Les agriculteurs italiens n’en peuvent plus. Qu’ils soient céréaliers, viticulteurs ou éleveurs, ils ont l’impression d’être sous surveillance, d’être pris pour des menteurs, voire infantilisés. Ils ont vu les contrôles administratifs ou industriels se multiplier depuis trois ans.

Pacifico Crespi n’est pas content. Riziculteur dans la province du Piémont, première zone de production européenne, il cultive 60 ha de riz dont 70 % sont usinés chez lui pour de la vente directe, sous sa propre marque.

Entre six et dix par an

« Je subis entre six et dix contrôles par an. Quand ce n’est pas l’État qui inspecte pour des normes nationales ou européennes, c’est la région, pour des réglementations spécifiques que d’autres producteurs de riz italiens ne subissent pas. J’estime qu’il y a distorsion de concurrence. »

Pacifico a créé des digues entre ses champs pour répondre à des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Si, en contrepartie, il touche 125 €/ha d’aides européennes, il estime que ce ne sont que des embêtements, que c’est improductif et mangeur de temps. « J’ai eu deux contrôles lors des six derniers mois à ce sujet. On a l’impression d’être des enfants désobéissants. »

Pour garder plus de marge, l’exploitant a développé son propre atelier industriel de décorticage. Une diversification cohérente et rémunératrice, visée par les organismes de contrôles. « Là, on touche le summum dès que l’on parle d’alimentation », constate-t-il.

Dans sa région, l’utilisation du bentazone est interdite, ce qui n’est pas forcément le cas dans d’autres régions d’Italie, en Espagne ou en Grèce. « Ils sont venus pour vérifier mon local phyto, un matin à l’aube », grogne-t-il. Et les inspections risquent de se renforcer.

« Les Italiens adorent manger. Ils sont de plus en plus soucieux de la qualité sanitaire de leurs achats, confie Mauro Donda, directeur de Coldiretti Cremona, principal syndicat agricole italien. Nous communiquons sur le fait qu’il ne peut y avoir de production de céréales sans glyphosate, dans un pays déjà largement déficitaire en volume, d’autant plus que le produit ne présente pas de risques. » Le débat va cependant se résoudre autrement. L’entreprise Barilla a décidé qu’elle n’achèterait plus de blé ayant été traité au glyphosate. « La porte du blé dur en provenance du Canada, premier producteur et exportateur mondial mais fortement utilisateur de glyphosate, se referme, laissant le champ aux blés européens », précise Dario Péri, trader international qui en achète partout dans le monde.

La restriction vient de l’agroalimentaire et d’une entreprise mythique et incontournable dans son domaine. Les contrôles sont récurrents et très organisés. « Si le blé dur russe ou ukrainien veut faire sa place ici, il va falloir qu’il montre patte blanche », sourit Dario. Christophe Dequidt