que la loi du 14 décembre 2020 autorisant cette réintroduction temporaire avait déjà été validée par le Conseil constitutionnel et estimé que l’arrêté « se borne à mettre en œuvre pour la seule campagne de 2021 et pour la période maximale de 120 jours » la dérogation prévue par la réglementation européenne.
Respect des conditions de la dérogation
En outre, l’arrêté respecte, selon le juge, les conditions de la dérogation prévue par la réglementation européenne, en raison du « risque d’une nouvelle infestation massive par des pucerons ». Par ailleurs, il a estimé que « les pertes importantes de production subies en 2020 témoignent de ce qu’il n’existe pas d’autres moyens raisonnables pour maîtriser ce danger pour la production agricole concernée, tout au moins pour la campagne de 2021 ».
Les betteraviers, qui ont subi des pertes évaluées à 280 millions d’euros après l’invasion du puceron que d’autres traitements n’ont pas permis d’éliminer, avaient demandé cette réintroduction de semences de betteraves sucrières enrobées de deux néonicotinoïdes (imidaclopride ou thiamethoxam) en attendant une solution technique de rechange.
Mais les ONG Agir pour l’Environnement, Terre d’abeilles et fédération Nature et Progrès, la Confédération paysanne et le Syndicat national d’apiculture dénonçaient l’arrêté du gouvernement, estimant notamment qu’il ne répondait pas aux obligations d’un usage « limité et contrôlé » prévu pour pouvoir déroger à l’interdiction générale des néonicotinoïdes en agriculture dans l’Union européenne.
Procédure parallèle devant la Commission européenne
Il s’agit d’une « décision très décevante. […] Pas un mot sur tout ce qui est contrôle et surveillance », regrette Corinne Lepage, avocate de plusieurs requérants et ancienne ministre de l’Écologie. Elle compte désormais sur une procédure parallèle devant la Commission européenne, qu’elle a saisie sur la question du respect par la France des conditions dérogatoires. Plus globalement, elle dénonce « les positions extrêmement conservatrices du Conseil d’État sur les questions de santé environnementale ».
Guillaume Tumerelle, autre avocat de plaignants, a de son côté estimé que le Conseil d’État avançait des « arguments surprenants », sur l’absence d’alternatives ou la limitation géographique de l’usage des néonicotinoïdes. Il envisage également avec ses clients une procédure devant la Commission européenne.
« Approximations »
Agir pour l’Environnement et la Confédération paysanne ont dans un communiqué « dénoncé les approximations et mensonges du ministère de l’Agriculture qui ont permis au Conseil d’État de rejeter le référé », notamment selon elles sur des données météo.
Le ministère de la Transition écologique n’a pas souhaité réagir. La ministre Barbara Pompili avait elle-même porté en 2016 comme député la loi interdisant ces insecticides. Mais elle avait appuyé cette réautorisation ciblée, arguant de « l’échec » à trouver une autre solution permettant de préserver la filière sucrière française.
Son ex-parti, EELV, a une nouvelle fois dénoncé lundi « une décision dangereuse qui mène les agriculteurs dans une impasse ».
De son côté, la CGB (Confédération générale des planteurs de betteraves) fait état du « soulagement des betteraviers après une année 2020 calamiteuse ». Pour Franck Sander, président de la CGB, « avec la publication tardive de l’arrêté, nos semenciers ont fait un travail extraordinaire au niveau logistique pour préparer et livrer les semences dans un temps record. Le risque de suspension de l’arrêté plaçait les betteraviers sous la menace de ne pouvoir accomplir leur métier, à savoir cultiver leurs betteraves pour produire notamment du sucre ou de l’alcool. »