Emmanuel Macron s’apprête à lancer la réforme de la chasse promise durant sa campagne présidentielle. Lundi prochain, le président de la République doit recevoir Willy Schraen, président de la fédération nationale de la chasse (FNC), en présence de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire. Un entretien doit aussi avoir lieu entre le patron des chasseurs et Sébastien Lecornu. C’est en effet au secrétaire d’État à la Transition écologique et solidaire qu’a été confiée la mission de mener cette réforme délicate.

La réforme de la chasse doit permettre d’aborder les points suivants : la réforme du permis de chasser, la baisse du permis de chasser national de 400 à 200 euros, l’instauration d’une gestion adaptative des espèces (autrement dit introduire de la souplesse dans la gestion des espèces), la création d’une police rurale et environnementale et l’indemnisation des dégâts de grand gibier.

Vives tensions entre agriculteurs et chasseurs

Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, sera reçue le lendemain, mardi 28 août, par Sébastien Lecornu. En prévision de cette rencontre, elle a lancé le hashtag #SangliersChallenge sur Twitter invitant les agriculteurs victimes de dégâts à poster des photos de leurs parcelles. Le président de la FNC n’a pas tardé à répliquer dans un tweet cinglant : « Je lance le #biodiversitémortechallenge pour 1 max de photos de champs cultivés sans vie. »

Ces échanges sont révélateurs du climat de plus en plus tendu qui règne entre chasseurs et agriculteurs. Ces derniers, en période d’ensilage des maïs, découvrent de nombreux dégâts de sangliers. Rien d’étonnant car la bête noire prolifère partout en France depuis 30 ans. Le nombre de sangliers abattus serait de plus de 750 000 sur la campagne de chasse de 2017-2018, soit une augmentation de 10 % comparée la campagne précédente. Les animaux sauvages occasionnent de nombreux dégâts aux exploitations agricoles estimés à 30 millions d’euros, dont 80 % sont imputables aux seuls sangliers.

Encore des plaines sans biodiversité
je rencontre lundi 27 le pdt de la république Emanuel Macron.
Je lance le #biodiversitémortechallenge, pour 1 max de photos de champs cultivés sans vie pour @EmmanuelMacron
La biodiversité numérique est ouverte! pic.twitter.com/8CfN0kZNiM

— Willy Schraen (@WillySchraen) 23 août 2018 ]]>

D’un côté, les agriculteurs, victimes de la sécheresse et pour beaucoup exsangues économiquement, sont en colère face à ce fléau qui ne fait qu’empirer. De l’autre, les chasseurs sont excédés par le montant de la facture, d’autant qu’aux 30 millions d’euros, il faut ajouter « 20 à 25 millions euros pour les actions de prévention ». Des fédérations départementales de chasseurs auraient de gros problèmes d’argent.

Une espèce « nuisible »

Pour Thierry Chalmin, président de la commission de la faune sauvage de la FNSEA, « les chasseurs martyrisent leurs derniers alliés ». L’éleveur de la Haute-Saône estime qu’il faudrait deux fois moins de sangliers (autrement dit « aboutir à des prélèvements de l’ordre de 350 000 bêtes alors qu’on s’engage vers un million de sangliers tués ») pour revenir à un équilibre supportable pour les agriculteurs.

Il estime que la rupture est consommée entre le monde agricole et le monde cynégétique et ne constate pas chez les chasseurs « la volonté de réduire les populations de grand gibier ». Pour preuve, selon lui, les projets de textes proposés par les chasseurs au Conseil national de la chasse et de la faune sauvage (CNCFS) du 24 juillet dernier : un projet de décret visant à étendre la période de chasse au sanglier de la fin de février au 31 mars, ainsi qu’un projet d’arrêté supprimant le sanglier de la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (autrement dit « espèces nuisibles »).

La FNSEA a voté contre l’avis favorable rendu par le CNCFS. « Ce texte n’a fait l’objet d’aucune concertation préalable. Ce n’est pas un mois de chasse de plus qui va changer grand-chose. D’autant que des solutions existent déjà neuf mois sur douze, explique Thierry Chalmin. Nous sommes tout à fait opposés à ce que le sanglier soit retiré des espèces “nuisibles”. Avec la législation actuelle, un agriculteur victime de dégâts peut demander de faire usage du droit de destruction ou déléguer ce droit. Si le sanglier est retiré de la liste des nuisibles, ce ne sera plus possible. » Le syndicat a envoyé un courrier à Nicolas Hulot lui demandant de ne pas signer ces projets de texte. Celui-ci est resté sans réponse.

Mardi prochain, la FNSEA veut faire entendre à Sébastien Lecornu à la fois ses propositions pour réduire les populations de sangliers mais aussi pour réviser les barèmes d’indemnisation de dégâts de grand gibier.

Aurore Cœuru