« Un éleveur porcin ne peut pas répondre, à l’heure actuelle, aux demandes de la société en matière d’environnement et de bien-être animal. Il existe une contradiction entre ces deux attentes. Prenons l’exemple du logement : sur le volet environnemental, plus les déjections se font dans un endroit que l’on peut maîtriser, traiter, évacuer, etc., plus les impacts environnementaux sont réduits. De son côté, le bien-être animal dit : “On ouvre tout”, et défend quelque chose de non maîtrisable. Les animaux se retrouvent dehors, leurs déjections se font à l’extérieur également, et ils émettent de l’ammoniac et du gaz à effet de serre. Nous n’avons aucun moyen d’agir. Des élevages sur litière sont aussi attendus par le consommateur, mais cela signifie aussi plus de gaz à effet de serre et d’émissions de particules.

Vers un modèle 2 en 1

En clair, quand nous réfléchissons à des modèles optimaux pour répondre à toutes ces attentes, nous voyons bien que la performance environnementale est contradictoire aujourd’hui avec une amélioration du bien-être animal. Pour autant, il faut bien parvenir à répondre à ces demandes. Nous réfléchissons donc à concilier ces deux attentes, à des systèmes d’élevage où l’on inciterait, par exemple, les animaux à faire leurs déjections à l’intérieur, tout en leur laissant un espace de liberté à l’extérieur.

Nous savons par ailleurs qu’aller vers une meilleure prise en compte du bien-être animal entraînera un surcoût, puisque cela implique notamment davantage de surface. En termes d’infras-tructures, cela coûtera plus cher. Idem sur le plan de l’environnement, même si les systèmes actuels enregistrent déjà de bonnes performances.

Pour quel marché ?

Plus généralement, toute amélioration a un coût. Les éleveurs nous le disent : “Je veux bien faire n’importe quel système. Je suis prêt dès demain à mettre de la paille et à avoir de plus grandes surfaces. Mais je veux aussi que l’on me garantisse qu’il y aura quelqu’un pour m’acheter mon porc issu de ce système.” Se pose la question du marché et du consentement des consommateurs à payer pour tous ces modèles.

Beaucoup d’éleveurs cherchent la solution, ils nous disent être prêts à répondre aux attentes sociétales. Mais le modèle idéal n’est pas simple à trouver. Alors nous travaillons avec eux. Je crois aussi que le besoin de recherche et développement pour les accompagner dans cette transition est sous-estimé.

Avec une communication vulgarisée

Beaucoup d’énergie est mise en œuvre pour reprocher leur modèle d’aujourd’hui, mais peu est mobilisée pour faire avancer la recherche. Et des éleveurs sont assommés par ces reproches successifs, quand d’autres se mettent en quête d’arguments pour se défendre. Des outils ont été conçus pour qu’ils puissent mesurer leur performance au quotidien et s’approprier ainsi quelques chiffres. Mais nous voyons bien qu’un portail web en plus, avec des messages vulgarisés et un état des bilans environnementaux des élevages porcins présentant de simples références, serait aussi nécessaire. »

propos recueillis par Rosanne Aries