Année après année, les exploitations diminuent en nombre (- 3 % par an entre 2000 et 2010) et augmentent en taille (+ 2,8 %/an sur la période). Entre 2010 et 2013, date de la dernière enquête « structures » d’Agreste, cette double tendance s’est confirmée : -  8 % d’exploitations en trois ans et + 8 % de SAU moyenne (voir carte ci-contre). Même si certains agrandissements cachent des regroupements, ces exploitations plus grandes emploient moins d’actifs : « En 2010, on comptait en moyenne 35 ha/actif, contre 28 ha en 2000, note Laurent Piet, qui étudie l’évolution des structures d’exploitation à l’Inra de Rennes. En France comme en Europe, on n’observe aucun ralentissement du phénomène. Mais les politiques de régulation foncière, en France, ont jugulé l’augmentation des inégalités : les 20 % des plus grosses structures exploitaient 60 % de la SAU en 2010, comme en 1970. Sans régulation, les grosses auraient encore plus grossi, laissant moins de terres disponibles aux petites. »

Innovantes et économes

Pourtant, la pérennité ne se joue pas sur la taille. Lors des crises, les conseillers de gestion constatent que ceux qui mettent la clé sous la porte ne sont pas seulement les plus petits. « Ce qui fait le revenu, c’est le chef d’entreprise, martèle Jean-Luc Delalande, responsable du conseil au CerFrance Alliance Centre. C’est son projet d’exploitation, ses compétences techniques, sa gestion du risque commercial et éventuellement ses compétences managériales s’il a des salariés ­- ce qui est nécessaire à partir d’une certaine dimension. » Il y a un volume minimum à produire afin de dégager un revenu décent. Ensuite, la marge n’augmente pas forcément avec la taille. Des économies d’échelle peuvent être recherchées tant que l’outil de production n’est pas saturé. Au-delà, produire davantage aura un coût, qui peut plomber la rentabilité au lieu de l’améliorer.

En alliant maîtrise technique et gestion économe, on peut être rentable sur une petite surface avec un petit volume, y compris en filière longue standard. Même s’il est vrai que « beaucoup finissent en bio parce qu’ils ont déjà limité leurs intrants pour maîtriser leurs charges : la marche à franchir n’est plus très haute », remarque Pierre-Emmanuel Belot, de l’Institut de l’élevage.

Pourtant, les petites fermes ne pèsent pas lourd dans la course à l’agrandissement. « Les cédants doivent être très motivés pour transmettre leur outil car, des années avant la retraite, la pression du voisinage qui lorgne sur le foncier se fait sentir, explique Audrey Grégoire, du Cedapas, structure qui accompagne des exploitants sur le thème de l’autonomie et de la transmissibilité, dans les Hauts-de-France. Il est plus facile de ne pas se poser de questions et de laisser partir à l’agrandissement. » Et s’il y a des pas-de-porte importants à payer pour accéder au bail, la terre sera plus facilement reprise par quelqu’un qui a les moyens, souvent déjà à la tête d’une exploitation. « C’est souvent la banque qui finance la reprise, rappelle Cyril Durand, conseiller de gestion au CerFrance Alliance Centre. Et elle sera moins frileuse à financer la reprise de 30 ha par un voisin, que l’installation d’un jeune avec transformation et vente directe sur 30 ha ! »

Ces petites fermes qui créent de l’emploi et maintiennent les campagnes vivantes intéressent les collectivités, qui soutiennent l’installation ou le maintien de fermes « à taille humaine ». Car la relève issue du monde agricole ou « hors-cadre » est bien là, pleine d’idées et d’énergie.