Les Cipans (cultures intermédiaires pièges à nitrates), les couverts permanents, les plantes appâts ou compagnes… représentent ce qu’on appelle des plantes de services (lire l’encadré ci-dessous). Si concernant le volet fertilité, Arvalis-Institut du végétal a quantifié de véritables leviers sur la protection des plantes (lire l’encadré p. 31), l’intérêt de certaines pratiques commence seulement à être identifié en grandes cultures. « Nous sommes moins avancés que dans les domaines de l’horticulture ou le maraîchage, cependant cela reste un levier prometteur », ajoute l’institut.

Biofumigation opérationnelle

En matière de lutte contre les maladies, le mode d’action le plus connu est la biofumigation. La plante de services est broyée finement et incorporée rapidement dans le sol, produisant des composés directement toxiques pour le pathogène. L’institut a étudié son effet sur le piétin échaudage, en semant une moutarde pendant l’été, et en l’enfouissant quinze jours avant l’implantation de blé. « Le résultat est modéré mais existant, commente Nathalie Verjux, chef du service protection intégrée des cultures, chez Arvalis. On l’estime autour de 20 %. Très loin derrière d’autres techniques, comme le traitement de semences ou le premier levier, qui est la rotation. »

En revanche, après trois ans d’essais en plein champ, il en ressort que la moutarde brune avant pommes de terre pour combattre le rhizoctone ne s’est pas montrée significative. Par contre, sur betteraves, les résultats seraient plus concluants.

Autre mode d’action connu pour contrer les maladies : la stimulation de défense des plantes. Par exemple, le dimboa, un composé issu de maïs, induirait la résistance du soja contre des champignons de type Phytophthora.

Contre les ravageurs, sont déjà connus, via les travaux de Terres Inovia, les effets des plantes compagnes dans la culture de colza. Correctement conduits, ces derniers, associés à des légumineuses (féverole, lentille, trèfle d’Alexandrie…), réduisent le nombre de larves par plante à l’automne, augmentent la fertilité du sol, améliorent l’enracinement et la nutrition des plantes. Ils pourront aussi avoir un impact sur la gestion des adventices.

Les crucifères nématicides sur betteraves comme l’incorporation de céréales pour lutter contre les taupins sur maïs reposent, quant à eux, sur la stratégie de plantes appâts. Dans cet exemple, l’appât est composé de blé + maïs, incorporé sur 10-15 cm de profondeur juste avant le semis d’un maïs (résistant à la cycloxydyme), avec une destruction vers 3-4 feuilles de la culture. Il reste encore des tests à valider afin de vérifier l’efficacité de l’orge ou d’autres espèces de graminées, plus faciles à détruire. La poursuite des travaux permettra, en outre, de mieux positionner les plantes appâts et de voir leurs effets potentiels sur des cibles comme les géomyzes, les corvidés ou les sangliers… « Sur taupins, nous souhaitons déployer cette stratégie en production de maïs. Nous proposons un protocole participatif pour l’acquisition de références. Les agriculteurs intéressés sont invités à se rapprocher des équipes régionales », indique Philippe Lardé, chez Arvalis.

Contre l’invasion des pucerons d’automne, vecteurs de viroses dans le blé et l’orge, d’autres travaux, réalisés depuis 2017, se sont révélés encourageants. L’idée : camoufler les jeunes céréales au moment de leur levée par l’implantation d’un couvert avant la culture de rente. Les résultats obtenus avec la vesce du Bengale, installée deux mois avant le semis d’orge, ont montré un effet de limitation des infestations avec une réduction partielle des symptômes de jaunisse naissante de l’orge.

Vesce du Bengale contre pucerons

« 85 % de plantes ont été attaquées sans vesce, contre 55 % avec. Nous sommes évidemment hors jeu par rapport à l’utilisation de pyréthrinoïdes, toutefois, on relève que l’on sauve une douzaine de quintaux. Ce n’est pas un levier parfait, néanmoins le fait d’avoir réussi à maintenir de manière très significative une partie du rendement nous intéresse et nous conforte dans la nécessité de poursuivre ces travaux », ajoute Nathalie Verjux.

Les autres pistes pour réduire la pression pucerons sont notamment le camouflage avec des approches de répulsion-attraction, ou l’usage de bandes fleuries installées à proximité des parcelles d’orge ou de blé, de façon à attirer des auxiliaires.

À noter que la morelle de Balbis contre les nématodes à kyste sur pommes de terre par allélopathie a présenté des effets très partiels. Plusieurs modes d’action (compétition, pièges, attraction d’auxiliaires…) ont fait leur preuve vis-à-vis des adventices. Dans ce cadre, l’allélopathie fait toujours l’objet de travaux exploratoires en Europe. En effet, nous savons qu’il existe des composés allélopathiques dans le riz (vis-à-vis du panic pied-de-coq), le seigle, l’avoine, le maïs (dimboa), le tournesol. De même que le sorgho dans l’interrang du maïs est performant pour contrôler le souchet ou que le fenugrec affecte les mauvaises herbes à petites graines.

Ainsi, quels que soient les objectifs, les actions des plantes de services sont variables en fonction des contextes, des types de plantes et des variétés. De plus, elles exigent souvent de combiner les leviers. Si certaines solutions sont déjà opérationnelles ou en passe de l’être, les plantes de services et les bénéfices liés à la protection des cultures demeurent encore un thème prospectif. « On est loin d’avoir fait le tour des possibilités mais les perspectives restent intéressantes », conclut Nathalie Verjux.

C. F.