Après leur augmentation en début de semaine, les prix des céréales se réaffaissent ces derniers jours à cause des inquiétudes concernant la remontée des taux d’intérêt, la compétition russe et les espoirs liés aux discussions en cours sur le corridor ukrainien.
Pour les oléagineux, les ventes argentines de soja, la bonne récolte mondiale de colza et celle de tournesol en mer Noire pèsent sur les prix.
Hausse généralisée des cours du blé au début de la semaine
Cette semaine a été marquée par un pic des prix suivi par un léger recul. Les prix au début de la semaine ont atteint leur plus haut niveau depuis le 12 juillet dernier, à la suite des déclarations de Vladimir Poutine. À la fin de la semaine dernière, le Kremlin avait en effet évoqué la possibilité de ne pas renouveler l’accord sur le corridor d’exportations de grains au départ de l’Ukraine. Cet accord pourrait être remis en question le 19 novembre 2022, date à laquelle il doit être de nouveau confirmé après une première période de 4 mois comme cela a été prévu lors de sa signature, le 19 juillet dernier.
Ce vendredi 16 septembre 2022 est prévue une nouvelle discussion entre Vladimir Poutine et le président turc à propos de ce corridor de grains. La Russie demande que les exportations de ses grains et engrais soient facilités arguant le fait que les sanctions à son égard ne permettent pas des flux normaux.
Le blé rendu Rouen a ainsi gagné 7,5 €/t (à 334 €/t) depuis la semaine dernière. Si l’accord ukrainien était bel et bien non renouvelé, les exportations au départ de l’Ukraine seraient révisées à la baisse et cela engendrerait très probablement une nouvelle hausse des cours des grains.
Pression baissière liée aux taux d’intérêt et aux blés russes
Néanmoins, la tendance s’inverse à nouveau à la fin de la semaine, avec trois nouveaux éléments qui viennent peser sur les prix.
- D’une part, les opérateurs montrent de l’inquiétude face à la forte hausse des taux d’intérêt que la Fed (Banque centrale américaine) devrait pratiquer la semaine prochaine. Leurs craintes découlent de l’impact négatif que la hausse des taux peut exercer sur la demande à moyen terme.
- En parallèle, l’ONU, qui coordonne les négociations à ce sujet, vient de déclarer qu’il était confiant sur le fait que le corridor pourrait être renouvelé et que les exportations russes d’ammoniac pourraient aussi en profiter. Le pipeline qui transporte de l’ammoniac de la Volga russe vers un des ports ukrainiens du corridor est en effet fermé pour l’instant.
- Enfin, le blé russe pèse sur les autres origines mondiales. Il enregistre la hausse la plus mesurée cette semaine à 300 $/t Fob pour le blé à 11,5 % (+3 $/t) et demeure ainsi nettement « décoté » par rapport aux autres origines. Le blé français Fob Rouen est coté à 340 $/t.
Avec un tel écart de prix, il est difficile de rivaliser avec l’origine russe, sur le papier du moins. Dans la pratique, les exportations russes restent freinées par les sanctions occidentales à leur encontre, consécutive à l’invasion de l’Ukraine. De plus, les agriculteurs russes sont peu vendeurs, considérant les prix proposés trop bas. Néanmoins, la cadence des exportations de blé de la Russie progresse et 4 millions de tonnes devraient être expédiées en septembre, contre 3,6 millions de tonnes en août et seulement 2,1 millions de tonnes en juillet.
Le blé ukrainien a vu son prix grimper en flèche cette semaine (+23,5 $/t, à 303 $/t, pour le blé à 11,5 %) et ainsi dépasser très légèrement celui du blé russe (+3 $/t). Les exportations au départ de l’Ukraine s’accélèrent, mais la part du blé dans les exportations d’août ne représentait que 17 % du total des produits agricoles, contre 68 % pour le maïs.
Ainsi, sur le marché à terme, l’échéance de décembre affiche une baisse au milieu de l’après-midi de presque 8 €/t par rapport à sa clôture de la semaine dernière (à 330 €/t).
Une demande mondiale en blé présente
Cette semaine la SAGO, l’organisme étatique saoudien en charge des importations, a lancé un appel d’offres pour 535 000 tonnes de blé à 12,5 % de protéines. Le précédent achat de blé de la SAGO date de la fin juin. Cet appel d’offres a participé au soutien des cours mondiaux sur la semaine. Néanmoins, il est peu probable que la France s’impose sur ce marché compte tenu de l’excellente compétitivité des blés russes et de la qualité requise.
Nous prévoyons les exportations françaises (hors Union européenne à 27) pour la campagne de 2022-2023 à 9,2 millions de tonnes, soit une hausse de 400 000 tonnes par rapport à 2021-2022, alors même que la production de 2022 a chuté de 1,6 million de tonnes sur un an. Les exportations françaises ont démarré sur les chapeaux de roues cet été, notamment vers l’Afrique du Nord, mais elles connaissent depuis le mois de septembre un ralentissement.
Actuellement les ports français chargent quelques volumes vers le Maroc, le Yémen, Cuba et l’Angola. Cependant, au cours des prochaines semaines l’activité portuaire devrait se maintenir avec des volumes à expédier vers la Chine notamment.
Les prix du maïs ont encore monté avant d’amorcer une baisse en cette fin de semaine
Les prix des maïs français ont de nouveau acté une hausse modérée depuis la semaine dernière. Le maïs Fob Rhin a pris 6 €/t, à 320 €/t (base juillet, récolte 2022), tandis que le maïs Fob Bordeaux a gagné 3,5 €/t, à 340 €/t.
Dans sa dernière publication officielle de cette semaine, le service de la statistique du ministère de l’agriculture (Agreste) a revu à la baisse son estimation de récolte à 11,6 millions tonnes. Un chiffre encore supérieur aux estimations du marché qui se situent plutôt à 10,5 millions de tonnes.
Au début de la semaine, environ 15 % des surfaces de maïs étaient récoltées en France. Les maïs américains se sont également renchéris sur une semaine à la suite de la publication par l’USDA (ministère américain de l'Agriculture) d’une récolte de seulement 354 millions de tonnes, en baisse de près de 30 millions de tonnes par rapport à celle de l’an passé. Néanmoins, les prix reperdaient une partie de leurs gains en cette fin de semaine. Les craintes de fort ralentissement économique sont toujours un élément modérateur de la hausse des prix.
En outre, le Brésil a exporté un volume record de 7,4 millions de tonnes sur le mois d’août. Le Paraguay a également été très actif en août avec 1,3 million de tonnes exportées, contre 250 000 tonnes l’an dernier.
Enfin, le corridor maritime ukrainien continue d’apporter son effet apaisant. Ainsi, les exportations de maïs depuis l’Ukraine continuent d’accélérer avec près de 730 000 tonnes entre le 1er et le 14 septembre. Néanmoins, plusieurs facteurs alimentent aussi la tension sur le marché du maïs.
Outre la rencontre entre Vladimir Poutine et son homologue turc aujourd’hui pour parler de l’efficacité du corridor maritime ukrainien et de son éventuel renouvellement en novembre, les conditions de semis outre Atlantique posent encore des questions. Elles sont toujours très sèches pour les maïs en Argentine et une baisse de surface est à craindre par rapport à la récolte de l’an passé.
Enfin, l’Agence américaine pour l’environnement a affiché sa volonté d’autoriser avant l’été prochain l’incorporation d’éthanol à hauteur de 15 % dans l’essence (E15) toute l’année dans plusieurs États. Actuellement, seul l’E10 est autorisé toute l’année.
Même évolution à la hausse puis à la baisse pour l’orge
Les prix français de l’orge fourragère se sont raffermis au début de la semaine, dépassant la barre de 300 €/t et confirmant ainsi la tendance haussière enregistrée depuis la mi-août. Le prix rendu Rouen du 16 septembre à échéance d'octobre-décembre a gagné 6,5€/t par rapport à la semaine précédente, à 297,5 €/t (base juillet). Les critiques du Kremlin envers les exportations ukrainiennes sont à l’origine de cette hausse.
Le marché reste très sensible à tout évènement pouvant raviver les craintes sur la pérennité du corridor sécurisé en mer Noire et sur une éventuelle coupure des exportations de l’Ukraine par voie maritime. Le prix de l’orge a néanmoins reculé légèrement en fin de semaine dans un contexte de manque de compétitivité des origines françaises et de baisse de l’activité portuaire.
À l’international, l’écart de prix de 20 $/t en moyenne se maintient entre les orges françaises et celles des autres origines. Les prix des orges australiennes n’ont pas beaucoup évolué depuis vendredi dernier tandis que ceux des orges russes ont remonté de 5 $/t.
Du côté de l'offre, le volume engrangé au niveau mondial n’a cessé de monter depuis le mois de juillet avec la progression des récoltes un peu partout dans l’hémisphère Nord, surtout en Russie. Il est augmenté encore cette semaine par une nouvelle hausse des estimations de la production au Canada, selon les dernières données de Statcan (9,4 millions de tonnes).
Du côté de la demande, les principaux acheteurs sont toujours absents aux achats, ce qui se traduit par une nette baisse des affaires conclues et des appels d’offres publiés cette semaine. Les accords économiques signés lors de la rencontre entre Xi Jinping et Vladimir Poutine, jeudi 15 septembre, lors du sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai en Ouzbékistan, pourraient entre autres se traduire par l’accélération des exportations des orges russes vers la Chine. Cela permettrait avant tout à la Russie d’évacuer ses disponibilités exportables exceptionnelles cette année, mais aussi à la Chine de sécuriser ses approvisionnements en orges russes très compétitives sur le marché aujourd’hui.
Nouvelle baisse des prix du colza
Tandis qu’au début de la semaine, les cours du colza en France ont été soutenus par la dégradation des niveaux de récoltes attendues en soja aux États-Unis et en canola au Canada, les prix du colza en France ont finalement régressé sur la semaine.
En effet, malgré la révision à la baisse de la production de canola au Canada prévue par StatCan, cet office canadien de la statistique attend une récolte en hausse de presque 40 % par rapport à l’an passé, à 19,1 millions de tonnes. Pour le moment, la récolte se déroule sans encombre, les conditions climatiques étant favorables aux moissons. Au 12 septembre, 39 % des canolas étaient récoltés dans la province de Saskatchewan, 11 % dans le Manitoba et 8 % dans l’Alberta (au 6 septembre).
En conséquence de cette récolte bien supérieure à celle de l’an passé, qui commence à être engrangée et arrive sur le marché, mais également avec les bonnes récoltes européennes, ukrainiennes, russes et australiennes, la production mondiale, attendue comme record, pèse sur les prix.
Par ailleurs, les craintes concernant le ralentissement économique mondial continuent d’alimenter les incertitudes sur la demande et donc de peser sur les prix des huiles végétales. Les prix de l’huile de palme ont ainsi régressé (notamment avec l’inquiétude quant à la demande chinoise), d’autant plus que la pleine saison de production engendre une hausse des stocks en Malaisie actuellement. Le retour des pluies dans l’Union européenne a par ailleurs profité aux colzas récemment semés, ce qui a rassuré pour l’offre de colza de la prochaine campagne.
Finalement, les cours français du colza ont diminué de 17 €/t rendu Rouen et de 18 €/t en Fob Moselle cette semaine, atteignant respectivement 582 €/t et 587 €/t le 15 septembre.
Le marché du tournesol sous pression
Les prix du tournesol ont subi un nouveau décrochage depuis la semaine dernière. L’avancement des récoltes en Europe et en mer Noire continue de peser sur les cours. Les résultats préliminaires des coupes dans l’Union européenne sont pourtant insatisfaisants, les plantes ayant souffert d’un temps chaud et sec durant l’été. La récolte européenne pourrait nettement diminuer sur une année, à 9,2 millions de tonnes, malgré la forte progression de la surface.
En France, la demande des triturateurs est au ralenti. Les marges industrielles sont pénalisées par la hausse du coût de l’énergie et sont en plus en faveur de la graine de colza. Faute d’affaires, le tournesol n’a pas été coté à Saint-Nazaire cette semaine. Rendu Bordeaux, son prix cède 30 €/t (à 675 €/t) pour la qualité oléique. Le prix de la graine ukrainienne rendu frontières de l’Ouest s’est également rétracté de 10 $/t (à 505 $/t) en raison d’un ralentissement de la demande des pays voisins.
De son côté, le prix de l’huile de tournesol a enregistré un nouveau recul à Rotterdam, à son plus bas niveau depuis septembre 2021. Le cours de l’huile est notamment affecté par le fort décrochage de celui de l’huile de palme.
D’autre part, la récolte de tournesol pléthorique attendue en Russie et l’amélioration des perspectives d’exportations ukrainiennes, comparativement aux premiers mois de la guerre, laissent envisager une offre plus forte en huile de tournesol sur le marché mondial en 2022-2023 qu’en 2021-2022. Le corridor maritime au départ d’Odessa est prévu pour fonctionner jusqu’à la fin de novembre pour le moment. En cas de non-renouvellement, cela pourrait entraîner un rebond des cours cet automne.
Les prix du soja reculent un peu
Entre une offre américaine revue à la baisse et une très forte concurrence à l’exportation de la part des origines sud-américaines, le prix du soja américain a légèrement reculé cette semaine à Chicago (–7 $/t sur le rapproché, à 533 $/t). Les ventes de soja américain ont été ralenties par la forte concurrence du soja argentin sur le marché mondial. En effet, ces derniers jours, les importateurs sur le marché mondial ont profité du taux de change préférentiel du soja (mesure en vigueur depuis le 5 septembre jusqu’à la fin du mois) pour se procurer des volumes importants de fève argentine.
À noter que l’inflation continue de freiner la consommation d’huiles et viandes, ce qui pèse sur les prix du soja par ricochet. Aux États-Unis, dans une publication du Département du travail cette semaine, l'inflation au mois d’août (8,3 %) a d’ailleurs été supérieure aux attentes.
Ces éléments baissiers ont toutefois été partiellement compensés par la révision en baisse de la prévision de production de soja des États-Unis par l’USDA. Elle a été diminuée de 4,1 à 119,2 millions de tonnes sur la campagne de 2022-2023 avec notamment une baisse du rendement, affecté par un temps trop sec au mois d’août.
Le soja Fob brésilien a lui progressé de 11 $/t à 614,5 $/t. La trituration reste dynamique sur la fin de campagne, ce qui soutient les prix.
Les conditions météorologiques en Amérique latine sont à surveiller de près avec les semis qui ont commencé au Brésil. Si les conditions climatiques sont correctes sur les prochains mois, l’offre mondiale devrait être bien fournie, avec une production record au Brésil et très élevée en Argentine.
Toutefois, l’Argentine connaît actuellement la pire sécheresse depuis 27 ans. Les effets du phénomène la Nina, qui entre autres, réduit les précipitations sur les zones de production sud-américaine, pourrait durer jusqu’en janvier. Cela reste à surveiller de près, car si les effets potentiels de ce phénomène se concrétisent, cela pourrait affecter le rendement des cultures de soja sur la nouvelle campagne.
Les prix se redressent pour le tourteau de soja
Cette semaine, les cours mondiaux du tourteau de soja se sont redressés. Dans un premier temps, ils ont baissé en raison de la politique argentine favorisant les ventes de soja sur le marché mondial (taux de change préférentiel pour le soja). Puis, les prix ont fortement rebondi à la suite de la publication de l’USDA, réduisant la production de soja américain attendue en 2022-2023.
De plus, les stocks de tourteaux demeurent faibles en Chine. La semaine passée, ils ont continué de reculer pour la septième fois consécutive du fait d’une meilleure demande en alimentation animale. À noter que le prix du porc en Chine progresse (+5 % sur le prix moyen en août). Il est désormais au-dessus de son niveau de l’an dernier (+60 %), ce qui est toutefois tempéré par des coûts de production plus élevés (coûts de l’énergie et de l’aliment).
Le prix à Montoir a suivi la tendance haussière des cours mondiaux et a ainsi progressé de 20 €/t, à 560 €/t. Malgré la hausse du blé et du tourteau de soja, le prix du pois départ Marne a perdu 3 €/t en une semaine, à 382 €/t. Le pois est délaissé par les fabricants d’aliments jugeant son prix peu attractif.
À suivre : compétitivité des céréales de la mer Noire, exportations effectives d’Ukraine et de Russie, taux d’intérêt et impact sur la demande, conditions climatiques en Amérique du Nord (soja), conditions climatiques au Canada, en Australie (colza), contexte économique mondial, prix du pétrole.