Le chanvre offre une multitude de débouchés : papeterie, isolant, géotextile, textile et plasturgie pour la fibre, construction, paillage horticole et litière animale pour la paille (chènevotte), alimentation humaine et animale pour la graine (chènevis)… . Et le marché est très porteur, en particulier sur la filière industrielle : InterChanvre estime qu’il faudra multiplier par deux les surfaces françaises (23 600 ha en 2025) d’ici 2030 pour répondre à la demande des différents débouchés. Plusieurs chanvrières ont récemment investi dans leurs outils industriels : c’est le cas de Planète-Chanvre en Seine-et-Marne avec 16 millions d’euros, et de La Chanvrière, basée près de Troyes, avec 32 millions d’euros.
Tous les feux sont donc au vert du côté de l’aval de la filière. Seulement du côté de l’amont, ça ne suit pas ou du moins pas assez. « Les agriculteurs veulent une culture qui rapporte au moins autant qu’une céréale, explique Nathalie Fichaux, directrice de l’interprofession. En moyenne pluriannuelle, on est plutôt sur une marge équivalente à une légumineuse ». Ce constat est aussi partagé par Louis-Marie Allard de Terres Inovia : « Beaucoup d’agriculteurs me rapportent ce problème de rentabilité, témoigne-t-il. Les postes semence et récolte sont particulièrement coûteux, c’est ce qui freine souvent l’adoption de la culture ».
Sécuriser en semences
La technicité de la récolte peut aussi décourager. Cependant, les outils s’améliorent et les choix variétaux évoluent : « aujourd’hui, on se dirige de plus en plus vers une distinction graine/paille, avec des itinéraires techniques bien distincts », indique Louis-Marie Allard. L’offre variétale s’est également enrichie depuis 2020, avec à ce jour plus d’une centaine de variétés inscrites au catalogue européen et pouvant être semées en France.
Certaines chanvrières se lancent aussi dans leur propre activité de multiplication de semences afin de mieux sécuriser les campagnes à venir. « Le fournisseur principal de semences de chanvre, Hemp-it, a eu des difficultés de production en 2024, ce qui a conduit à un manque de disponibilité en 2025 », explique Louis-Marie Allard. Selon lui, les chanvrières devraient aussi « jouer le jeu » de la rémunération. Certaines le font déjà : « il y a deux ans encore, la culture était en moyenne rémunérée à 120 €/t de paille. Aujourd’hui, on monte aisément à 130-140 €/t, voire jusqu’à 200 €/t ».