En absence d’élevage
Un frein à lever
En systèmes de grandes cultures sans élevage, la gestion de la fertilité est délicate. Les cultures exportent des minéraux et le retour à la terre de la fertilité n’est pas assuré par l’atelier d’élevage. Cette problématique agronomique est l’un des freins qui explique en partie pourquoi la conversion des systèmes de grandes cultures est plus difficile. Toutefois, des leviers agronomiques existent pour mieux équilibrer la fertilité.
Le règlement bio européen autorise par ailleurs une liste de fertilisants issus de filières bio et non bio. Ce règlement s’est durci récemment, avec une exclusion des effluents issus « d’élevages industriels » à partir de certains seuils (1). Une définition harmonisée de « l’élevage industriel » est encore attendue pour une mise en application au premier janvier 2022.
Les solutions
Prairie temporaire de légumineuses
Le levier agronomique le plus utilisé pour entretenir la fertilité des sols en agriculture biologique est d’investir dans une prairie temporaire de deux ou trois ans de légumineuses (luzerne ou trèfle avec ou sans graminée) comme tête de rotation.
La culture fauchée plusieurs fois aura pour effet de nettoyer la parcelle des adventices tout en séquestrant de l’azote dans le sol. Ce couvert à enracinement profond mobilise le stock de minéraux des profondeurs (calcium, magnésium, potassium, phosphore) et le remonte en partie en surface par les exsudats et les résidus végétaux ramenés au sol. Il enrichit également celui-ci en matière organique. Le couvert est broyé ou exporté comme fertilisant sur d’autres parcelles. Il peut aussi être exporté en vert comme aliment pour des éleveurs, en échange ou non de fumier.
Le pâturage par un troupeau itinérant est une autre solution.
Couverts généralisés
Dans certains cas, la fertilité est gérée en l’absence de prairie temporaire, lorsque le climat ou l’irrigation permettent l’alternance avec des cultures de printemps (régions Midi-Pyrénées, Picardie, Poitou-Charentes).
Dans tous les cas, le recours aux couverts intermédiaires est généralisé tant les apports de fertilité sont bénéfiques. De même, les cultures de légumineuses, pures ou associées, sont introduites à des moments clés de la rotation.
Apports extérieurs
Nourrir le sol
Quel que soit le système envisagé, l’exportation des récoltes conduit à des pertes minéralogiques nettes dans les sols à plus ou moins longue échéance, malgré des dépôts de fertilité qui peuvent venir du vent ou des pluies.
Des apports extérieurs sont donc nécessaires et même rentables, du moins pour la fertilisation en phosphore, selon des essais d’Arvalis. Ces apports doivent répondre à la logique du règlement bio de nourrir le sol avant de nourrir la plante. Les formes apportées ne sont ainsi jamais des formes assimilables à 100 % rapidement.
Différentes sources
L’achat de ces intrants (vinasses, fientes, digestats, composts…) se fait en fonction du coût et de l’opportunité liée à la proximité d’un gisement.
En grandes cultures bio, il est reconnu que la fertilité se raisonne à l’échelle du territoire, plus qu’à l’échelle de l’exploitation elle-même. Certains systèmes en bio ont sécurisé leur fertilité autour d’un méthaniseur à la ferme. L’approvisionnement de ces méthaniseurs par des ressources extérieures est encadré (1). Des engrais compactés en bouchons sont également disponibles sur le marché. Depuis une dizaine d’années, des produits granulés à plus de 10 % d’azote sont commercialisés. Ils sont aujourd’hui contestés du fait de l’opacité du mode de production et de leur provenance (Chine).
Alexis Dufumier
(1) Engrais inscrits à l’annexe II du règlement (UE) 2018/848.