Alors que l’avancée de la récolte française confirme les bons résultats en blé, les perspectives se dégradent pour le blé russe et le maïs français. La baisse de l’euro face au dollar et le recul des prix de l’orge permettent à l’origine française de gagner en compétitivité. En colza, les bilans européens et mondiaux se tendent, ce qui soutient les prix.
Blé : vers une réduction des disponibilités exportables russes
Les prix mondiaux évoluent peu et en ordre dispersé cette semaine, avec une baisse pour les origines françaises (–2 $/t, à 194 $/t Fob Rouen) et US (–1 $/t, à 215 $/t Fob SRW) mais un blé meunier russe qui gagne 1 $/t pour le blé à 12,5 % de protéines (à 197 $/t) et 3 $/t pour le blé à 11,5 % (à 190 $/t). Exprimés en euros, les prix français n’ont pas varié par rapport à la semaine précédente (à 170 €/t pour le blé meunier rendu Rouen).
En Russie, la taille de la récolte continue de mobiliser l’attention. Certains analystes locaux l’estiment maintenant à moins de 75 millions de tonnes, ce qui signifie moins de disponibilités exportables au départ de la Russie, au profit (entre autres) de l’UE. Au sein de l’UE, cet accroissement des exportations bénéficierait plutôt aux blés de la mer Noire et aux blés baltes et allemands, car le blé français manque encore de compétitivité. En Ukraine, la situation est beaucoup plus favorable qu’en Russie. Près de 74 % des surfaces en blé sont récoltées d’après le ministère de l’Agriculture ukrainien, portant la récolte à 18,9 millions de tonnes à ce stade. Les rendements moyens augmentent avec la progression des récoltes et la qualité est toujours au rendez-vous. Le ministère de l’Agriculture projette une production de 26,9 millions de tonnes cette année, quand nos propres prévisions s’élèvent à 28,2 millions de tonnes.
Dans l’UE, la Commission européenne a revu à la baisse ses estimations de rendement en blé par rapport du mois dernier, à cause de la vague de chaleur du mois de juin. Elle réduit son estimation de production du blé européen à 141,3 millions de tonnes, contre 142,3 millions de tonnes le mois dernier. En France, la récolte progresse à grand pas : selon FranceAgriMer, 63 % des surfaces étaient récoltées au 22 juillet, contre 33 % la semaine précédente. Les résultats confirment le bon millésime 2019 tant en rendement (nettement supérieur à la moyenne quinquennale) qu’en qualité (bons poids spécifiques et de teneurs en protéines correctes).
Cette semaine est marquée par une bonne activité du commerce mondial. Les acheteurs semblent être retournés aux affaires en raison de la baisse des prix observés la semaine dernière. La principale affaire vient des Philippines qui ont acheté 275 000 t de blé fourrager australien, soit le plus gros achat en volume de l’année. Cette origine a été préférée aux origines mer Noire car les blés australiens ont un avantage sur les coûts du fret pour la zone Asie du Sud.
Seconde transaction de poids, le Gasc égyptien a réalisé un achat de 300 000 t de blé meunier auprès de l’Ukraine (120 000 t), de la Roumanie (120 000 t) et de la Russie (60 000 t). Il est à noter également une vente de blé US au Japon (114 000 t de blé meunier), un achat tunisien de blé d’origine optionnelle (92 000 t, comprenant du blé français) et un appel d’offres de la Jordanie de 145 000 t.
Orge : regain de compétitivité des orges françaises
La baisse des cours en euro et de la parité euro/dollar permet à l’orge fourragère française de gagner en compétitivité par rapport à sa concurrente ukrainienne. L’orge française a en effet cédé 4 $/t cette semaine (à 179 $/t Fob Rouen) sous l’effet de la confirmation d’une récolte abondante, alors que l’orge ukrainienne n’a baissé que de 1 $/t (à 180 $/t Fob).
Les exportations au départ de l’Ukraine sont très dynamiques sur le début de campagne : les expéditions du mois de juillet pourraient être deux fois plus élevées que celle de juillet 2018.
Dans l’hémisphère Sud, les prix australiens reculent de 4 $/t avec le retour tant attendu des pluies. La situation australienne reste néanmoins préoccupante notamment dans l’est du pays où le déficit pluviométrique reste très important. À l’ouest (principal état producteur), la situation est tout juste correcte, mais peu de pluies sont annoncées pour les 15 prochains jours.
En brasserie, les orges de printemps ne sont pas cotées et le prix des orges d’hiver reste stable, à 164 €/t Fob Creil. À mesure que la récolte de printemps progresse en France, les résultats qualitatifs confirment un taux de protéines bas et des calibrages hétérogènes. Selon les données portuaires, un bateau est en cours de chargement à Rouen avec, pour destination, le Mexique. La France exporte traditionnellement peu vers cette destination (seulement 50 kt réalisés en 2014-15 et 2015-16).
Maïs : le mercure s’affole et les prix français montent
Après une implantation en conditions humides et fraîches, les maïs français ont subi un manque d’eau et une première canicule à la fin de juin. Le mois de juillet a été très sec et une seconde séquence de fortes températures cette semaine a mis à mal des cultures déjà fragilisées. Dans ce contexte, les restrictions d’irrigation s’intensifient sur tout le territoire et les perspectives de rendement chutent.
La production française initialement attendue en hausse par rapport à celle de 2018 en raison d’une remontée des surfaces et du rendement est donc revue à la baisse en raison d’une réduction des rendements dans la plupart des régions (excepté en Occitanie) et de la surface pour tenir compte de transferts vers l’ensilage pour pallier le manque de fourrage auquel les éleveurs doivent faire face pour la deuxième année consécutive. Les prix français sont donc à la hausse cette semaine : ils gagnent 3,5 €/t en Fob Rhin (178 €/t) et 2,5 €/t en Fob Bordeaux (à 179 €/t).
Sur le marché mondial, on assiste au contraire à une baisse des prix, avec –10 $/t pour les maïs brésiliens, –9 $/t pour les argentins et –7 $/t pour les maïs US. La pression récolte pèse donc sur les cours en Amérique du Sud dans un contexte de demande mondiale peu présente.
Prix du soja stable, incertitudes sur les surfaces et les achats chinois aux USA
Les cotations du soja sont inchangées sur le CBoT. Les variations des prix sont limitées depuis plusieurs jours en raison des nombreuses incertitudes. Un doute de taille subsiste notamment concernant l’estimation de la surface semée en soja retenue ce mois par l’USDA, qui pourrait être trop pessimiste, selon certains analystes. Du côté de la demande, cette semaine a vu le premier achat de soja US par un acheteur privé chinois sans taxe supplémentaire depuis plus d’un an. Et des échos de marché rapportent que le gouvernement chinois aurait autorisé une exemption de cette taxe supplémentaire pour un volume de 3 Mt.
L’achat de soja constaté cette semaine concerne pourtant un volume très réduit, bien que le soja américain semble compétitif au départ du Pacifique, ce qui laisse douter de la réalisation de ces achats. D’autant plus qu’une délégation commerciale américaine doit se rendre en Chine la semaine prochaine pour un énième tour de négociations, et que rien ne garantit que ces nouveaux échanges ne débloquent une situation enlisée depuis des mois. En attendant, le bilan mondial de soja est prévu lourd en 2019-20, et la trituration chinoise continue de montrer des signes de faiblesse. En Europe, la vague de chaleur en cours aura très probablement un impact négatif sur les rendements du soja en Italie ainsi qu’en France.
Vague de chaleur et recul de l’euro soutiennent les cours du colza
La nouvelle vague de chaleur en cours en Europe de l’Ouest a encore une fois soutenu les cours dans l’UE cette semaine. Le colza rendu Rouen gagne 3,5 €/t à 368 €/t, tout comme le colza Fob Moselle (376 €/t). Le contrat août sur Euronext est maintenant au plus haut depuis son ouverture, il gagne 8 €/t à 380 €/t. À l’Ouest de l’UE, cette nouvelle période de stress devrait avoir un impact limité sur la production, déjà attendue à un niveau bas. Notons que les prix européens se retrouvent par ailleurs soutenus par une chute de l’euro par rapport au dollar sur la semaine faisant suite à de nouvelles annonces de la Banque centrale européenne pointant vers une baisse des taux directeurs dans les semaines à venir. Au Canada, les cours du canola progressent également dans le sillage des prix européens, ils gagnent 1 $/t (ou 4 $CA/t) à la Bourse de Winnipeg sur la semaine.
Le tournesol souffre à l’ouest de l’UE
Le tournesol continue de souffrir des fortes températures et des déficits pluviométriques alors qu’il est en pleine phase de floraison en Europe de l’Ouest. En France, la situation est maintenant inquiétante dans le Sud-Ouest, qui était jusqu’à présent préservé. De la même façon qu’en colza, il faudra donc s’attendre à des nouvelles révisions à la baisse des prévisions de production sous peu. La cotation du tournesol est toutefois inchangée sur la semaine, à 320 €/t à Saint-Nazaire. Dans la zone de la mer Noire, le prix du tournesol gagne 5 $/t (à 370 $/t fob) en raison des fortes chaleurs susceptibles de brider les rendements en Russie. En Ukraine, les conditions de culture sont dans la norme, alors qu’elles semblent encourageantes en Hongrie et pour l’Europe du Sud-Est.
Légère hausse du tourteau de soja et légère baisse du pois en France
Le cours du tourteau de soja enregistre une légère une baisse à Chicago (–3 $/t, à 335 $/t), alors qu’il progresse légèrement à Montoir (+2 $/t) sous l’influence des cotations du tourteau en Argentine. Une demande mondiale et européenne, attendue vigoureuse en tourteau de soja, nécessitera probablement une trituration plus dynamique qu’elle ne l’a été au cours des dernières semaines au sein des principaux pays triturateurs
Le prix du pois continue de corriger (–4 €/t, à 191 €/t) après la forte hausse enregistrée il y a deux semaines. Le rendement moyen s’annonce proche de la tendance en France.
À SUIVRE : impact de la vague de chaleur en cours en Europe, avancée et qualité de la récolte des céréales et de colza en mer Noire et UE, conditions climatiques européennes et nord-américaines et leur impact sur le développement des maïs et soja, cours du pétrole, négociations commerciales entre USA et Chine.