En 2020, la moitié des exploitations étaient dirigées par des agriculteurs de plus de 55 ans. Dans cinq ans, une grande partie d’entre eux pourront prétendre à la retraite. Les 60-65 ans deviendront majoritaires dans la population agricole.

Faire entrer une nouvelle génération
« Une nouvelle génération est appelée à rentrer dans les métiers de l’agriculture, estime François Purseigle, professeur des universités en sociologie à l’Institut national polytechnique de Toulouse, interrogé par La France Agricole. C’est autour de ces nouvelles générations, beaucoup plus mobiles socialement et professionnellement que se construisent les projets d’installation et d’insertion dans les métiers. »
Ceux que l’on nomme les non-issus du milieu agricole (Nima) représentent aujourd’hui près de 60 % du public reçu aux points accueil installation, la porte d’entrée du parcours à l’installation, selon les chiffres du CESE (1). « Les Nimas amènent une vision plus transformatrice de l’agriculture, qui ne correspond pas toujours aux systèmes conventionnels, explique François Purseigle. Ils arrivent plus tardivement dans le métier d’agriculteur et en partent plus précocement. La carrière agricole est pour eux une étape dans une trajectoire.»
Mais il serait faux de vouloir les opposer aux publics plus traditionnels, issus du monde agricole qui participeront également au renouvellement des actifs agricoles. « Les enfants d’agriculteurs portent eux aussi une ambition transformatrice, poursuit François Purseigle. On ne pourra pas simplement proposer aux nouvelles générations de mettre leurs pas dans les pas d’un autre car leurs projets sont de moins en moins réductibles à celui d’une reprise ou d’une poursuite. »
Réinventer les structures existantes
Mais est-ce que les exploitations existantes correspondront aux ambitions de cette nouvelle génération ? Le réseau des Civam (2) souligne des inadéquations entre l'offre et la demande des futurs installés. « Il y a un défi pour faire accepter aux porteurs de projet qu’il existe des exploitations dans lesquelles ils pourraient se retrouver et transformer les choses, souligne François Purseigle. La réinvention est possible dans certaines petites et moyennes structures déjà en place. Si les porteurs de projets s’installent à côté d'exploitations à reprendre dont ils ne veulent pas, alors on passera à côté de quelque chose. »
Se frotter et se former au climat
Avec l'évolution du climat, les pratiques agricoles devront également s'adapter. Une adaptation qui nécessitera de nouvelles compétences. Organisant une conférence sur ce sujet le 23 novembre dernier, le think tank agriDées en listait plusieurs. Il appelle, dans une note rédigée par Yves Le Morvan et Bernard Valluis à accélérer "la diffusion des compétences relatives à la prise en charge technique, mais aussi stratégique" des conséquences du changement climatique.
Les auteurs mettent aussi l'accent sur la maîtrise des nouvelles technologies. Alors que le numérique, la robotique, les datas seront amenés à prendre de plus en plus de place, il ne faudrait pas que ces nouveaux outils échappent aux exploitants agricoles. " Il faut que les chefs d’entreprise restent maîtres de la décision. S’ils ne maîtrisent pas l’outil, d’autres le maîtriseront pour eux. Le risque n’est pas neutre de faire des agriculteurs des chauffeurs de plate-forme comme Uber ", estimait ce jour-là Hervé Pillaud, auteur, conférencier et président du groupe d'enseignement et de formation Établières en Vendée.

Devenir un manager
"Il faut que l’exploitant soit un manager mais il n’y arrivera pas tout seul", estimait de son côté Jean-Marie Marx, du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Il est vrai qu'avec une montée du salariat sur les fermes françaises, des compétences en droit du travail et en ressources humaines pourront être un plus. « Les futurs installés seront davantage dans l’orchestration d’une activité productive, estime François Purseigle. Face à l’effacement des actifs familiaux, les chefs d’exploitation ne pourront pas être partout et ils devront souvent être secondés. »
Avec le départ des chefs d'exploitation dans les prochaines années, les rangs des salariés seront effectivement amenés à grossir pour faire face aux départs non remplacés. Le nombre de salariés permanents non familiaux a déjà augmenté entre 2010 et 2020 (+ 8,2 % en équivalent temps plein selon les données du dernier recensement). " La population de non salariés va continuer à décroître fortement dans les dix années à venir, posant la question de leur substitution, totale ou partielle, par des salariés directs d’exploitations ou de tiers employeurs et prestataires. L’évolution qui se dessine est très largement en faveur de ces derniers ", estimait le CGAAER dans un rapport de 2021 consacré aux nouvelles formes de travail en agriculture.
Autant de réflexions qui pourront alimenter les prochaines discussions sur le pacte et la loi d'orientation et d'avenir agricoles qui aura pour mission de réussir le défi du renouvellement des générations.
(1) Conseil économique, social et environnemental.
(2) Centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural.