Après avoir travaillé dans l’agroalimentaire en Russie et en Slovaquie, puis en France comme responsable qualité chez un affineur, Jean Nocque a décidé de changer de vie : « J’arrivais à quarante ans, c’était le bon moment. J’avais envie de revenir dans ma région, le Sud-Ouest. J’ai vendu mes biens et sillonné les routes en cherchant une exploitation à reprendre. »
C’est finalement au Grenier à jambons, à Rimont dans l’Ariège, qu’il a posé ses bagages en 2010. Pour 800 000 €, il a repris un élevage, un atelier de transformation et une clientèle. Il a d’abord amélioré le volet production. « J’ai revu la génétique en optant pour un croisement large white x piétrain. Il convient bien à des débouchés mixtes de viande fraîche et salaisons. J’ai sélectionné des naisseurs locaux capables de me fournir des lots homogènes de porcelets de 25 kg », explique l’éleveur. Il a également changé d’aliment d’engraissement, en choisissant une formule sans OGM ni antibiotiques, qui lui revient actuellement à 230 €/t.
Les porcs sont élevés sur paille dans une stabulation ouverte de 500 m². « Tous les deux mois, je rentre un nouveau lot de 70 porcelets. Je les installe dans deux cases collectives de 35 places, avec des ballons à leur disposition. Ce sont des animaux joueurs , il vaut mieux les occuper, cela réduit la mortalité », constate Jean Nocque. Il les engraisse ensuite durant cinq à six mois. Après abattage, il obtient des carcasses de 100 à 120 kg. « L’idéal serait de garder les porcs un mois et demi de plus, pour avoir des carcasses plus lourdes et mieux couvertes. Mais pour l’instant, je dois répondre à l’augmentation rapide de la demande », note-t-il. À terme, il envisage de construire un deuxième bâtiment, pour avoir la place de prolonger l’engraissement.
En 2012, Jean Nocque a investi 20 000 € pour mettre l’atelier de transformation de 400 m² aux normes européennes, et pouvoir ainsi vendre dans une zone plus large. « J’ai développé une clientèle d’épiceries fines sur la région toulousaine, en complément de la boutique à la ferme et du marché de Saint-Girons, la ville voisine de l’exploitation. Cela m’aide à régulariser les ventes au fil de l’année », souligne-t-il. Puis en 2014, il a créé une deuxième boutique à Saverdun, à l’autre bout de l’Ariège. Aujourd’hui, les ventes se partagent à parts égales entre les professionnels, les boutiques et le marché, avec un pic en juin, juillet et août lié à l’arrivée des vacanciers.
Point d’équilibre
La production et la commercialisation ont progressé de concert. Actuellement, Jean Nocque fait abattre 12 à 13 porcs par semaine. « Je récupère les carcasses le lundi, puis avec une équipe de six salariés, nous les transformons jusqu’au vendredi », précise-t-il. Le jeudi, c’est le jour des livraisons et le samedi, celui du marché de Saint-Girons. « À la fin de la semaine, tout est vendu ! », note-t-il avec satisfaction.
De la viande fraîche aux salaisons en passant par les plats cuisinés, sa gamme compte une cinquantaine de références. Elle évolue régulièrement. « Je supprime les produits qui ne tournent pas assez et j’en teste de nouveaux, en étant à l’écoute des commentaires de mes clients. » Avec une bonne qualité et des prix qui restent accessibles, sa production plaît. « Les boutiques que je sers voient leurs ventes progresser rapidement. »
En six ans, le chiffre d’affaires a été multiplié par trois. « Je couvre les charges et j’ai pu augmenter le salaire des salariés. Mais le point d’équilibre n’est pas encore atteint, car la reprise du Grenier à jambons m’a coûté cher », souligne-t-il. Pour préserver la qualité de la production et l’ambiance familiale au sein de son équipe, il ne souhaite pas multiplier le nombre de porcs. « Je cherche plutôt de nouveaux services à proposer. En juin, je prévois d’ouvrir un restaurant associé à une boutique dans l’ancienne agence postale du village. Elle est bien placée au bord de la route. J’y mettrai en valeur les produits locaux », dit cet amoureux du terroir ariégeois. Il ne regrette pas son changement de vie, même si tout n’est pas gagné économiquement : « Depuis que je suis revenu ici, je revis ! »