«En 2018, nous avons testé le miscanthus dans quelques cases de notre bâtiment, déclare Jérôme Legros, à la tête de 135 vaches et 280 brebis, avec sa mère Annick, à Saint-Léger-Magnazeix, en Haute-Vienne. L’essai a été concluant. Nous avons décidé d’en cultiver 15 hectares sur les parcelles les plus éloignées de l’exploitation. »
à 220 €/t, les associés estimaient que le miscanthus était trop cher à l’achat. Ils cherchaient une alternative à la paille, dont ils consomment 400 t par an. Elle représente une contrainte trop lourde. Cet été, ils y ont consacré une semaine complète. Achetée en andains à 60 km, il a fallu la presser puis la rapporter au sein de l’exploitation. Néanmoins, Jérôme et Annick devront encore compter sur cette ressource au cours des deux prochains hivers. Le miscanthus, ayant été planté en mai 2019, ne pourra pas être ensilé avant avril 2021.
Ensilé en brinsde 4 à 5 cm
L’agriculteur n’a plus de doute sur l’efficacité de la graminée pérenne en litière et sur l’évolution de sa culture, dont il a observé le développement chez un voisin. Un rendement de 10 à 12 t/ha est attendu. « Broyé en brins de 4 à 5 cm, cet ensilage a un pouvoir d’absorption plus élevé que celui de la paille », estime-t-il, d’après l’expérience de l’hiver dernier. Après l’épandage d’une couche de 20 cm sur le sol des cases en terre battue, il n’a rien apporté pendant quinze jours. « Après, j’ai rechargé tous les deux à trois jours en utilisant la pailleuse », explique-t-il. Une fine couche suffit. Le couchage paraît beaucoup plus sombre qu’avec de la litière classique, mais les animaux ne sont pas sales. Les brins ne collent pas aux vaches. « Le troupeau semble plus à l’aise, ajoute-t-il. Les animaux occupent l’ensemble de l’espace et se couchent sans privilégier de zones, alors que dans les cases paillées ils ont des préférences. La répartition n’y est pas homogène. »
Pendant cet essai, Jérôme a aéré l’aire de couchage. Avant de « recharger » la litière, il a effectué un passage avec un vieux déchaumeur sur les trente premiers centimètres, tous les jours. « Je voulais remonter la matière sèche à la surface », déclare-t-il. L’ajout de miscanthus s’effectue quand la litière est sale.
Sur le plan pratique, l’exploitant est entré par le portail de curage, alors que les vaches étaient bloquées au cornadis et les veaux dans leur case. La mesure de la température des litières à 30 cm a montré qu’elle était plus basse avec le miscanthus : autour de 15 °C, contre 22 °C pour la paille.
Bien-être animal respecté
Jérôme est vigilant sur la propreté du troupeau. Il n’envisage des économies que si le confort du logement est respecté. Le Gaec avait déjà réalisé des aménagements dans les stabulations pour limiter les apports de paille. La stalle de 2,20 m derrière les cornadis avait été allongée de 1,3 m pour installer un racleur automatique de 3,5 m de large. D’occasion, le matériel avait été acheté à un éleveur laitier. Les deux racleurs de 60 m de long avaient coûté 2 000 €.
Autre facteur favorable aux économies de litière, la surface par animal dans la stabulation est de 15 m2 par couple mère-veau. Elle figure en haut de l’échelle des recommandations de logement, mais elle est liée aux vêlages précoces du troupeau et au grand gabarit des animaux.
Un investissement coûteux
La culture du miscanthus représente un bouleversement pour l’exploitation et un investissement de l’ordre de 37 500 €. « Il doit faire l’objet d’un plan de financement, insiste Laurent Béchade, conseiller à la chambre d’agriculture de Haute-Vienne. Un prêt sur sept ans a été contracté avec un premier remboursement en 2021, au moment de la première récolte. Le chantier d’implantation a mobilisé une main-d’œuvre importante (huit personnes) pendant deux jours. « Le tonnage prévisionnel (180 t = 12 t × 15 ha) devrait suffire, car le pouvoir absorbant est supérieur, environ trois fois plus, estime Jérôme. Ce dernier pense également incorporer cette fibre dans la ration des taurillons, à hauteur de 500 g par tête, pour favoriser la rumination. « S’il en reste, nous en vendrons », prévoit Annick.