«La France va être le premier pays au monde à sortir du glyphosate » : voilà ce que martèle en guise de trophée et à longueur d’interviews le ministre de l’Agriculture, comme si c’était devenu l’alpha et l’oméga de la politique française. Quelqu’un de son entourage – par exemple sa nouvelle directrice de cabinet, rompue au terrain – pourrait-il lui suggérer d’arrêter ce genre de rengaine ronflante, qui ne dupe personne ? Comme si la France vivait claquemurée, qu’elle pouvait s’extraire comme ça de la compétition internationale et qu’elle n’importait pas ! En l’occurrence, c’est par millions de tonnes que le soja OGM désherbé au glyphosate entre dans l’Hexagone… Ce n’est donc pas demain la veille que cette situation va cesser, tant la dépendance au soja de l’alimentation animale est grande, et le trou des protéines végétales important. Ce n’est pas non plus la percée des écologistes au Parlement européen qui va modifier cette réalité implacable…
Au travers de cet exemple, on voit bien l’incohérence de telles postures, où l’on revendique être le phare de l’agroécologie pour ses propres producteurs et où on est incapable de faire valoir le même niveau d’exigences pour les produits importés. Le problème, c’est que le cas du glyphosate n’est pas isolé et que les distorsions de concurrence créées par des décisions franco-françaises sont de plus en plus nombreuses. Citons le cas de l’interdiction du dichloropropène pour des producteurs de carottes, du métam-sodium pour le maraîchage, les dérogations obtenues pour les néonicotinoïdes sur betteraves dans treize pays européens, etc. À votre avis, qui est le dindon de cette farce ?
La clause de sauvegarde est, certes, une option possible pour bloquer des produits étrangers mais, dans les faits, elle n’a été déclenchée que pour les cerises traitées au diméthoate. Les consommateurs sont donc aussi bernés… Dans ce contexte pesant, se rajoutent les rumeurs d’un éventuel accord européen de libre-échange avec les pays du Mercosur, avec des normes environnementales, sociales, sanitaires (hormones) et phytosanitaires bien en dessous des nôtres (le Brésil vient d’autoriser plus de 150 nouveaux pesticides !). Dans un sursaut que l’on n’attendait plus, Didier Guillaume a indiqué cette semaine sur CNews qu’il fallait aussi de la compétitivité et que l’agriculture exporte ! Ouf ! Réaliserait-il qu’il y a le feu au niveau de la balance commerciale agricole et agroalimentaire ? Avec un excédent en baisse de 36 % sur 2007-2017, la France est passée de second exportateur mondial dans les années 2000 à sixième aujourd’hui…