Xavier Beulin voit dans l’élection de Donald Trump « un revirement, peut-être à l’image de ce qu’on est en train de vivre », a-t-il souligné le 10 novembre 2016, à l’occasion d’un déjeuner avec la presse. Il y voit un double besoin : les élites d’abord, « dont nous faisons partie », ne peuvent pas être seulement des « sachants », et une « grande méfiance sur les territoires » du fait notamment de la centralisation des décisions et des moyens autour des grandes métropoles.
Pour le président de la FNSEA, il faut réfléchir à un mode électoral qui ne soit plus proportionnel au nombre d’habitants, sinon les zones rurales n’auront plus voix au chapitre. C’est aussi un débat sur notre Administration. « Qui incarne la politique ? » s’insurge-t-il alors que Manuel Valls a décidé d’un plan de refinancement de l’agriculture que l’Administration, par une simple circulaire, complique au point de le rendre inapplicable, a-t-il dénoncé. « Aux États-Unis, 7 000 hauts-fonctionnaires vont être débarqués – et remplacés – alors qu’en France, ils sont fonctionnaires à vie. »
Imposer l’agriculture dans les présidentielles
« Nous avons aussi besoin d’un cap politique, d’une stratégie, a ajouté Jérémy Decerle, le président de JA. C’est aussi à nous, syndicats, de fixer un cap et de le faire porter par les politiques. » C’est ainsi que le Conseil de l’agriculture française (CAF) publie ce jour « les attentes du monde agricole » pour la présidentielle de 2017, avec quatre axes prioritaires : la compétitivité et l’emploi, l’Europe, les agriculteurs au cœur de la société et vivre la ruralité.
Pour l’instant, les candidats se préoccupent peu d’agriculture. Le sujet n’a pas été abordé lors des deux premiers débats de la primaire de la droite et du centre alors qu’il a été question d’économie, de fiscalité, d’Europe. Xavier Beulin souhaite, quant à lui, une politique économique et fiscale renforcée en Europe pour réduire les distorsions de concurrence. Au moins au niveau de la zone euro.
Le président de la FNSEA prépare un livre sur sa vision de l’agriculture qui devrait être publié au début de janvier 2017. Un bon tempo pour alimenter le débat électoral et peut-être aussi pour se positionner comme ministre de l’Agriculture. Par ailleurs, les deux syndicats soumettront, à la fin de novembre, au lendemain du deuxième tour de la primaire de la droite et du centre, un document « concret » sur lequel les candidats seront invités à s’exprimer. Il comportera 12 points (au choix). Notamment sur la fiscalité ou le statut de l’agriculteur. L’objectif sera de répondre à la question : « Que veut-on faire de notre agriculture en France ? » Et d’apporter une réponse empruntée à Jérémy Decerle : « Une agriculture de ferme et pas de firme. »
Incertitudes sur les accords commerciaux
L’élection de Donald Trump interroge aussi les syndicats sur le devenir des accords de libre-échange. FNSEA et JA ne seraient pas fâchés de l’abandon du TTIP. « Cela oblige néanmoins l’UE (Union européenne) à repenser sa stratégie. La vision d’un monde monopolaire est derrière nous », estime Xavier Beulin. En revanche, il est plus inquiet quant à l’accord de Paris sur le climat. Les États-Unis pourraient ne pas le ratifier, entraînant dans leur sillage la Chine ou l’Inde, alors que l’Australie vient de s’engager. « Si les Américains s’en affranchissent, cela peut générer de vraies distorsions sur les produits très concurrentiels, car ils sont d’abord exportateurs de produits alimentaires de masse, de commodités », a-t-il expliqué. Peut-être est-ce aussi l’occasion de repenser notre relation aux pays du pourtour méditerranéen, a-t-il suggéré.
Cette question des accords de libre-échange est aussi préoccupante par rapport au Brexit. S’il a bien lieu, que deviendront les accords signés par l’Europe ? Le Royaume-Uni prendra-t-il sa part de contingents en quittant l’UE ? Il le faudra pour ne pas déséquilibrer le marché intérieur. La question se pose par exemple avec les pays du Commonwealth, dont les accords ont été consolidés en 1975. « En viande ovine, on s’est fait laminer à l’époque. Si les Anglais partent, qu’ils le fassent avec au moins une partie du contingent. »