Le tempo est rapide et difficile à suivre pour le maillon de l’amont. « Après une croissance à quasi deux chiffres pendant vingt ans, aussi bien sur les conversions que sur la dynamique de consommation, la situation de marché s’est subitement inversée », rapporte Philippe Sellier, président de la commission bio de l’interprofession du bétail et des viandes (Interbev).
En 2021, les ventes de viandes biologiques ont conservé un bon rythme dans les magasins spécialisés (+4 %), dans les boucheries artisanales (+7 %) et en direct (+10 %). En revanche, le bilan est amer en grandes et moyennes surfaces (GMS). Ce circuit, qui capte la majorité des volumes (54 %), accusait un recul des ventes de 9 %.
« Seule la restauration hors domicile (RHD) est en forte croissance (+21 %) mais cette évolution est à mettre en rapport avec une année 2020 particulière où l’activité avait été ralentie et où ce secteur ne représentait alors que 7 % des débouchés des viandes bio », analyse Interbev.
En face, la production bio a poursuivi son essor. Les volumes d’abattage ont bondi de 10 % par rapport à 2020. Les professionnels, confrontés à une soudaine baisse de la consommation sur leur principal canal de vente, ont dû s’adapter pour gérer l’équilibre entre l’offre et la demande.
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Les leviers de régulation
En bovins, « le contexte haussier du prix de la viande des filières conventionnelles, mais aussi des intrants, a conduit les organisations de producteurs et les coopératives à relever leurs grilles tarifaires, le surcoût pour produire des bovins bio étant de l’ordre de 1 €/kg de carcasse, explique Philippe Sellier. D’autres leviers de régulation ont été actionnés tels que le stockage pour alléger le marché ou encore le déclassement, endossé par les filières. » À moyen terme, les opérateurs n’auront d’autres choix que de se plier aux nouvelles habitudes alimentaires. « Déjà 75 à 80 % de la viande bovine bio passe en haché, note l’expert. Si nous continuons d’investir dans les boucheries traditionnelles pour les animaux de cheville, d’autres solutions doivent être trouvées (voir en encadré). »
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En ovins, des déficits de production subsistent. « La courbe de prix du marché conventionnel, parfois supérieure à celle du bio, contribue à la fuite des volumes d’agneaux bio », soulève Philippe Sellier. Pour assurer la durabilité des filières, les professionnels multiplient les initiatives visant à mettre en lumière cette viande tout au long de l’année, afin de gérer la saisonnalité de la production.
En porc, tout comme les autres viandes, les débouchés ont été moins importants en GMS. « Et la baisse de consommation, constatée à la fin de l’année dernière, s’est accentuée au premier trimestre de 2022 », s’inquiète Philippe Sellier. Les structures professionnelles planifient des baisses d’activité pour passer le cap. Afin d’éviter de pénaliser le potentiel de production, un appui financier est apporté aux jeunes installés.