Le développement agricole reste un enjeu majeur pour la Roumanie. Pourtant, les 4 millions d’exploitations (densité la plus élevée dans l’Union européenne) ne parviennent pas à valoriser le potentiel agronomique et climatique de cet ancien grenier à blé. La libéralisation du secteur a vu l’émergence de grandes fermes capitalistiques orientées vers la production de matières premières, notamment céréalières, alors que la grande majorité des exploitations ne parviennent pas à sortir d’un état de sous-développement.
Pourtant, une nouvelle frange d’agriculteurs roumains, plutôt entrepreneurs, voit le jour en s’orientant vers des productions à destination du marché domestique. C’est le cas des 700 producteurs de légumes au sud de Bucarest qui se sont regroupés en coopérative en 2006 pour valoriser salades, tomates, et tous les légumes de saisons. Vlad Gheorghe préside la coop Eco Legum : « Il y avait un vrai savoir-faire dans cette région, mais tous les outils de transformation ont été abandonnés après la chute de Ceausescu. On est reparti de zéro, en installant des serres froides dans tous les jardins privés disponibles. Aujourd’hui, cela représente 1 500 hectares de couvert. » La totalité de la production est contractualisée avec le groupe Carrefour pour le marché roumain. « Nous nous différencions par la qualité de nos légumes et notre objectif est de contrôler nous-mêmes la commercialisation en direct aux consommateurs. Nous allons investir des magasins en propre et aussi exporter dans l’UE sur des marchés qui demandent de l’ultra haute qualité », précise Vlad.
51 % de produits d’origine roumaine
Depuis 2016, la loi impose que 51 % de l’offre alimentaire des magasins soit d’origine roumaine. Cette réglementation, même si elle semble difficile à appliquer, va booster les projets de productions locales. C’est ce que pense Cristian Lungu, qui exploite 400 hectares à 45 minutes de la capitale. Il double son troupeau laitier pour atteindre 80 vaches, dont le lait est totalement commercialisé via des distributeurs de lait frais installés dans Bucarest. On en compterait actuellement près de 300 dans la capitale, approvisionnés tous les jours par une quarantaine de fermes laitières. Cristian veut aussi profiter de l’engouement des consommateurs roumains à bon pouvoir d’achat pour proposer beurre, crème fraîche et fromage, en valorisant le lait de ses vaches. Dans un pays où la fibre rurale est encore tenace, des jeunes, diplômés souvent, sont tentés de reprendre la ferme familiale pour orienter leurs productions vers plus de valeur ajoutée. C’est ce que constate Camelia Toma, chercheuse à l’Institut d’agriculture de Bucarest. Cependant, entre les grandes fermes exportatrices de matières premières et ce mouvement de circuit court naissant, il reste à construire une filière agroalimentaire basée sur la valorisation des productions nationales. Et ne plus être un importateur de farine quand on exporte des blés !