« Nous avons porté un message de révolte mais pas d’abattement », souligne Patrick Dechaufour, président de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) du Calvados, de l’Orne et de la Sarthe. Ce planteur de betteraves depuis quatre générations se dit satisfait des « 500 personnes présentes à cette manifestation, organisées en 36 heures, dont 400 planteurs ». Ces derniers étaient venus avec une quinzaine de tracteurs et des arracheuses de betteraves.

Mobilisation générale

Franck Sander, président de la CGB, et tous les autres membres du bureau national du syndicat étaient également présents. Filiale du groupe allemand Südzucker, Saint Louis Sucre a annoncé le 14 février la fermeture de deux de ses quatre sucreries en France en 2020, à Cagny, où 77 emplois seront supprimés selon le groupe, et à Eppeville (Somme), qui compte 122 salariés, selon la direction.

 

« Fermeture de la sucrerie : 500 emplois (directs et indirects NDLR) supprimés », pouvait-on lire sur une banderole devant l’usine appartenant à l’industriel Saint Louis Sucre. Autre slogan mis en avant : « La betterave à Cagny, on y croit toujours. »

Première étape

« Il s’agit d’une première étape de réaction « physique » après l’annonce de Saint Louis Sucre jeudi dernier », commente Benoît Carton, directeur de la CGB Eure, Calvados, Orne, Sarthe et Seine-Maritime. « Nous ne voulons pas entendre parler de la fermeture de cette usine, c’est pourquoi nous étudions toutes les possibilités, renchérit Patrick Dechaufour. La première serait de faire revenir Südzucker sur sa décision et [en cas d’échec] de les obliger à nous faire une proposition de vente. Nous sommes donc en train de réaliser une étude économique du site afin d’être en mesure de faire une offre d’achat. »

 

« Un conseil exécutif de Südzucker doit avoir lieu le 25 février pour continuer à étudier leur plan de restructuration. Cette manifestation est donc un moyen de dire qu’en France on ne va pas se laisser faire », exprime Benoît Carton. Et de poursuivre : « Les responsables de la CGB souhaitent rencontrer les dirigeants de Südzucker dans les dix jours, en Allemagne. Le temps presse, dans trois mois il faudra avoir trouvé une solution car les planteurs vont déjà réfléchir à leurs assolements de 2019-2020. »

Soutien des élus

Tout comme Patrick Dechaufour, Benoît Carton se félicite du soutien des députés, des maires, des conseillers départementaux et régionaux, « qui se mobilisent fortement car cette fermeture d’usine a de fortes retombées économiques pour la région ». Une cinquantaine d’entre eux étaient présents à la manifestation, selon Benoît Carton. Une réunion doit prochainement avoir lieu avec tous les responsables politiques locaux.

 

« Plus de mille agriculteurs utilisent la sucrerie pour la transformation des betteraves. C’est un pan entier de l’agriculture normande qui est menacé par la décision brutale de la direction de Saint-Louis Sucre », précise le député Alain Tourret (LREM) dans un communiqué.

« La justification de Saint Louis Sucre est un mensonge »

De son côté, le président de Région Hervé Morin a affirmé le 21 février que « le site de Cagny » était « parmi les plus performants dans le domaine ». « La justification aujourd’hui du groupe Südzucker de la fermeture du site permettant ainsi une hausse des prix est un mensonge », écrit le Centriste.

 

Ce projet de fermeture « est la conséquence de la décision politique de libéraliser le marché du sucre », a estimé la FRSEA (Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles) de la Normandie dans un communiqué. L’arrêt de cette usine serait « catastrophique » : « Il condamnerait la production de betteraves dans le Calvados et l’Orne », a estimé de son côté le syndicat betteravier. La Normandie compte 15 000 hectares de betteraves, selon la FRSEA.

Interpeller le président de la République

Les planteurs comptent aussi sur le soutien du ministère de l’Agriculture ainsi que sur celui du ministère de l’Economie. Franck Sander devait interpeller le président de la République, Emmanuel Macron, le 23 février 2019 lors de son passage au Salon international de l’agriculture. Ils devraient également rencontrer Hervé Morin sur ce même salon le 25 février.

Le début d’une longue série ?

De son côté, la Coordination rurale s’interroge : « Les fermetures d’usines de Saint Louis Sucre ne sont-elles pas les premières d’une longue série ? » Et d’ajouter : « Aujourd’hui c’est à Bruxelles qu’il faut manifester pour demander la régulation des produits agricoles. » Le syndicat appelle les « décideurs français et européens de prendre la mesure de ce bilan et de réguler les productions agricoles. Quand les usines auront fermé il sera trop tard. »