L’histoire
Encore une histoire de chemin devant les prétoires. Aline était propriétaire indivise de plusieurs parcelles entourant son mas. Elles étaient bordées, à partir de la voie publique, par un chemin d’exploitation dont une portion se situait sur les parcelles voisines, appartenant à Remi. Estimant qu’Aline n’avait pas l’utilité de ce chemin, puisqu’elle pouvait accéder à son mas par un autre passage, Remi l’avait obstrué en implantant des piquets et une clôture.
Le contentieux
Aline s’était opposée à cette situation qui lui interdisait d’utiliser le chemin bordant ses parcelles. Aussi avait-elle assigné Remi devant le tribunal judiciaire en remise en état de la portion du chemin sur laquelle il avait implanté des piquets et une clôture. La demande d’Alice était-elle fondée alors qu’elle pouvait accéder à sa maison par un autre chemin ? C’est la question de l’utilité du chemin situé pour partie sur une parcelle appartenant à Remi, qui était posée.
Selon l’article L. 162-1 du code rural, les chemins et sentiers d’exploitation sont, en l’absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit en soi, mais l’usage en est commun à tous les intéressés. Et l’article L. 162-3 du même code dispose qu’ils ne peuvent être supprimés ou déviés que du consentement de tous les propriétaires qui ont le droit de s’en servir. Aussi, en l’absence d’une telle décision, la disparition de l’utilité du chemin ou d’une portion de celui-ci pour l’un des propriétaires riverains n’est pas de nature à le priver du droit d’usage qui lui est conféré par la loi.
Aline avait ainsi justifié sa demande de remise en état de la portion du chemin obstruée par Remi en démontrant que le chemin en cause était, sur tout son tracé, un chemin d’exploitation auquel il ne pouvait être apporté aucun obstacle, sans son accord.
Remi s’était défendu. Le chemin en litige n’était plus utile à la desserte des parcelles d’Aline puisqu’elle pouvait y accéder par un autre chemin, plus commode. Bien plus, Aline aurait dû, lors de la replantation de ses parcelles, adopter un sens de plantation des vignes permettant le passage des engins agricoles entre les parcelles contiguës qui lui appartenaient. Les juges d’instance et d’appel avaient accueilli ces conclusions.
Mais la cour de cassation a censuré cette solution. Les juges auraient dû constater que le chemin qu’ils qualifiaient de chemin d’exploitation avait été supprimé du consentement de tous les propriétaires qui avaient le droit de s’en servir.
L’épilogue
Aline devra faire constater par la cour d’appel de renvoi qu’en l’absence de son consentement ce chemin ne pouvait être supprimé. Et au vu de ce constat, Remi devra remettre en état la portion de chemin traversant les parcelles d’Aline, afin de lui en laisser le libre usage pour la circulation de ses engins agricoles.