Après le rebond de la semaine dernière, c’est un mouvement général de baisse qui caractérise les prix français cette semaine avec des importations de maïs records, une demande mondiale en orge qui ralentit et l’inquiétude sur le marché du colza liée aux importations de biodiesel. Le blé a beau gagner en compétitivité, il ne parvient pas à imposer la hausse.

Top départ pour les exportations de blé français

Tout un symbole : mardi, le Gasc égyptien a retenu le blé français dans le cadre de son appel d’offres pour chargement en mars, confirmant que le vent est en train de tourner sur le marché mondial du blé tendre. L’office étatique a ainsi acheté 180 000 tonnes de blé français (à 263,5 $/t à destination), et le même volume de blé roumain, à 262 $/t à destination.

 

C’est la première fois depuis juillet 2017 que le Gasc opte pour du blé français, et la deuxième fois seulement qu’il fait l’impasse sur le blé russe depuis le début de la campagne actuelle. Cela ne signifie pas que l’origine russe sera exclue des prochains appels d’offres pour couvrir les besoins égyptiens sur la fin de campagne (cette hypothèse est même très improbable), mais cela atteste de la perte de compétitivité russe au profit des origines européennes.

 

Les prix mondiaux exprimés en dollar sur le rapproché se sont effrités depuis la semaine dernière (à l’exception du blé argentin qui continue de se raffermir), avec un Fob Rouen autour de 241 $/t (stable sur une semaine), face à un blé russe à 245 $/t (–2 $/t). Exprimé en euro, le rendu Rouen s’affaisse légèrement, juste en-dessous des 200 €/t, conséquence du raffermissement de l’euro face au dollar.

 

Alors que le blé russe a dominé le marché à l’exportation de la tête et des épaules depuis le début de la campagne grâce à un prix très agressif, le voilà donc depuis trois semaines plus cher (en Fob) que les origines européennes. Quant au HRW US (blé de bonne qualité meunière), il est reparti à la baisse après le rebond de la semaine dernière, pour retrouver son niveau d’il y a deux semaines (233 $/t), un effort nécessaire pour « calculer » à destination des principaux centres de consommation dans le monde.

 

Les États-Unis sortent d’ailleurs progressivement de leur position aveugle faisant suite à la levée (temporaire ?) du shutdown. De nombreuses statistiques (telles que les exportations hebdomadaires) vont ainsi de nouveau être disponibles pour un marché accro aux données de l’USDA.

 

Du côté de l’Australie, l’attention va rapidement – de nouveau – se focaliser sur la météo : alors que le pays a subi une sécheresse dévastatrice cette année, amputant violemment la récolte, les modèles climatiques annoncent l’installation d’un temps chaud et sec pour plusieurs mois, de très mauvais augure pour les semis qui débuteront au printemps.

 

Sur le marché du blé dur, un événement très attendu s’est produit au cours des dix derniers jours : l’Algérie, importateur clé à l’échelle mondiale, est revenue aux achats pour la première fois depuis le mois d’avril, pour un chargement en février-mars. Une absence algérienne aussi longue est totalement inédite, et s’explique par une récolte record engrangée en 2018 qui permet au pays de réduire de façon draconienne ses importations.

L’orge fourragère plombée par le manque d’activité

L’orge française a dévissé depuis la semaine dernière à Rouen (-5 €/t à 188,25 €/t rendu base juillet) alors même que le blé n’a guère évolué. Ce niveau est donc le plus bas depuis la fin du mois de juillet. Les opérateurs attendaient un appel d’offres important de l’Arabie Saoudite en janvier, mais celui-ci n’a pas eu lieu. Le royaume saoudien bénéficie depuis plusieurs semaines de précipitations importantes qui ont ralenti le déchargement des bateaux de blé et d’orge d’une part. D’autre part, cette anomalie pluviométrique favorise la pousse de l’herbe et donc le pâturage, potentiellement au détriment de la consommation de céréales.

 

L’incertitude sur le volume importé par l’Arabie Saoudite sur la campagne de 2018-19 pèse sur les prix mondiaux d’orge, d’autant que la Chine réduit franchement ses importations par rapport à la campagne passée.

 

La baisse des prix français ne s’est pas répercutée sur les cotations de la mer Noire cette semaine, qui ont été reconduites à 234 $/t Fob pour l’Ukraine et 232,5 $/t Fob pour la Russie (contre 229 $/t Fob Rouen). D’autres éléments pourraient avoir conduit à cette baisse des prix, comme la nouvelle estimation de récolte du ministère de l’Agriculture argentin à 5,1 Mt, alors même que le marché tablait entre 4,1 et 4,6 Mt. Cela devrait conduire à une détente du bilan mondial d’orge, sans pour autant empêcher une baisse des stocks mondiaux d’une campagne sur l’autre.

Baisse encore plus marquée pour les orges de brasserie

L’orge brassicole de printemps a perdu 7 €/t, à 196 €/t, et celle d’hiver a reculé de 4,5 €/t, à 188 €/t. La baisse des prix sur la nouvelle campagne a été bien plus modérée, l’orge de printemps abandonnant 1 €/t, à 195 €/t, et l’hiver 2 €/t, à 180 €/t. Les prix de l’ancienne campagne se sont donc rapprochés de ceux de la nouvelle campagne, à la faveur de perspectives de surfaces encourageantes. Néanmoins, sur la fin de campagne, le déficit européen en orge de printemps pourrait reprendre le devant de la scène et pousser les prix brassicoles vers le haut, surtout en cas d’aléas climatiques au cours du printemps.

Les importations pèsent sur le maïs dans l’UE

Le maïs repart franchement à la baisse cette semaine, les prix abandonnant entre 1,5 et 4 €/t (–1,5 €/t Fob Rhin, à 173,5 €/t, en base juillet et –4 €/t à La Pallice, à 170,25 €/t). Cette évolution en France s’est produite à contre-courant de la tendance mondiale : en effet, les prix sont restés assez stables en Ukraine et aux USA cette semaine en raison de contraintes logistiques (difficulté pour acheminer la marchandise aux ports en Ukraine et vague de froid aux USA). Ils ont même grimpé en Argentine où le marché se trouve en transition entre l’ancienne et la nouvelle récolte. La révision en baisse des surfaces semées pour la prochaine récolte en Afrique du Sud a aussi soutenu les prix mondiaux.

 

Malgré tout, les chiffres US (inspections à l’exportation) indiquent que les USA ont bien vendu de petits tonnages de maïs à la Chine mais, pour l’instant, les chargements sont restés très modestes. Par ailleurs, il reste encore beaucoup à vendre au départ de l’Ukraine alors que la récolte de l’Amérique du Sud s’apprête à arriver sur le marché. Cette situation soutient les importations de l’UE qui ne faiblissent pas et pèsent sur les prix.

Le soja américain dans l’incertitude

À la fin de la semaine dernière, les cours de soja à Chicago ont bondi dans le sillage du soja brésilien en raison des inquiétudes sur l’état de la récolte brésilienne. La production de soja au Brésil pourrait d’ailleurs de nouveau être révisée en baisse à cause du temps sec et chaud qui s’est maintenu en janvier.

 

Ensuite, les cours ont perdu du terrain face aux incertitudes liées aux négociations commerciales menées par les États-Unis et la Chine. Dans le détail, le président américain a annoncé dans un tweet qu’aucun accord final ne sera conclu avant une rencontre avec le président chinois Xi Jinping prochainement pour discuter des points les plus délicats des relations commerciales entre les deux pays. Cette annonce retarde la résolution du conflit et alimente davantage les inquiétudes du marché.

 

Par ailleurs, après une longue fermeture en raison du shutdown, le ministère américain de l’Agriculture a repris la diffusion des statistiques d’exportations. Mais les informations diffusées à présent ne concernent que la semaine du 14 au 20 décembre. Des statistiques plus récentes ainsi que le rapport mensuel du ministère, qui influence grandement le marché du soja, seront publiés prochainement. Au vu de ces éléments, les cours de la graine de soja US à Chicago se sont maintenus à 336,5 $/t.

 

Les prix des tourteaux de soja à Chicago perdent 2,5 $/t, à 342 $/t. À Montoir, les cours cèdent 9 €/t, à 329 €/t, en raison d’une trituration très dynamique générant des stocks élevés face à une demande stable.

Le colza français pénalisé par les négociations sur le biodiesel

Le colza français a perdu 3,30 €/t en Fob Moselle (à 368 €/t), 3,80 €/t à Rouen (à 372,5 €/t) et 2 €/t sur Euronext (à 372 €/t). Ce recul est dû à la décision prise par la Commission européenne d’exonérer de taxe anti-subvention les producteurs argentins qui s’engagent à vendre leur biodiesel à un prix minimal à l’entrée dans l’UE (prix qui n’est pas encore fixé). Les importations de biodiesel argentin devraient donc se poursuivre. De plus, la Commission a annoncé le 29 janvier reconnaître le système de certification du soja produit aux États-Unis comme étant compatible avec les normes de durabilité de l’Union européenne. Par conséquent, la demande sur le colza français par les usines de biodiesel pourrait être affaiblie. D’autre part, les bonnes conditions de développement du colza rajoutent de la pression sur les cours.

 

De son côté, le canola canadien a perdu 5 $CAN/t depuis la semaine dernière à 482 $CAN/t. les prix ont été pénalisés par la faible activité à l’exportation. StatCan publiera la semaine prochaine les chiffres concernant le niveau des stocks au 31 décembre dernier de grains et oléagineux. Les opérateurs s’attendent à des stocks records, en forte hausse par rapport à l’année dernière. Cette augmentation intervient malgré la baisse de la récolte de 2018, le stock de report de l’année précédente ayant fortement augmenté et les exportations réalisées entre août et décembre 2018 étant en baisse d’environ 400 000 tonnes par rapport à la même période en 2017. La publication de ces stocks pourrait avoir un effet baissier s’ils dépassent les attentes. Toutefois sur le long terme, la baisse des stocks d’huiles au niveau mondial devrait soutenir les cours du colza.

Le tournesol soutenu par son huile

Le prix du tournesol marque une légère hausse de 2,5 €/t, à 312,50, €/t cette semaine à Saint-Nazaire dans le sillage de l’huile. La demande industrielle reste bien soutenue grâce aux bonnes marges de trituration. D’autre part, le Fob ukrainien gagne 5 $/t, à 347,5 $/t, soutenu par la hausse des cours d’huile de tournesol et par une demande turque actuellement soutenue.

En Argentine, l’état d’avancement de la récolte est un peu contrasté : les conditions sont bonnes dans la région de Buenos Aires alors que les dernières inondations risquent de pénaliser les rendements potentiels dans la région du nord-est du pays. Nous prévoyons la récolte argentine à 3,6 Mt en légère hausse par rapport à la campagne précédente en raison de la progression des surfaces.

 

À SUIVRE : importations de maïs dans l’UE, appel d’offre saoudien en orge, compétitivité du blé français par rapport à ses concurrents, récolte sud-américaine de soja et de tournesol, évolution du conflit commercial US-Chine, évolution des exportations US de soja, accord conclu entre l’UE et l’Argentine sur les importations de biodiesel dans l’UE, climat en Europe et mer Noire (colza).