« La grande distribution perd des parts d’estomac ! » lance Olivier Dauvers, spécialiste de la grande consommation, lors de l’assemblée générale de la Fédération nationale des groupements de producteurs de lapins (Fenalap), le jeudi 28 novembre 2019 à Paris. « Alors que le nombre de bouches à nourrir progresse de 0,4 % par an, la consommation totale en grandes surfaces recule de 0,5 % par an en volume. »

Pour le spécialiste, cette tendance de fond proviendrait notamment d’un modèle social français « moins généreux ». « Avant 2008, la croissance annuelle de la consommation était de 3 %. Depuis, elle n’est que de l’ordre de 0,6 %. L’État subventionne de moins en moins le quotidien des consommateurs. » Mais les maux de la grande distribution ne s’arrêtent pas là. Le développement du commerce sur internet, l’accroissement de l’offre commerciale ou encore l’émergence de plateformes d’intermédiation seraient autant de menaces pour les enseignes.

Le chiffre d’affaires comme « diviseur de charges »

Pour faire face, les distributeurs cherchent à « accroître le prix de la calorie vendue, estime Olivier Dauvers. En ce sens, ces acteurs ont avec les agriculteurs ont un intérêt convergeant : celui de vendre un produit le plus cher possible. » À ceci près que pour acheter la marchandise, « la distribution saigne ses fournisseurs tant que ces derniers acceptent que l’on achète leurs produits le moins cher possible ».

La montée en gamme (produits locaux, bio) fait partie de cette stratégie visant à vendre au plus cher, au même titre que le développement de services de restauration proposant des produits transformés sur place. « On cherche davantage à remplir les estomacs plutôt que les placards. » Car le nerf de la guerre reste le chiffre d’affaires, considéré comme « un diviseur de charges. Dans la logique de volumes propre à la grande distribution, lorsque le chiffre d’affaires décroche, les marges s’effondrent. »

La loi sur l’alimentation contournée

Un an après la promulgation de la loi sur l’alimentation issue des États-généraux de l’alimentation (EGA), visant notamment à encadrer les promotions en grandes surfaces, le constat est en demi-teinte. « Avant la mise en application du texte, 11 % des promotions dépassaient 34 % de remise sur le prix initial. C’était notamment le cas des boissons sans alcool (24 %), contre seulement 9 % du frais non laitier, et 3 % du rayon de la crémerie. À partir de la treizième semaine de 2019, plus aucune promotion ne dépassait 34 % de remise. »

Pour autant, les contournements de la loi n’ont pas tardé à apparaître. « Depuis septembre, on observe des offres permettant de cumuler une promotion sur un produit et des remises sur un panier, rapporte Olivier Dauvers. De la même manière, il est possible de proposer un produit offert pour un acheté, tant que le second n’est pas identique au premier, et que le terme “gratuit” n’est pas employé. »

V. Gu.