En Pays de Loire, la situation est très préoccupante pour les maïs et les prairies. « À partir de la première vague de canicule, on a vu un arrêt de la pousse de l’herbe », constate Baptiste Cornette, en charge de la ferme expérimentale des Érablières, en Vendée. « L’herbe est grillée, alerte Delphine Breton, chargée de mission viande bovine à la chambre d’agriculture de la Sarthe. Les 10 à 20 mm d’eau du dernier week-end de juillet n’ont eu aucun effet réparateur. Le taux de mortalité des plantes prairiales pourrait être important. » Dans son département, les éleveurs affouragent depuis fin juin. Pour les deux conseillers, il est essentiel de sacrifier des paddocks pour stationner les animaux afin de préserver les autres.
En maïs, la situation est encore plus alarmante. Le manque d’eau pénalise les rendements et la valeur alimentaire. En Mayenne, la chambre d’agriculture estime que 2019 risque d’être l’une des pires des trente dernières années. En Vendée, Baptiste Cornette envisage une baisse de rendement de 40 % pour les parcelles non-irriguées, et de 10 à 15 % en cas d’irrigation. Le constat est similaire en Maine-et-Loire et Loire-Atlantique, même si quelques orages ont pu améliorer localement la situation. « Les parcelles sont hétérogènes, mais certains maïs sont en train de griller sur place, témoigne Jean Tourneux, conseiller d’élevage en Vendée chez Seenovia. Les éleveurs vont devoir prendre des décisions : décapitaliser et ou acheter des stocks. Cela va fragiliser des exploitations où la situation était déjà délicate. » Note positive, en céréales, les récoltes ont été bonnes, assurant les volumes de paille. Le printemps a aussi permis de faire des stocks satisfaisants d’enrubannage et d’ensilage d’herbe.
Les sources tarissent
En Auvergne aussi, le manque de pluie continue d’angoisser les éleveurs. Certains secteurs souffrent de la pénurie d’eau depuis le 14 juillet 2018 ! Les espoirs portent désormais sur une pluie qui tomberait dans les dix à quinze jours à venir. « Nous espérons alors semer des dérobées et valoriser les repousses des prairies en fin d’été », avancent timidement des éleveurs de l’Allier et du Puy-de-Dôme. Dans l’Allier, l’année 2018, déjà très sèche, avait précocement plombé les stocks fourragers. Cet été, les récoltes affichent, par endroits, 50 % de déficit, tandis qu’il ne repousse rien depuis le 15 mai.
L’abreuvement des animaux reste un sujet très compliqué. Suite à l’assèchement des sources et des rivières, le recours à l’eau de ville va générer des factures très élevées. Un sujet de forte préoccupation pour Bruno Laprote, qui élève 85 charolaises à Chassenard, dans l’Allier. « J’ai commencé à donner de l’eau de la ville en juillet l’an passé et en avril cette année. Mon père, qui a 92 ans, voit tarir des sources qui ne l’ont jamais été. Il n’y a eu aucune repousse depuis les récoltes de foin et d’enrubannage. Je donne du fourrage au pré depuis le 14 juillet. À ce rythme, les stocks fondent. Les semis de dérobées ne germent pas, car le sol est trop sec. Je n’ai pas sorti un lot de « babynettes » au pré pour économiser de l’herbe, mais elles me coûtent cher en bâtiment. »
Dans le Puy-de-Dôme, le service agriculture du conseil départemental a mis en place des contrats entre éleveurs ou entre céréaliers et éleveurs pour favoriser l’autonomie fourragère des exploitations, depuis 2017. Moyennant une aide de 170 €/ha de dérobées pour celui qui sème, la récolte est mise gratuitement à disposition de l’éleveur manquant de fourrages.
Réformer tôt
Dans le Cantal, les zones d’altitude transformées en « paillassons » ont été marquées par une période tardivement très froide, suivie d’épisodes très chauds. En Haute-Loire, plusieurs réunions organisées par la chambre d’agriculture dégagent des pistes de solutions : des semis de couverts végétaux (RG, avoine, vesce…) à partir du 15 août pourraient permettre des récoltes fin octobre-début novembre. La germination des graines reste, toutefois, dépendante de pluies à venir. « Nous préconisons aussi l’achat d’aliments à forte teneur en matière sèche (céréales, luzerne déshydratée, paille…) afin de réduire le coût du transport rapporté au kilo de matière sèche, explique Yannick Fialip, président de la chambre d’agriculture. Au niveau des cheptels, les réformes peuvent être vendues plus tôt et les animaux engraissés un peu moins lourds. »
En Bourgogne, et notamment à l’ouest de la Saône-et-Loire, il n’y a pas eu de repousse non plus. Les agriculteurs ont le sentiment de ne pas être sortis de la sécheresse de 2018. L’hiver très sec n’a pas permis de reconstituer les réserves hydriques. Plus largement en Bourgogne Franche-Comté, le maïs non irrigué est à la peine. « La sécheresse persistante marque les derniers semis (cultures dérobées) et les parcelles à faible réserve utile sans irrigation, pointe la chambre régionale d’agriculture. Alors qu’un tiers des parcelles de maïs a atteint le stade floraison femelle, la réserve facilement utilisable (RFU) de tous les sols est maintenant épuisée, le potentiel des cultures sans irrigation commence à être partout bien affecté. »
Marion Coisne, Monique Roque-Marmeys, Anne Bréhier