Beaucoup d’espoir et puis la douche froide ! L’exosquelette testé par la ferme expérimentale La Blanche Maison de Normandie à Pont-Hébert (Manche) n’a pas soulagé les salariés et leur a même créé de nouvelles contraintes. Pourtant, les éleveurs laitiers normands avaient placé beaucoup d’espoir dans cette expérimentation, baptisée projet Exotraite.
En effet, les périodes de traite, de plus en plus longues avec l’augmentation de la taille des troupeaux laitiers, demandent au trayeur de nombreux mouvements, répétitifs, avec les bras en posture haute. Ces mouvements sollicitent de manière importante les épaules et le dos. À terme, elles peuvent aboutir à des troubles musculosquelettiques.
Un équipement de 2,7 kg
Pour le projet Exotraite, la chambre régionale d’agriculture de la Normandie et la MSA ont sélectionné l’exosquelette IP12 Skelex de la société Gobio, un dispositif d’assistance aux travaux des bras en hauteur. Il permet de soulager la sollicitation des muscles de l’épaule et vient décomprimer l’articulation une fois les coudes au niveau de la ligne du cœur.
Contrairement à d’autres exosquelettes disponibles sur le marché et utilisés par exemple dans le BTP, l’IP12 n’est pas une assistance au port de charges lourdes, mais un dispositif conçu pour soulager le travail des bras. Il pèse 2,7 kg, s’adapte à toutes les morphologies et fonctionne grâce à un système de lames de ressort. La force d’assistance est réglable de 0,5 kg à 3,5 kg selon l’utilisateur et le travail réalisé.
Une charge mentale élevée
Prévue pour une durée de trois mois, l’expérimentation a été stoppée au bout d’un mois afin de ne pas prendre de risque pour la santé des trayeurs. Plutôt très enthousiastes au début du test, ces derniers ont rapidement dénoncé les faibles bénéfices au regard des inconvénients. S’ils se sont accordés sur l’intérêt de l’assistance à l’effort d’élévation de l’épaule pour intervenir sur les trayons les plus éloignés du quai ou accéder aux commandes situées en hauteur, ils ont tous été génés par le port de l’exosquelette sur le dos, comme un sac.
Plusieurs expérimentateurs ont aussi noté une modification de leurs réflexes lors des incidents avec les animaux (coups de patte…), qui leur imposait une hypervigilance et augmentait leur charge mentale. Le port de l’exosquelette compliquait aussi les tâches annexes comme la distribution de l’alimentation aux veaux et la récupération d’objets tombés au sol.
Enfin, les trayeurs ont ressenti l’apparition de certains signes faisant craindre une compression nerveuse au niveau du bras. Pour la chambre d’agriculture régionale et la MSA, le port de l’exosquelette ne doit donc être qu’un dernier recours, l’aménagement de la salle de traite et l’organisation raisonnée du travail étant la priorité pour réduire les TMS, troubles musculosquelettiques.