L’Association nationale des animaux sous tension (Anast) annonçait mercredi 29 janvier 2020 dans l’Orne avoir fédéré une action pour traduire en justice Réseau de transport de l’électricité (RTE). Une dizaine d’élevages de France réclament réparation de façon concomitante.
Trouble anormal du voisinage. C’est sous ce « chef d’accusation » qu’une dizaine d’éleveurs de la France s’apprête à porter une action en justice contre le Réseau de transport de l’électricité (RTE) en mettant en cause les nuisances causées par différents types d’ouvrages.
« Conformément à la procédure, nous allons d’abord adresser une réclamation dans les jours qui viennent. Ensuite, nous saisirons le tribunal de justice », expliquait le mercredi 29 janvier 2020 maître François Lafforgue (connu notamment pour avoir défendu l’agriculteur Paul François contre Monsanto). Ce jour-là, une conférence était organisée à Juvigny-val-d’Andaine, dans l’Orne, par l’association nationale des animaux sous tension (Anast), chez l’un de ses adhérents et plaignant, Alain Crouillebois.
« En tout, nous sommes saisis pour une vingtaine de cas, mais pour l’instant nous n’avons pu monter qu’une dizaine de dossiers suffisamment solides et étayés, détaille l’avocat. Il n’est pas possible de lancer une action unique et collective devant un seul tribunal. Chaque cas est défendu individuellement, mais nous lançons les procédures simultanément comme dans le cas des victimes de l’amiante (que son cabinet a également plaidé NDLR) ». Pour l’Anast, il est indispensable que le sujet dépasse enfin le caractère local et soit pris au sérieux sur le plan national, comme une véritable crise sanitaire pour les élevages.
Retards de traite au robot, taux de cellules, croissance des veaux, frais vétérinaires, niveaux d’étable, etc. Pour espérer gagner dans cette bataille qui s’annonce comme celle du pot de terre contre le pot de fer, les éleveurs doivent réunir chacun un faisceau d’indices notamment au travers de l’évolution « avant-pendant » ou idéalement « avant-pendant-après » de différents indicateurs de performance de l’élevage. Une jurisprudence existe d’ailleurs à ce sujet. L’éleveur « Thierry Charuel » était ainsi parvenu à faire condamner RTE en première instance, en appel, puis en cassation, par des « présomptions graves, précises, fiables et concordantes ».
Pour Alain Crouillebois, le lien a été clairement établi depuis le 4 juin dernier. À sa demande et à ses frais (62 000 €), le transformateur électrique et la ligne à moyenne tension de 20 000 volts mis en cause ont été déplacés à 150 m de ses bâtiments. Depuis lors, les résultats techniques ne font que s’améliorer. L’éleveur qui fait partie de la dizaine de plaignants actuels estime avoir perdu depuis la mise en place de l’ouvrage en 2011, près de 6 000 € par mois rien que sur les résultats techniques du troupeau. Il chiffre à la louche le préjudice total à un million d’euros. « À l’échelle de la France, les nuisances faites aux élevages se chiffrent en centaines de millions d’euros, évalue Serge Provost, président de l’Anast. Et encore nous sous-évaluons très certainement le problème. »
Selon lui, la « crise sanitaire » est même amenée à s’amplifier. La mise en service de l’EPR dans la Manche, le déploiement de la 5G, les réseaux d’éoliennes sont autant de nouveaux facteurs de risque. « Il est urgent d’anticiper les problèmes en prenant en compte la géologie dans la mise en place des ouvrages. Ce n’est pas tant la distance ni le dimensionnement des installations qui compte, mais la nature du sol », ne cesse de marteler Serge Provost depuis des dizaines d’années.