Après la panique de la semaine dernière aux USA, les prix retombent cette semaine pour les céréales (sauf l’orge brassicole) avec la perspective d’une avancée possible des semis de maïs aux USA dans les jours qui viennent. Les pluies américaines ont cependant dégradé fortement et de manière certaine le potentiel de production de maïs US (et peut-être de blé) si bien que les prix mondiaux des céréales restent plus élevés que le mois dernier alors que de nouvelles inquiétudes surgissent en Russie et au Canada.
Affaissement pour le prix du maïs aux USA
Le dernier rapport sur l’avancée des semis publié par l’USDA au 2 juin montre une petite progression d’une semaine à l’autre (67 % des surfaces semées contre 58 %) mais confirme aussi le maintien d’un grand retard par rapport à la moyenne des dernières années (96 % des semis normalement réalisés au début de juin). Depuis le 2 juin toutefois, les précipitations ont baissé nettement et cela permet d’anticiper une forte avancée des semis dans le rapport qui sera publié au début de la semaine prochaine.
Cette situation a contribué à détendre un peu l’atmosphère si bien que les prix du maïs US ont chuté à Chicago cette semaine et cela se reporte sur les prix Fob Gulf (pour l’exportation) et sur l’ensemble des places mondiales. Les maïs US ont ainsi abandonné 14 $/t depuis le pic atteint la semaine dernière, les maïs argentins 14 $/t aussi et les maïs ukrainiens 5 $/t. Les maïs sud-américains, avec une récolte récente très abondante, sont les moins chers actuellement sur le marché mondial. Le maïs argentin vaut 171 $/t soit 15 $/t que le maïs US (186 $/t).
Même si une partie du retard des semis est rattrapée aux USA, la surface totale sera beaucoup plus faible que prévu et cela va affecter nettement le bilan des USA. Ce pays devra réduire, d’une part, ses utilisations de maïs par le secteur animal et, d’autre part, ses exportations au profit des autres grandes origines mondiales de maïs (Amérique du Sud et Ukraine).
Néanmoins, pas de pénurie en vue sur la planète maïs et les prix ont déjà très largement reflété le problème. Ils pourraient encore s’affaisser momentanément la semaine prochaine si les avancées de semis se concrétisent bien.
En France, les prix ont légèrement diminué pour la récolte de 2019 (–2,5 €/t à La Pallice, à 167 €/t, et –0,5 €/t Fob Bordeaux, à 174 €/t), suivant la tendance mondiale.
Le blé a suivi le maïs
Le relâchement du maïs a pesé aussi sur les prix du blé cette semaine. Ces derniers ont abandonné environ 15 $/t sur le marché US (à 208 $/t Fob pour le blé SRW) et 8 $/t sur le marché ukrainien (à 182 $/t Fob mer Noire). Les blés français ont suivi le mouvement, poussés vers le bas par le prix du maïs mais aussi par le bon approvisionnement hydrique de l’ouest de l’UE.
La remontée de l’euro face au dollar a aussi contribué à comprimer les prix français talonnés en outre par les blés allemands et baltes surtout, qui se positionnent aujourd’hui de manière très (trop ?) compétitive sur le marché mondial en raison de la forte remontée des récoltes attendues dans le nord de l’UE.
Les prix français pour les blés nouvelle récolte ont ainsi perdu entre 4 et 5 €/t, à 174,25 €/t rendu Rouen ou 175,25 €/t rendu La Pallice.
Faisant suite à cet affaissement, les blés français restent plus chers que les blés russes mais l’écart entre les deux origines s’est rétréci : en effet, les prix russes n’ont pas suivi la même correction baissière que les blés US ou français (–2 $/t seulement, à 198 $/t Fob pour les blés à 12,5 % de protéine Fob mer Noire). À noter la ruée des importateurs européens la semaine dernière (avec publication des chiffres cette semaine) pour obtenir le reste du contingent de blé ukrainien de 2019 importable à droit zéro. Les importateurs ont pris les 294 000 tonnes qui restaient disponibles dans le but, notamment, de pallier la baisse de la récolte espagnole et parce que ces blés ukrainiens (sans droit) apparaissent les moins chers pour l’importation dans l’ouest de l’UE dès le début de la campagne de 2019-20.
Maintenant, tout nouvel achat de blé ukrainien subira un droit de 12 €/t avant que ne soit réouvert le contingent à droit nul en janvier 2020. Du côté de l’exportation, les flux ralentissent au départ de l’UE vers un total que nous estimons à 21 millions de tonnes, en très légère hausse (+500 000 tonnes) par rapport à 2017-18. La France a largement profité de la baisse des disponibilités du nord et du sud-est de l’UE puisque ses exportations sont en train d’atteindre 10 millions de tonnes (+2 millions de tonnes par rapport à 2017-18).
Quelques inquiétudes à l’horizon
Cette évolution plus modérée qu’ailleurs en Russie reflète les inquiétudes qui émergent dans ce pays faisnat suite aux fortes chaleurs des derniers jours, ainsi qu’à la perspective du maintien de températures nettement plus élevées que la normale dans les prochains jours alors que les apports hydriques seront limités. Même si la végétation est très belle aujourd’hui, les rendements risquent de souffrir de cette situation (phase de remplissage).
L’Australie et le Canada aussi suscitent des inquiétudes : dans ces deux pays, les conditions sont sèches alors que les blés viennent d’être implantés. La situation est préoccupante au Canada où les deux prochaines semaines devraient rester sèches. En Australie en revanche, des pluies sont annoncées à l’ouest pour les prochains jours et cela devrait nettement améliorer le démarrage de la végétation.
Le marché reste donc en alerte en ce qui concerne l’impact de la sécheresse en Russie et au Canada surtout. La situation est inquiétante aussi pour les blés d’hiver aux USA : ces derniers affichent de bons « ratings » (notation publiée chaque semaine par l’USDA) mais on notre toutefois cette semaine une dégradation dans au moins deux régions de production à cause des très fortes pluies récentes. L’impact des excès d’humidité sur la qualité des blés US va rester un facteur à suivre de près.
Les prix de l’orge se dégonflent
L’orge fourragère a perdu 7 €/t rendu Rouen sur la nouvelle campagne (à 160,75 €/t) et 4 €/t en Moselle (à 153,75 €/t). L’effet haussier lié à une vente vers la Chine (qui semble bien confirmée) s’est estompé et l’orge a dû suivre les évolutions du blé et du maïs de la nouvelle récolte. Malgré cet ajustement, les orges françaises demeurent plus chères que les orges de la zone de la mer Noire qui ont baissé elles aussi (–8 $/t pour les orges ukrainiennes, à 172 $/t Fob). Par ailleurs, les importations de la Chine sur la campagne qui se terminent sont encore plus basses qu’escompté et cela pèse aussi sur les prix.
Les prix brassicoles ont grimpé au contraire de 3 €/t Fob Creil, à 178 €/t pour les orges d’hiver et à 189 €/t pour les orges de printemps. En effet, Les surfaces d’orge de printemps au Danemark sont plus basses que prévu (au profit des cultures de fourrages notamment) et les températures élevées qui s’annoncent dans le centre et l’est de l’UE pour les prochains jours commencent à inquiéter.
Les tensions commerciales pèsent sur le cours du soja malgré le retard des semis US.
Les fortes précipitations qui ont inondé de nombreuses plaines du Midwest américain au cours des dernières semaines ont engendré un sérieux ralentissement des semis de soja. Force est de constater que les « farmers » ont accumulé un grand retard dans l’emblavement puisque seulement un peu plus d’un tiers des semis avaient été réalisés au début de juin contre près de trois quarts en moyenne quinquennale à la même date.
Les incertitudes persistantes quant aux perspectives de la récolte US n’ont toutefois pas empêché les prix de s’affaisser. En effet, le climat politico-économique assez tendu entre le gouvernement US et ses principaux acheteurs de soja est venu, de nouveau, peser sur les prix de la fève au cours de la semaine. Donald Trump a en effet menacé le Mexique, deuxième principal acheteur de soja US, de taxer certaines exportations mexicaines si ce pays ne prenait pas davantage de mesures pour lutter contre la crise migratoire.
Cette nouvelle source potentielle de tension commerciale vient s’ajouter au froid diplomatique qui règne avec la Chine, renforçant l’incertitude concernant l’évolution de la demande mondiale en fève. Dans ce contexte, les cotations sur le CBOT ont cédé presque 8 $/t entre le 31 mai et le 6 juin.
Par ailleurs, le spectre de la peste porcine africaine continue de planer au-dessus du continent asiatique. Après avoir provoqué la perte d’un grand nombre d’animaux en Chine, le virus menace les pays voisins où de nombreux foyers ont été détectés depuis le début de l’année, particulièrement au Vietnam. Une forte réduction du cheptel porcin asiatique pourrait lourdement peser sur la demande animale mondiale. Parallèlement, les stocks mondiaux de soja restent pour le moment attendus à des niveaux records, particulièrement aux US. Les conditions climatiques s’étant améliorées ces derniers jours, les semis ont pu reprendre dans le Midwest mais il conviendra de suivre avec attention la progression de ces opérations dans les semaines à venir.
Les tourteaux de soja cotés sur le CBOT se sont contentés d’évoluer dans le sillage de la fève en affichant un recul de presque 13 €/t sur une semaine. En revanche, les tourteaux de soja à Montoir se sont un peu renchéris (+5 €/t), vraisemblablement soutenus par un regain de demande de la part des fabricants d’aliments UE. Les pois fourragers au départ Eure/Eure-et-Loir n’ont, quant à eux, pas bougé d’un iota.
Les conditions climatiques empêchent le canola de baisser
Les prix du canola se sont un peu affaissés au début de la semaine, dans le sillage du soja et dans la perspective du retour annoncé des pluies au-dessus des plaines canadiennes qui souffrent d’un déficit hydrique freinant la germination. Cet affaissement des prix a toutefois été entièrement gommé à la suite d’un récent communiqué du gouvernement local du Saskatchewan indiquant que seulement 22 % des surfaces cultivées avaient un taux d’humidité adéquat. Le canola à Vancouver reste donc coté à 339 $/t.
En revanche, le prix du colza français enregistre une petite baisse dans le sillage du soja en cédant 2,5 €/t à Rouen. Le Fob Moselle est, quant à lui, resté plutôt stable, à 368 €/t. Enfin, le colza était coté en baisse de presque 5 €/t sur Euronext sur la semaine au 6 juin.
Les achats turcs dynamisent un peu le tournesol en mer Noire
La cotation du tournesol à Saint-Nazaire a résisté à la baisse du prix des graines concurrentes et conserve le même niveau que la semaine précédente (à 330 €/t). Le dynamisme des achats turcs a en revanche soutenu un peu les cours en mer Noire (+5 $/t, à 370 $/t Fob).
À SUIVRE : avancée effective des semis de printemps aux USA (maïs, soja), conditions climatiques en Europe (températures dans le centre-est et précipitations dans l’ouest), au Canada, en Australie et en Russie (précipitations dans ces trois pays et températures en Russie), différends entre US-Chine, US-Mexique.