ont triplé en 2021. D’où l’urgence de suspendre les droits à l’importation européens qui pèsent sur le prix de ces fertilisants.

De leur côté, les éleveurs sont pris en étau entre la hausse des charges et les prix de vente de leurs produits qui ne suivent pas. Alors que les négociations commerciales ont démarré, il faut donc mettre en œuvre rapidement la loi Egalim 2 dont les premiers décrets viennent de sortir et ainsi mieux intégrer les coûts de production dans les contrats avec une clause de renégociation automatique du prix.

Toutefois, l’augmentation des coûts est telle qu’il paraît difficile d’attendre la fin des négociations au 1er mars pour la répercuter. Le quadruplement des contrôles prévu par le gouvernement ne sera sans doute pas de trop pour s’assurer que le nouveau cadre réglementaire sur la fixation des prix est bien appliqué. Car au-delà des vents du marché mondial, il ne faudrait pas que des vents « locaux » contraires n’entravent, eux aussi, le chemin vers une plus juste rémunération des producteurs, gage d’un revenu leur permettant de continuer à produire.