L’exploitation de Thierry Tissut étant certifiée HVE (haute valeur environnementale) de niveau 3 depuis deux ans, il s’est en partie appuyé sur la luzerne pour atteindre ses objectifs d’IFT (indice de fréquence de traitement) et de préservation de la biodiversité. Il a, en effet, d’abord décidé de passer sa luzerne en SIE (surfaces d’intérêt écologique). À cette fin, il emploie seulement un herbicide de synthèse l’année de l’implantation, puis les années suivantes, lorsqu’il exploite la culture, il n’utilise plus de phytos.
Préserver la faune
Pour la première année, Thierry a également décidé de faire de la fauche différenciée sur une partie de ses surfaces de luzerne. « À chaque fois, il s’agit de ne pas couper une bande de la largeur de l’outil, soit 7 mètres, afin d’y préserver les insectes, les oiseaux…, explique l’agriculteur, situé à Creney-près-Troyes (Aube). Puis 45 jours plus tard, au cours de la deuxième coupe, on opère de la même manière, en laissant cette fois une zone de 7 mètres de l’autre côté, et ainsi de suite au fil des quatre ou cinq fauchages de la saison. »
Par ailleurs, son fils, Arthur, ainsi qu’un de ses amis, tous deux apiculteurs amateurs, cherchaient un endroit pour mettre leurs ruches. Il s’est alors rappelé tout l’intérêt que pouvait avoir ce type de dispositif, notamment pour les abeilles (lire l’encadré), et leur a conseillé de les mettre près de sa luzerne. « Il y a forcément des fleurs sur ces bandes puisque la culture reste environ 80 jours sans être coupée, précise-t-il. Lorsqu’on rentre dans une luzerne en fleurs, on a de suite conscience de son impact car il y règne un bourdonnement incroyable. »
La parcelle, d’une vingtaine d’hectares, fait un kilomètre de long. Elle est située le long d’une route très passagère. « Cette année, ma coopérative, Capdéa, située à environ 5 km de mon exploitation, finance ce dispositif, informe-t-il en complément. Elle indemnise la surface non récoltée sur la base d’un rendement de 4 t/ha. Me concernant, cela représente 70 ares par bande. »
L’idée : communiquer sur l’intérêt environnemental de la luzerne déshydratée et généraliser cette pratique. « C’est d’autant plus important que, dans notre région, il y a peu d’éléments topographiques qui favorisent la biodiversité », ajoute-t-il. La profession demande 200 €/ha pour étendre le dispositif de fauche alternée sur la totalité des surfaces de luzerne déshydratée française.
Avec une grosse population périurbaine, puisque l’exploitation est limitrophe de Troyes, cette initiative est également l’occasion pour Thierry d’expliquer, dans le cadre de la charte de bon voisinage, les actions mises en œuvre par les agriculteurs.
Des effaroucheurs sur les barres de coupe
C’est la coopérative qui gère les dates de fauche. Des effaroucheurs sont placés sur toutes les barres de coupe. Afin d’éviter de concentrer le gibier au même endroit, le travail est toujours effectué de manière à le repousser vers l’extérieur de la parcelle. Puis à la fin, la vitesse est diminuée. « Comme la date de première fauche a eu lieu cette année début juin et que la prochaine devrait se dérouler d’ici 45 jours, il n’y aura a priori pas d’impact sur les populations de perdreaux », se félicite Thierry, par ailleurs chasseur.
Céline Fricotté