« Certaines entreprises laitières chinoises ne renouvellent pas le contrat des petits producteurs ou arrêtent d’aller les collecter. » Jean-Marc Chaumet, directeur de l'économie à l’interprofession laitière (Cniel), dresse le portrait de la dynamique laitière en Chine, qui n’est pas au beau fixe. Sur fond de surproduction et de baisse de consommation, les grosses exploitations laitières résistent (lire l’encadré), alors que les productions plus modestes disparaissent.
« Entre 2018 et 2023, la production laitière a bondi de 36 %. Résultat, le pays produit trop de lait », explique Jean-Marc Chaumet. Problème, la consommation ne suit pas. « Le pays traverse une situation économique préoccupante », note le spécialiste. La politique du « zéro Covid » et les confinements successifs ont impacté à la baisse la consommation de produits laitiers en 2022 et 2023. Contrairement au reste du monde, il n’y a pas d’inflation en Chine. Conséquence, le prix du lait est en baisse depuis 2021 et passe même en dessous du prix français en 2023, alors qu’il est d’ordinaire plus élevé. Parce qu’il se combine à des coûts de production en hausse (maïs, tourteau de soja…), 60 % des fermes perdent de l’argent en 2023. Le pays assiste ainsi à des scènes de lait versé ou à des abattages de cheptel.

Des fermes de 10 000 têtes
Le responsable ? Le gouvernement chinois qui pilote sa politique agricole en direction de l’autosuffisance alimentaire. Cette volonté date de la crise des poudres infantiles chinoises contaminées en 2008. Avec l’arrivée du Covid et de la guerre en Ukraine, le gouvernement a mis les bouchées doubles à partir de 2020. La politique favorise alors les grosses exploitations à la pointe en termes de sécurité sanitaire, de technologie et de rendements.
En clair, l’État n’accorde d’aides qu’aux exploitations au-dessus de 300 têtes. « Le montant grimpe à 6 millions de yuans, soit 780 000 euros, pour les fermes laitières de 3 000 animaux entre 2022 et 2023 », rapporte Jean-Marc Chaumet. Et ce n’est pas fini. « Un million de yuans supplémentaires (130 000 €) est accordé pour chaque tranche supplémentaire de 500 têtes. » La politique chinoise est donc vent debout contre les petites fermes, considérées pas assez rentables. En 2023, ce sont 164 projets de fermes qui ont été lancés, dont 70 % comprenaient 10 000 têtes ou plus.
En résumé, « l’excédent d’offre créé par les grosses exploitations nuit aux petites fermes, qui disparaissent. En retour, cela bénéficie à ces grandes productions qui ont moins de concurrence. Elles créent une crise et en bénéficient », décrypte l’économiste.