Oui, les petites fermes peuvent être viables, et parfois très rentables. Oui, elles sont transmissibles, voire attractives pour la nouvelle génération d’agriculteurs. Les hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, que nous avons rencontrés aux quatre coins de la France, nous permettent de tordre le cou à bien d’autres idées reçues.
Clichés
Non, les petites exploitations ne sont pas toutes en bio ou en circuits courts. Elles ne dépendent pas forcément d’un revenu extérieur. Elles ne sont même pas plus diversifiées que les grandes (que l’on parle de pluriactivité, de transformation ou de vente directe), a démontré Magali Aubert, de l’Inra de Montpellier, dans une étude de 2009. Non, elles ne sont pas davantage soutenues par l’argent public… au contraire ! Avec moins d’hectares et moins d’animaux par actif, elles perçoivent plutôt moins d’aides Pac (même si les petites fermes de montagne ne survivraient sans doute pas sans l’ICHN, et les grandes non plus…). Reines de la récup’ et de l’autoconstruction, elles sont souvent en dessous des seuils d’éligibilité pour les aides à l’investissement.
Encore faut-il s’entendre sur la notion de « petit ». Qu’est-ce qu’une petite exploitation ? Parle-t-on de surface, de cheptel, de chiffre d’affaires ? Prend-on en compte le nombre d’actifs ?
Au sens de la statistique tel que l’entend Agreste, les « petites exploitations » ont une PBS (1) inférieure à 25 000 € et sont souvent qualifiées de « non professionnelle ». Au sens de notre dossier, ce sont des exploitations professionnelles qui font vivre des paysans avec peu d’hectares et/ou peu d’animaux par actif (comparé à la moyenne française). Ce groupe hétérogène présente quelques traits communs : des pratiques économes, une autonomie financière et, souvent mais pas systématiquement, la recherche d’une bonne valorisation des produits. Leur viabilité ne reposant pas sur la maximisation de la production par actif, elles se tiennent à l’écart de la course aux volumes.
Pas un dogme
La dimension de l’exploitation peut être subie ou choisie, et le contexte joue beaucoup. Le potentiel des terres et le tissu industriel local, notamment, permettront ou non à un paysan de vivre sur une petite structure.
Sans en faire un dogme, les agriculteurs que nous avons rencontrés restent petits en raison de leurs choix professionnels et humains : celui de rechercher l’autonomie (alimentaire, financière, décisionnelle) et celui de partager le territoire et le travail avec d’autres paysans. Certaines structures auraient besoin de grandir un peu pour passer de viables à vivables : quelques hectares de plus pour assurer l’autonomie fourragère, une dizaine de bêtes supplémentaires pour embaucher afin d’alléger la charge de travail. Le tout sans augmenter la productivité par actif : ils veulent de la marge plutôt que du volume, des voisins plutôt que des hectares.
(1) PBS : production brute standard. Ce critère ne dépend pas du chiffre d’affaires réalisé mais mesure un potentiel de production afin de classer les exploitations selon leur dimension économique. En France, la PBS moyenne est de 125 000 €.