Décrypter les mesures et les annonces gouvernementales au sujet des énergies renouvelables est un exercice de plus en plus compliqué. La transition énergétique. a beau avoir le vent en poupe, les soutiens budgétaires se font balayer par Bercy.

 

> À lire aussi :« L’assassinat » programmé du biogaz agricole (14/09/2020)

Un peu d’oxygène...

L’importance stratégique du développement des énergies renouvelables a été mise en avant cet été, ainsi que la place de l’agriculture dans ce secteur. Le député du Rhône Jean-Luc Fugit a remis cet été un rapport à l’Office parlementaire pour les choix scientifiques et techniques (Opesct). La méthanisation y est à l’honneur. Il affirme que le nouveau ministre de l’Agriculture a lu ce rapport et que « le sujet l’intéresse vraiment ».

 

Julien Denormandie a d’ailleurs rappelé devant l’Assemblée nationale qu’il croyait en cette filière mais que des garde-fous étaient nécessaires. Le député Fugit veut défendre les intérêts des agriculteurs dans ce secteur. Il est optimiste en évoquant l’obligation, en 2024, de tri et de valorisation des biodéchets par les collectivités territoriales. Il affirme que « l’État doit être le régulateur et s’assurer que les agriculteurs n’aient pas à affronter la concurrence déloyale des industriels. »

 

Le ministère de la Transition écologique a également rappelé son soutien aux filières des énergies vertes. Barbara Pompili a évoqué de nouveaux mécanismes de soutien, comme Méthaneuf. Il s’agit d’une proposition de GRDF (1) qui porterait sur un financement privé de la méthanisation. La norme RE 2020 imposera la neutralité carbone aux constructions neuves dès l’été prochain. L’idée est que l’aide à des projets de méthanisation allège le bilan carbone. Le gouvernement étudie cette solution et réfléchit à son cadre réglementaire.

 

La ministre a aussi annoncé le lancement d’une concertation avec la filière. Une partie des demandes aurait été entendue. La « pénalité Ademe », qui prévoyait des baisses de tarif pour les projets demandant des aides, serait supprimée. La limite de croissance des unités devait être fixée à 30 %, dans un délai de deux ans après la contractualisation. Elle serait finalement de 100 Nm3/h sur l’ensemble de la durée de vie d’un site. Un bol d’air pour la filière.

 

La ministre a également rappelé l’évolution prochaine du seuil de guichet ouvert pour les installations photovoltaïques à 500 kWc. Aujourd’hui, la limite est fixée à 100 kWc. Tout projet qui dépasse cette puissance doit passer par une procédure d’appel d’offres longue et couteuse, sans garantie sur le prix de rachat. Malgré cette communication sur la mise en place imminente de la mesure, aucune date précise n’a été évoquée. Ce changement avait pourtant été exposé dès février. Dans le même temps, l’annonce a été faite d’une baisse moins brutale que prévu du prix de rachat de l’électricité photovoltaïque, pour la deuxième fois cette année.

… mais des questions sans réponse

Malgré ces annonces, le flou demeure et des questions se posent. Lors de la présentation du Projet de loi de finance, le MTE a dévoilé une hausse du budget pour les énergies renouvelables et 544 millions d’euros prévus pour le biométhane. Cette somme correspond-elle simplement aux projets en cours ? Est-elle suffisante ? S’agit-il d’investissements publics dans le réseau ? Contacté par la rédaction de La France agricole au sujet de l’utilisation de cette somme, le ministère n’a pas donné de réponse.

 

Le mutisme demeure vis-à-vis de l’évolution des tarifs du biométhane, rejetée à l’unanimité par le Conseil supérieur de l’énergie (CSE). L’AAMF (2) n’est pas optimiste: « La messe est dite », regrettaient les administrateurs de l’association, lors de son assemblée générale le jeudi 1er octobre. Ils craignent également que leur participation à la concertation annoncée ne soit que « pour la forme ». Ils appellent ceux qui injectent dans le réseau à leur communiquer les résultats économiques des unités. En effet, les évolutions tarifaires ont été déterminées à la suite d’une enquête à laquelle seulement moins de dix fermes avaient répondu. L’association va donc effectuer sa propre enquête et a besoin du maximum de résultats. Ceux-ci seront anonymisés et alimenteront une base de données qui reflètera les réalités du terrain pour garantir un prix juste.

 

Côté photovoltaïque, les allégations des Echos, relatives à la renégociation des contrats d’avant 2011, n’ont été ni confirmées, ni démenties par le gouvernement. Dans une interview accordée au même journal, Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (Ser), affirmait que, d’après ses sources, les agriculteurs et les particuliers ne seraient pas concernés par cette mesure. Si tel était le cas, qu’en serait-il des agriculteurs qui ont monté une société à part pour l’exploitation des panneaux photovoltaïques ? Quel niveau de baisse serait envisagé ? Les questions de La France agricole au ministère à ce sujet se sont également perdues dans le vent...

Le climat se dégrade

Le monde agricole a pourtant besoin de réponses sur ces sujets. D’autant que malgré quelques annonces positives, les signaux ont globalement été négatifs récemment. Si elle devait avoir lieu, la renégociation des contrats photovoltaïques menacerait de nombreuses exploitations agricoles et des filières énergétiques entières. Un État qui changerait les règles en cours de jeu ruinerait la confiance des investisseurs, qui deviendraient frileux à l’idée d’investir dans des secteurs aidés. Pendant ce temps, bien que la baisse des nouveaux tarifs soit atténuée, la diminution continue et la savante formule qui dicte la trajectoire budgétaire n’est pas remise en cause.

 

C’est le même type de calcul qui va prochainement guider les évolutions tarifaires du biométhane, après une forte baisse. Le prix devrait connaître des chutes allant jusqu’à 15 % de sa valeur actuelle pour les projets de taille moyenne. L’AAMF dénonce une baisse injuste qui toucherait plus lourdement les installations agricoles que celles de taille industrielle. Lors de l’annonce en janvier des nouveaux tarifs, la filière avait bondi mais pouvait espérer compter sur quelques mesures qui allaient dans son sens. C’était le cas de l’annualisation du Cmax, le volume maximal autorisé d’injection dans le réseau. Cette mesure aurait permis une meilleure adéquation des volumes injectés avec les pics de consommation, en hiver, lorsque les animaux sont en bâtiment et que le potentiel de production est supérieur. Les fluctuations dans les plus hautes sphères de l’État auront eu raison de cette annualisation.

 

> à lire aussi : Tarifs du biogaz, baisse généralisée, bonus pour le lisier, cultures délaissées (05/02/2020)

Gildas Baron

(1) Gaz réseau distribution France.

(2) Association des agriculteurs méthaniseurs de France.