La vague de froid accompagnée de neige qui s’est abattue le weekend dernier aux États-Unis au cœur des plaines à blé d’hiver Hard Red Winter (Kansas, Colorado, Oklahoma, Nebraska) a fait monter la fièvre sur le marché du blé. Cet épisode exceptionnellement tardif est survenu alors que 40 % des blés étaient à épiaison dans le Kansas, faisant craindre de forts dégâts pour les blés au stade de la méiose (une phase courte mais extrêmement sensible au froid juste avant l’épiaison), ainsi que de possibles gels d’épis pour les blés plus avancés.
Ce coup de froid a fait monter la température sur les marchés US, où les fonds financiers affichent des positions « short » (exposées au risque de hausse des prix) très importantes. Chicago a ainsi bondi de près de 9 $/t le premier mai, avant de reperdre la quasi-totalité de la hausse deux jours après. Les premiers échos des tours de plaine dans les zones les plus touchées se sont en effet avérés rassurants, avec des potentiels de rendement dans la moyenne de ces dernières années. La situation reste néanmoins à surveiller de près : certains dégâts ne pourront être réellement évalués que d’ici à une dizaine de jours. En attendant, l’ampleur des stocks attendus en Russie, en Australie et aux États-Unis ainsi que la perspective d’une bonne récolte mondiale ont repris le dessus.
En Europe, Euronext a suivi le mouvement, gagnant 5 €/t entre le 25 avril et le 2 mai, pour redescendre de plus de 2 €/t le 4 mai, à 167,25 €/t. Sur le marché physique, le rendu Rouen est même retombé plus bas qu’il y a une semaine, à 158 €/t (base : juillet) pour la qualité meunière en ancienne récolte, sous l’effet combiné de l’appréciation de l’euro face au dollar et du retour des pluies en France. Ces dernières ont permis de stabiliser la situation pour des cultures qui avaient désespérément besoin d’eau. Néanmoins, la partie nord du pays n’a guère profité des ondées, et il faudra que les pluies reviennent vite pour conforter les céréales.
L’orge suit le blé à la baisse
En orge, la qualité fourragère a été mise sous pression par le recul du prix du blé, avec un prix rendu Rouen à 138 €/t en ancienne récolte. En outre, la Russie fait enfin son retour à l’exportation après des flux inhabituellement faibles depuis le début de la campagne. La France n’a toutefois plus besoin d’exporter de façon massive d’ici à la fin de la saison compte tenu d’un bilan attendu proche de l’équilibre. La situation a également peu évolué en orge brassicole, à 186 €/t pour les variétés de printemps Fob Creil ancienne récolte. En nouvelle récolte, ce type d’orge perd 3 €/t depuis la semaine dernière, à 188 €/t. La prime brassicole reste néanmoins relativement élevée face à une production qui s’annonce nettement plus importante que l’an passé.
Les semis US comblent leur retard
Le marché du maïs affiche lui aussi une relative stabilité. Le Fob Rhin et le Fob Bordeaux gagnent 1 €/t depuis la semaine dernière, à respectivement 170 et 167,5 €/t. Aux États-Unis, après un faux départ lié aux pluies, les semis ont bien avancé fin avril, atteignant 34 % au 30 avril (contre 17 % sept jours auparavant). Le retard est donc désormais comblé, mais les chantiers pourraient de nouveau être interrompus par les intempéries. Les États de l’Illinois et l’Ohio ont en outre subi des inondations qui conduiront localement à des resemis. Pas de souci de ce type en France, où les semis sont réalisés à 84 % au 1er mai, contre 41 % l’an dernier à la même date. Le Brésil achève quant à lui sa première récolte, avec des rendements qui confirment leur niveau record. Les rendements de la seconde récolte s’annoncent eux aussi très bons. Cela se traduit par des prix locaux très bas qui n’incitent pas les producteurs à vendre leur récolte, ce qui pourrait entraîner des problèmes de stockage, la récolte de soja ayant elle aussi été pléthorique. Le marché mondial du maïs continue de se diriger vers une situation très lourde.
À suivre : dégâts du froid pour le blé US, retour prochain des pluies en France dans un contexte qui demeure sec, avancée des semis de maïs aux États-Unis.
Les prix du colza fanent sous la pluie
Cette semaine, le retour des pluies dans la plupart des régions françaises a été bénéfique aux cultures de colza. La baisse des cours du pétrole (-7 % sur la semaine) a également pesé sur les prix. Rendu Rouen, le colza n’était pas coté le 4 mai, tandis qu’en fob Moselle, il reculait nettement par rapport à la semaine dernière (-13 €/t à 388 €/t). Sur Euronext, le colza a perdu 1,75 €/t à 366 €/t sur le rapproché (échéance août).
Les conditions s’améliorent doucement au Canada après un début de printemps particulièrement neigeux et pluvieux. Toutefois, les excès d’eau pourraient encore ralentir les travaux de semis pendant plusieurs semaines. Avec le passage de l’échéance mai (ancienne récolte) à l’échéance août (nouvelle récolte), le prix du canola à Winnipeg perd 9 $/t sur le rapproché, à 381 $/t le 4 mai. Ce vendredi, l’office de statistiques canadien a confirmé la forte baisse des stocks de canola par rapport à l’an dernier (recul de 2 Mt par rapport à mars 2016). Cette nouvelle pourrait soutenir les prix dans les prochains jours.
La graine de tournesol est cotée à 355 €/t à Saint-Nazaire, comme il y a deux semaines. Dans certaines régions du centre-ouest de la France, les conditions sèches et froides se traduisent par des levées hétérogènes, tandis que les semis ne sont pas achevés.
Les prix du soja font de la résistance
Les cours du soja ont gagné 7 $/t depuis la semaine dernière, à 355 $/t sur le marché à terme de Chicago. Au Brésil, les agriculteurs rechignent à vendre leur récolte. En effet, le prix actuel leur paraît trop peu rémunérateur et ils préfèrent stocker dans l’attente d’une éventuelle dépréciation du real face au dollar qui leur redonnerait de la compétitivité, ou d’un potentiel accident climatique pour la prochaine récolte US. Cette rétention des agriculteurs brésiliens donne l’opportunité aux États-Unis d’exporter davantage de soja dans une période habituellement beaucoup plus calme pour eux. Les semis de la nouvelle récolte US progressent bien puisqu’ils atteignaient 10 % des surfaces au 30 avril, contre 6 % en moyenne quinquennale. Néanmoins, les pluies importantes dans le Midwest et le débordement de plusieurs rivières inquiètent les opérateurs. Autre élément haussier pour le complexe soja outre-Atlantique : la possible mise en place par les États-Unis de taxes d’importations élevées pour le biodiesel en provenance d’Argentine et d’Indonésie (accusées de dumping par les industriels américains).
Les tourteaux de soja se sont renchéris dans le sillage de la graine. L’augmentation a toutefois été moins marquée : +4 $/t sur le marché de Chicago (à 346 $/t) et +2 €/t à Montoir (à 334 €/t). En effet, les bonnes nouvelles du côté de l’Argentine ont tempéré la hausse. Le temps sec a permis à la récolte de soja argentine de progresser d’environ 17 points durant la semaine passée, à 49 % des surfaces.
Enfin, les cours du pois fourrager départ Marne ont gagné 5 €/t cette semaine à 215 €/t.
À suivre : conditions climatiques en Amérique du Nord et en Europe, rétention des agriculteurs brésiliens.