Dans le hameau de Saint-Marcellin, à Vars (Hautes-Alpes), la Ferme de Font Sancte est encore un chantier en construction. Le livreur de céréales remplit le silo pour les quatre-vingts chèvres alpines qui sont arrivées en août dernier.
Du fromagepour les vacanciers
Élodie Lukenda, 29 ans, et Émilie Charvolen, 32 ans, les ont aidées à mettre bas jour et nuit dans la bergerie. Elles ont nourri certains petits au biberon, ont mis en route la traite… Tout en isolant les murs de leur habitation en bois. « Nous avons choisi de travailler en dessaisonné pour vendre nos fromages l’hiver, quand les stations de ski alentour sont très fréquentées », explique Élodie. Les deux jeunes femmes ont étudié tous les détails de leur installation avec maturité et expérience.
Brevet professionnel
L’aînée était réceptionniste dans l’hôtellerie sur la Côte d’Azur et la seconde étudiait le droit public à l’université de Nice (Alpes-Maritimes). Le week-end, elles s’évadaient vers les sommets du massif du Mercantour. « Je voulais porter mes chaussures de montagne tous les jours ! », raconte émilie. Le lycée agricole de Carmejane (Alpes-de-Haute-Provence) l’oriente vers un brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole (BPREA), en alternance sur deux ans. « Heureusement ! En 2013, je n’avais jamais touché une chèvre », assume-t-elle. Elle établit une liste d’une trentaine d’employeurs potentiels, via internet et auprès des chambres d’agriculture. Un seul lui répond positivement. « J’ai passé deux années en alternance chez Bernard Bruna, à Signes (Var). Il avait cent vingt chèvres en lactique et produisait jusqu’à trois cents fromages par jour. Au lycée, j’ai appris le calcul des rations, la gestion, la comptabilité, etc. C’était très complet, mais je n’aurais pas pu m’installer en sortant de ma formation, même en alternance. Je me suis donné quatre ans pour apprendre le métier. »
Travail saisonnier
De son côté, Élodie, devenue mandataire judiciaire à Aix-les-Bains (Savoie), passe son temps libre au sein des exploitations où travaille sa compagne. En donnant un coup de main, elle se prend de passion pour l’élevage et les fromages, ce qui la pousse à quitter son travail. Pendant trois ans, elle occupe des emplois saisonniers dans différentes exploitations savoyardes caprines et bovines, dans l’optique de devenir chef d’exploitation. Elle s’attelle, elle aussi, au BPREA, en réalisant une validation des acquis de l’expérience (VAE). Son dossier l’amène à décrire, sur plusieurs centaines de pages, ce qu’elle effectue au quotidien : la gestion fourragère et pastorale, la transformation fromagère, l’analyse comptable, etc. En 2017, la jeune agricultrice est diplômée avec les félicitations du jury.
Trois ans de salariat
À Pralognan-la-Vanoise (Savoie), Sylvain et Audrey Chevassu ont permis aux deux jeunes femmes de se roder à la vie et à la responsabilité d’une entreprise agricole, et plus spécifiquement d’un élevage caprin. émilie a été leur salariée pendant trois ans. Elle a pratiqué le pastoralisme, la traite mobile, les gestes vétérinaires. « Nous savons que dans dix ans nous apprendrons toujours notre métier », dit-elle humblement. En parallèle, les chevrières ont cherché à s’installer. Elles ont acheté un bâtiment qui est en cours d’agrandissement et ont trouvé 50 ha de terres à louer. Elles ont suivi le parcours à l’installation et ont monté leur projet de Gaec en étant réalistes sur les investissements. Leurs diplômes et leurs nombreuses expériences les ont rendues crédibles pour leur emprunt bancaire et leurs dossiers de subventions. Alexie Valois