Le 5 novembre 2024, nous connaîtrons enfin qui les électeurs américains ont choisi pour passer les quatre prochaines années à la Maison Blanche. Et comme beaucoup d’analystes politiques locaux s’accordent à dire, l’issue est plus que jamais indécise. Si l’agriculture et l’alimentation restent des sujets majeurs pour le pays, leur importance ne s’est pourtant pas traduite dans les débats et discours, largement dominés par un triptyque : économie, immigration et droit à l’avortement.

Une autre explication à cela est que le président des États-Unis ne possède que peu de marges de manœuvre sur la politique agricole. Pour le Farm Bill par exemple, toujours pas renouvelé, son destin se jouera au Congrès (Sénat et Chambre des représentants) dont la couleur politique sera elle aussi tranchée par ces élections. Les enjeux de cette présidentielle n’en restent pas moins majeurs pour l’agriculture car sur la quasi-totalité des sujets, un fossé sépare les deux candidats.

Les agriculteurs américains ont une préférence pour Trump

Capter l’électorat agricole et plus largement l’électorat rural est depuis longtemps une montagne pour le parti démocrate, représenté cette fois par le ticket Kamala Harris et Tim Walz. Dans ce défi crucial, c’est ce dernier, candidat à la vice-présidence, qui fait figure de tête de gondole. Gouverneur de l’État du Minnesota, ancien coach de football américain et chasseur, il est le visage rural censé élargir la base électorale très citadine du parti démocrate. À l’inverse, pour les Républicains, Donald Trump et son colistier J.D. Vance, il s’agit de garder un électorat historiquement acquis à sa cause.

Un sondage du Farm Journal réalisé entre septembre et octobre auprès de presque 5 000 agriculteurs en témoigne. Que ce soit sur la politique agricole, le commerce extérieur, les biocarburants ou l’inflation, ils sont plus des trois quarts à faire confiance à Donald Trump plutôt qu’à Kamala Harris. Ils sont même 77 % à penser que le Républicain aurait un impact positif sur l’agriculture contrairement à sa rivale.

Donald Trump dresse un bilan exagérément positif de ses actions lors de son précédent mandat. (©  Quinn Glabicki/Reuters)

Le retour de « Tariff man » ?

Comme à chaque fois, le syndicat agricole le plus puissant du pays, le Farm Bureau, a passé en revue les programmes pour l’agriculture des candidats. Si la vice-présidente Kamala Harris tente avant tout de dévoiler ses plans sans trop dénigrer la politique actuelle de l’administration, Donald Trump dresse un bilan exagérément positif de ses actions lors de son précédent mandat. « En tant que président, j’ai fait plus pour l’agriculture américaine que n’importe quelle administration dans l’Histoire et j’ai protégé les agriculteurs de la concurrence étrangère déloyale », estime-t-il.

Sur le commerce justement, l’élection est particulièrement attendue. Personne n’a oublié la guerre commerciale avec la Chine lancée par Trump durant son précédent mandat, lui qui s’était autosurnommé « Tariff man ». Si l’actuel président Biden n’a finalement pas dévié de cette trajectoire protectionniste, un retour de Trump pourrait l’accentuer. Il a en effet prévu de relever à 10 % les droits de douane sur tous les biens importés et même à 60 % pour ceux venant de Chine, en cas d’élection. Une politique de la surenchère qui inquiète les agriculteurs car assurément, la Chine viserait de nouveau les produits agricoles américains en retour, soja en tête. Le premier affrontement sino-américain avait d’ailleurs coûté à l’État fédéral plus de 27 milliards de dollars de compensation aux agriculteurs, qui avaient perdu ce débouché majeur. Mais au-delà, cette stratégie pourrait coûter cher à une agriculture américaine qui perd déjà du terrain à l’exportation.

Harris à l’assaut des monopoles

L’administration Biden en a fait l’un de ses chevaux de bataille : casser la très forte concentration dans certaines filières agroalimentaires, entreprise que Kamala Harris compte bien poursuivre si elle est élue. Cette concentration, exacerbée en amont comme en aval, est l’un des moteurs de la fragilisation économique des agriculteurs, selon elle. « La vice-présidente Harris a clairement indiqué qu’elle demanderait à son administration de sévir contre les fusions et acquisitions déloyales impliquant de grandes entreprises agroalimentaires », explique son équipe de campagne. Cela passera aussi par la poursuite des investissements dans des petites structures de transformation en viande, filière particulièrement impactée par une situation proche du monopole en aval. Loin de cette analyse, l’ancien président Trump compte sur la baisse des impôts pour les agriculteurs et les entreprises, une baisse des prix de l’énergie, et un élargissement des « marchés étrangers pour les produits agricoles américains » sans détailler sa méthode.

Kamala Harris souhaite faciliter l’acquisition de visa pour travailleurs agricoles. (©  Gage Skidmore)

Si aucun des candidats ne nie l’importance des travailleurs étrangers pour l’agriculture américaine, la rhétorique et le bilan de Trump ont de quoi inquiéter le secteur. Lui qui promet des « déportations massives » et espère produire davantage de produits agricoles « avec des mains américaines ». Kamala Harris souhaite pour sa part faciliter la régularisation des immigrés travaillant sur le territoire depuis plusieurs années et faciliter l’acquisition de visa pour travailleurs agricoles. D’après le département à l’Agriculture (USDA), « près de la moitié des ouvriers agricoles salariés n’ont pas de statut d’immigration légal ».