« Les bords de champs correspondent à la partie extérieure de la parcelle non destinée à la production agricole, et avec une végétation nettement différente », a rappelé Pauline Lebecque, conseillère en biodiversité à la Chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais, le 11 décembre 2023 au cours d’un colloque consacré à ce thème.

« Lorsque l’on observe notre région, on s’aperçoit que ces derniers ont pourtant plutôt tendance à être rognés, qu’élargis. D’où la nécessité de davantage sensibiliser l’ensemble des acteurs du territoire — exploitants comme autres gestionnaires (départements, communautés de communes…) — sur ce sujet », insiste la spécialiste. Un bord de champ en bon état agroécologique permet en effet de préserver la biodiversité floristique et faunistique ainsi que la vie du sol. Il lutte contre l’érosion et le ruissellement, filtre l’eau, piège le carbone et a un rôle de corridor paysager. « C’est aussi un outil de lutte contre la sécheresse », ajoute-t-elle.

Des idées reçues

Deux expérimentations réalisées sur la région en 2022 ont permis l’acquisition de nouvelles références qui contredisent certaines idées reçues. Ainsi, les agriculteurs pensent souvent que les mauvaises herbes proviennent de ces zones. Parmi les espèces botaniques observées sur plus de 170 bordures de champs, 18,9 % correspondent seulement à des adventices (surtout de la folle avoine). Dans la seconde étude, réalisée dans le Cambrésis (département du Nord), la comparaison de la flore d’une bordure avec celle des parcelles cultivées adjacentes a montré que le cortège floristique y est très différent. « Il n’y a eu qu’une seule espèce commune : le liseron des champs, présent à hauteur de 1 % dans la bordure », appuie la chambre.

Moins de 2 % de ravageurs

Les études ont aussi montré que lorsqu’on laisse se développer la flore, les ravageurs (surtout des pucerons) sont présents à hauteur de 16,5 % du total et les auxiliaires (carabes, araignées, coccinelles, chrysopes…) de 14 %. Mais avec plus de 200 espèces de pucerons existants, ce sont davantage des espèces inféodées à la flore spontanée qui ont été retrouvées. Ces dernières servent d’ailleurs de repas aux auxiliaires avant qu’ils ne régulent les cultures. Il y a ainsi moins de 2 % de la faune présente dans les bordures qui représente des ravageurs d’importance économique. Et s’il y a effectivement plus d’insectes pollinisateurs dans une bande fleurie, les résultats montrent que ce n’est pas le cas pour les auxiliaires, davantage présents dans les bordures.

Les araignées sont très utiles pour la régulation naturelle. (©  Chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais)

Ces aménagements procurent en complément des zones de nidification, de refuge, d’alimentation et d’hivernage pour la petite faune sauvage, telle que passereaux, perdrix, faisans… Ils permettent en outre de freiner la fuite des particules en cas de ruissellement.

Une étude de l’Inrae a ainsi prouvé que ce transfert de terre est cinq fois moindre pour une zone enherbée de 3 mètres comparée à un témoin sans bande, et jusqu’à 50 fois moindre quand elle est de 6 mètres. L’intérêt est d’autant plus important avec un couvert de graminées. Leur chevelu racinaire crée une forte perméabilité, sans grosses fissures et accroît la résistance du sol à l’arrachement. L’eau s’infiltre, se séparant de charge de terre. « Les inondations de cet hiver ont bien souvent permis de voir que le bord de champ aide à l’infiltration de l’eau », constate la spécialiste.

Une fois par an

Un broyage intensif accélère la disparition de la faune, et notamment des auxiliaires dans les bords de champ. C’est aussi une action qui favorise le développement des adventices. En revanche, le fait de moins intervenir permet d’avoir une structure de végétation et une flore spontanée intéressante pour les pollinisateurs et pour d’autres organismes tels que les araignées.

Ainsi, concernant l’entretien, la chambre conseille de maintenir une largeur minimum de 1 mètre, d’éviter la dérive de traitements phytosanitaires et d’engrais, de préférer la fauche au broyage avec une hauteur de coupe supérieure à 10 cm, et d’intervenir au maximum une fois par an.

Il s'agit d'un outil efficace de lutte contre le ruissellement et l'érosion. (©  Chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais)

Et lorsque cela est possible, elle ajoute qu’il est préférable d’exporter les produits de fauche. « Sinon le milieu s’enrichit, ce qui favorise les adventices, qui sont nitrophiles », souligne Pauline Lebecque. Pour préserver la faune mais aussi la floraison des espèces sauvages, une gestion tardive en automne ou sortie hiver sera préférable. Enfin, on évitera de circuler dans la bordure.

« Globalement avec une gestion cohérente, au bout d’un certain temps, les espèces sauvages et spontanées coloniseront le milieu. Sans travailler le sol, la faune du sol et les auxiliaires seront de plus préservés », appuie-t-elle.