« Un Français sur cinq n’a pas confiance en l’eau du robinet […] et un sur deux privilégie l’eau en bouteille », a déploré Alain Bazot, président de l’association UFC-Que Choisir au cours d’une conférence de presse téléphonique tenue hier. Pourtant, en plus d’un prix très inférieur (1), « la qualité de l’eau est très largement au rendez-vous », a-t-il souligné.
« Le constat global est très rassurant », estime l’association de consommateurs, qui a analysé 46 300 réseaux desservant les 36 568 communes de France de février 2014 à août 2016, sur la base de données du ministère de la Santé : 95,6 % des consommateurs bénéficient d’une eau qui « respecte haut la main la totalité des limites réglementaires, et ce tout au long de l’année ».
Une non-conformité… sans risques ?
Mais 2,8 millions de personnes, essentiellement des habitants de petites communes rurales, « reçoivent une eau non conforme », déplore l’UFC-Que Choisir. Elle n’est pas forcément impropre à la consommation, « cela dépend de la nature de la molécule, du niveau du dépassement et de sa fréquence », a précisé à l’AFP Olivier Andrault, chargé de mission à l’UFC-Que Choisir qui a dirigé l’étude.
Ce point a été souligné par l’UIPP (Union des industries et de la protection des plantes) dans un communiqué paru le 26 janvier 2017. L’union rappelle que « la détection de traces infimes de phytos n’est en aucun cas révélatrice d’un quelconque risque pour les populations », et qu’il est « nécessaire d’analyser les résultats au regard des seuils signifiants : réglementaires et/ou toxicologiques »… données qui ne figurent pas clairement dans l’étude ou la carte interactive de l’UFC-Que Choisir.
Une eau non conforme dans 7 % des réseaux analysés par l’UFC – Que Choisir
Selon l’étude de l’UFC-Que Choisir, la non-conformité de l’eau des réseaux analysés est liée :
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Aux polluants d’origine agricole
Des produits phytosanitaires ont été retrouvés dans 2 379 des réseaux de distribution analysés (5 % de l’ensemble des réseaux de distribution, 2 271 communes, 2 millions de consommateurs). Les communes concernées sont « dans des régions d’agriculture intensive », selon l’UFC-Que Choisir.
Les nitrates, quant à eux, ont été trouvés dans 390 réseaux (0,8 % des réseaux, 370 communes, 200 000 consommateurs). Les communes concernées sont situées « en particulier dans le Loiret, la Seine-et-Marne, l’Yonne, l’Aube, la Marne, le Pas-de-Calais et la Somme ».
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À des installations vétustes
Des « contaminations bactériennes dues aux défauts de surveillance ou à la vétusté des installations » ont été détectées dans 305 réseaux (0,7 % du total des réseaux, 253 communes, 200 000 personnes). Les communes concernées sont surtout des petites communes rurales de montagne (Alpes, Massif central, Pyrénées).
L’UFC-Que Choisir alerte aussi sur la présence de « composants toxiques » dans les canalisations des logements : du plomb, du cuivre, du nickel ou du chlorure de vinyle, « relargués par des canalisations vétustes ou corrodées ». Cette pollution est mal mesurée, du fait d’un « très faible nombre de prélèvements » qui « ne permettent pas de connaître l’exposition réelle des consommateurs ».
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D’origine naturelle
L’arsenic est présent dans 175 réseaux (0,4 % des réseaux, 154 communes, 38 000 consommateurs). « La contamination en arsenic est dans la quasi-totalité des cas d’origine naturelle. C’est en effet un composant habituel des roches anciennes ou volcaniques (Massif central, Vosges…) », précise l’UFC-Que Choisir.
Pour un audit national des canalisations
L’association juge ces pollutions « d’autant moins acceptables que l’alerte est donnée depuis longtemps et que les bons remèdes ne sont toujours pas appliqués », et réclame « un audit national » des composants toxiques des canalisations et une aide aux particuliers pour remplacer leurs canalisations en cas de pollution au plomb.
Pour l’application du principe pollueur-payeur
L’UFC-Que Choisir pointe du doigt des « pratiques agricoles inchangées » et des autorités françaises « complices des pollueurs ». Elle rappelle la position de la Commission européenne : « Les mesures de prévention [sont] de loin préférables à un traitement en fin de procédé pour garantir la bonne qualité de l’eau potable, et permettent à la fois d’éviter des retraitements et de protéger l’environnement. »
Si l’eau du robinet est presque partout conforme aux normes, « ce n’est pas parce que l’agriculture aurait amendé ses pratiques » mais à cause d’une « coûteuse dépollution financée à 87 % par les consommateurs et seulement à 6 % par les agriculteurs », affirme l’UFC-Que Choisir. L’association réclame l’application du principe « pollueur-payeur » par une augmentation de la taxation des produits phytosanitaires et des engrais azotés et par des « sanctions financières dissuasives et proportionnelles en cas d’atteinte environnementale ». En parallèle, l’UFC-Que Choisir souhaite une mobilisation des moyens des agences de l’eau pour la prévention des pollutions – notamment agricoles –, et un soutien financier aux agriculteurs utilisant de faibles quantités d’intrants.
(1) Selon l’UFC-Que Choisir, à 0,4 centime d’euro le litre, l’eau du robinet est 65 fois moins chère en moyenne que celle en bouteille.