A proximité de Dijon, les chercheurs de l’Inrae essaient de mettre au point des systèmes agroécologiques écologiquement vertueux et efficients économiquement. « Pour savoir si les carabes, prédateurs des pucerons, des limaces ou des graines d’adventices, sont capables de manger les bioagresseurs, il faut être capable de faire l’impasse sur les traitements même bio, en perdant éventuellement une récolte, pointent Violaine Deytieux, Vincent Cellier et Stéphane Cordeau. En tant qu’organisme de recherche, nous pouvons prendre des risques supérieurs à ce que les agriculteurs peuvent se permettre financièrement ».

Sur la plateforme CA-Sys (1) lancée en 2018, les chercheurs misent sur la biodiversité (cultivée ou sauvage) pour produire mieux et de manière durable. Cinquante parcelles ont été aménagées sur 125 ha. Elles sont entrecoupées de bandes fleuries et enherbées. Implantés sur 9 m de large et composées d’espèces de couleurs variées pour une disponibilité différente de nectar, celles-ci représentant globalement avec les haies présentes sur le pourtour du dispositif, 10% de la surface cultivée.  

La diversité végétale dans les parcelles (mélanges d’espèces et de variétés), dans le temps (rotation longue avec couverts végétaux), dans le paysage (assolement, infrastructures paysagères) est la règle. Des systèmes de culture différents avec ou sans fertilisation azotée minérale, sont pratiqués : semis direct permanent ou assorti d’un léger scalpage et désherbage mécanique, travail du sol (labour occasionnel, faux semis, désherbage mécanique).

Les auxiliaires ne migrent pas assez

Pour l’instant les suivis de biodiversité en bordure des parcelles et à 50 m à l’intérieur sont décevants : les auxiliaires restent dans les bandes fleuries et enherbées où elles trouvent les ressources qui leur sont nécessaires. Le niveau de biodiversité qui serait nécessaire dans les parcelles pour contrôler les gros pics de ravageurs n’est donc pas disponible. Même si la situation peut s’améliorer avec des infrastructures écologiques plus anciennes, l’efficacité des auxiliaires restera limitée a priori à un rayon d’une cinquantaine de mètres.

Le changement climatique très sensible en Bourgogne depuis quelques années avec des sécheresses, des coups de chaud et de froid brutaux freine par ailleurs les interactions pressenties entre plantes et bioagresseurs. Le pouvoir étouffant des intercultures sur les mauvaises herbes est annihilé. La levée et la gestion des couverts végétaux implantés après moisson pour amener de la matière organique dans les sols et concurrencer les adventices devient difficile sans faire appel au système d’irrigation, existant sur le domaine.

Comme les agriculteurs engagés dans l’agro-écologie, les chercheurs s’interrogent : faut il semer les couverts avant récolte ou au printemps ou s’orienter vers des couverts permanents ? Comment les gérer sans phytos ? Doit on retravailler les mélanges en privilégiant des espèces plus résistantes au sec ? Pour mieux maitriser les plantes vivaces tels que les chardons, il faudra sans doute recourir au travail du sol et adapter les systèmes de culture mis en place pour douze ans.

(1) CA-Sys : Co-designed Agroecological system Experiment.