Que pensez-vous de l’agrivoltaïsme ?
L’agrivoltaïsme est une bonne idée car, en plus d’améliorer l’efficience économique des agriculteurs, il permet d’accroître la capacité à produire de l’énergie et de la biomasse. L’agrivoltaïsme permet d’augmenter la production par unité de surface dans la mesure où les cultures n’utilisent pas l’entièreté du rayonnement disponible selon les périodes.
De plus, certaines longueurs d’onde (la partie « verte » du spectre visible notamment) ne sont pas absorbées par les plantes et peuvent donc l’être par des panneaux. Si le principe même de l’agrivoltaïsme est le bon, toute la question réside dans le fait de savoir quel est le taux optimal de couverture.
Le décret est-il en cohérence avec les recommandations de l’Inrae ?
Tout le monde s’accorde sur l’intérêt que représente l’agrivoltaïsme pour les filières, mais les positions divergent sur le taux de couverture approprié. Pour faire coexister de façon harmonieuse la production de biomasse et la production d’énergie, l’Inrae recommande un taux de couverture autour de 20-25 %.
De leurs côtés, les énergéticiens qui veulent avant tout produire de l’énergie préconisent un taux compris entre 40 et 45 %. Il y a ici un beau problème d’équilibre et de coexistence entre les deux activités. Dans la note préparée à l’intention des ministres, nous avons indiqué que lorsque le taux de couverture dépasse 20 %, il est observé une baisse de la production agricole.
Cependant, quand on retire 20 % de couverture lumineuse, on ne perd pas 20 % de la production car il existe des phénomènes de compensation. Le premier est que les panneaux peuvent protéger une partie des cultures contre certains risques comme le gel ou les températures élevées et entraîne moins de pertes liées aux aléas climatiques.
Et puis, la présence de panneaux sur une parcelle implique des phénomènes d’ombrage qui réduisent l’évapotranspiration et permettent de maintenir le rendement par rapport au simple retrait d’une partie du rayonnement solaire. C’est pour ces raisons que nous avons indiqué qu’il était possible d’avoir un taux de couverture de 20 % tout en maintenant le rendement, sachant qu’il existe des disparités selon les régions et les types de cultures.
Nous avons également recommandé d’adapter le taux de couverture en fonction du type de panneaux mis en place. L’Inrae a développé dans ce sens une formule permettant de calculer l’incidence des différents types de panneaux (fixes, verticaux, tracking, antitracking ou semi-transparents) sur la croissance des plantes et adaptée à toutes les modalités actuelles et futures.
La formule de calcul retenue dans le décret utilise l’ombre projetée, et implique qu’avec un taux de 40 %, le type de panneaux n’a pas d’incidence sur le résultat. À ce niveau-là, on observe une baisse très marquée de la production de biomasse. Pour l’Inrae, le décret va donc trop loin en matière de taux de couverture.
Selon vous, quel est le risque d’un tel décret ?
Le risque est d’avoir un système agrivoltaïque qui n’en a que le nom, et où la production agricole va rapidement disparaître par manque de rentabilité. Si vous réduisez de 40 % la production sachant que vous avez les mêmes coûts de production car il faut toujours semer, traiter, récolter et le même temps de travail, cela vaut-il vraiment la peine de continuer ?
Il est évident qu’avec un taux de couverture de 40 %, les pertes seront largement supérieures à 10 %. Il s’agit d’une injonction paradoxale. Dans la réalité, une fois que les panneaux seront installés et que vous aurez enregistré que les pertes sont supérieures à 10 %, que faire ? Démonter les panneaux ? Je suis sceptique vu le niveau d’investissement que cela représente.
La particularité de l’agrivoltaïsme est qu’il y a à la fois une question agricole et une question d’énergie, ce qui donne d’ailleurs de la valeur ajoutée aux projets. Pour les énergéticiens, le vrai problème n’est pas seulement qu’un taux de couverture plus faible entraîne des investissements plus importants par MWh produit, mais aussi qu’ils doivent investir plus de surfaces pour produire la même quantité d’énergie. C’est en réalité tout le problème de rechercher un effet hybride qui, par construction, est légèrement défavorable aux deux parties, mais dont la somme est bénéfique.
(1) Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.