Dans les réunions avec les exploitants, une présentation de la chambre d’agriculture d’Île-de-France et de l’Inrae a surpris. Il s’agit des résultats du programme Agrocapi (1) sur les essais au champ de fertilisation à base d’urine humaine. Les effets d’urine stockée, issue des toilettes de festivals ou de bureau, d’urine fermentée, et de celle nitrifiée et concentrée, ont été comparés à ceux de l’ammonitrate et du lisier de bovins.

Bénéfices agronomiques

« Sur blé tendre, l’efficacité des urinofertilisants est supérieure à celle du lisier de bovin, et très proche de celle de l’ammonitrate 33-5, avec des rendements similaires », note Morgane Vidal, conseillère technique grandes cultures à la chambre. Tristan Martin, post-doctorant à l’Inrae et au Leesu (2), ajoute que l’efficacité au champ, un peu moindre que celle sous serres, a été potentiellement due aux pertes par volatilisation ammoniacale. « Mais avec de bonnes conditions d’épandage par des pendillards, injection ou enfouissement, ces pertes sont fortement réduites », précise-t-il.

Dans l’expérimentation, trois apports d’urine ont été réalisés, mais pour les prochains essais, les conseillers réfléchissent à ne conserver que le deuxième apport avec un urinofertilisant à épi 1 cm. « Il peut être difficile d’entrer dans des sols gorgés d’eau à la mi-février ou début mars avec du matériel lourd comme la tonne équipée de pendillards, précise Morgane Vidal. De même, il n’est pas envisageable de passer avec ce matériel en fin de cycle. » Les autres apports pourraient être assurés par de l’ammonitrate.

Du point de vue réglementaire, l’urine est considérée comme les eaux usées et nécessiterait un plan d’épandage au-delà d’un certain volume. Si les bénéfices agronomiques et économiques des urinofertilisants, moins chers que l’engrais minéral, voire gratuits, font consensus auprès des agriculteurs, le stockage de gros volumes et la présence de résidus médicamenteux posent question.

Micropolluants à l’étude

« L’urine non traitée consomme le moins d’énergie, relève Tristan Martin, mais épandre 36 tonnes à l’hectare est peu réaliste dans les systèmes agricoles franciliens actuels, où il y a peu de matériel d’épandage disponible. En la concentrant ou en la déshydratant, on facilitera le stockage après collecte, le transport jusqu’à la ferme et l’épandage. »

Quant à la qualité de l’urine collectée depuis 2020, la présence de cinquante-neuf micropolluants organiques (résidus pharmaceutiques, hormonaux et de soins personnels) est étudiée, et plus précisément leur devenir dans les sols, les eaux, les plantes cultivées et leur transfert vers la chaîne alimentaire. Selon l’Organisation mondiale de la santé, les effets négatifs sur la quantité ou la qualité des produits agricoles sont négligeables. Une hypothèse, encore à vérifier par les travaux d’Agrocapi, est que l’utilisation d’urine directement sur le sol, plutôt qu’une gestion conventionnelle des eaux usées, permettrait de diminuer les risques. Les micropolluants se dégraderaient mieux dans les couches du sol grâce à la forte concentration de micro-organismes.

F. Mélix

(1) Optimisation des cycles de carbone, azote et phosphore en ville.

(2) Laboratoire eau-environnement et systèmes urbains.