Le texte, préalablement adopté par tous les groupes parlementaires, aurait dû être adopté au Sénat. Le groupe communiste a donc retiré la proposition de l’ordre du jour, et la représentera le 16 mai prochain. Les sénateurs et le président du Sénat, Gérard Larcher, ont dénoncé de manière unanime la volonté du gouvernement de bloquer le vote d’une proposition de loi, en utilisant l’article 44.3 de la Constitution.
Cette procédure, très rarement utilisée pour une proposition de loi, remet en cause le travail des parlementaires, lesquels avaient voté en faveur de la revalorisation à 85 % du Smic (soit 987 € par mois) des plus faibles retraites agricoles dès 2018. Plus de 266 000 retraités en auraient bénéficié, pour un coût proche de 350 millions d’euros, financé par une augmentation de 0,1 % la taxe sur les transactions financières de certaines grandes entreprises.
Financement remis en cause
Le gouvernement, quant à lui, dit qu’il veut repousser la revalorisation des pensions agricoles à 2020, dans le cadre plus large de la réforme des régimes de retraites. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, et le secrétaire d’État, François Castaner, ont justifié ce blocage « pour des raisons de méthode et de calendrier ». De quoi déclencher les foudres des sénateurs de tous bords… à l’exception des sénateurs de LaRM.
Leurs arguments : le minimum vieillesse a déjà été revalorisé (il sera porté à 900 € par mois d’ici à 2020, avec une première hausse de 30 € au 1er avril). Ensuite, le financement prévu ne serait pas pérenne : « Le gouvernement vous propose une application réaliste, au 1er janvier 2020. Ce n’est pas un soir de mars qu’on peut trouver 400 millions d’euros », a insisté François Castaner. « Nous traiterons du cas des agriculteurs en même temps que de celui de tous les Français », a conclu sous les huées Agnès Buzyn.
Le Foll s’indigne
L’ancien ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll a appelé jeudi 8 mars le gouvernement à appliquer la revalorisation des retraites agricoles comme elle avait été votée par l’Assemblée nationale sous le quinquennat Hollande : « Je demande au gouvernement de revenir sur cette décision et de financer ce qui a été prévu pour les retraites agricoles », a réagi Stéphane Le Foll sur Public Sénat.
Réactions
La Confédération paysanne « soutient l’adoption de ce texte », a-t-elle indiqué dans un communiqué. Elle « dénonce donc avec force l’attitude du gouvernement et son refus d’améliorer immédiatement le quotidien de ces retraités et retraitées. Elle demande donc le retrait de cet amendement et du vote bloqué afin de laisser aboutir le processus législatif ».
« Faute de financements pérennes, la FNSEA avait cependant déploré une promesse en trompe-l’œil, écrit le syndicat majoritaire dans un communiqué. Les retraités agricoles méritent mieux que des engagements factices. » Après ce reproche au groupe communiste, la FNSEA demande au gouvernement « de véritables mesures qui accordent aux retraités agricoles des minima de pensions équivalents à ceux des autres régimes ».
De son côté, le Modef « s’indigne de la position du gouvernement qui a mis un coup d’arrêt brutal à la proposition de « loi Chassaigne » sur les retraites agricoles. […] En imposant un vote bloqué contre ce texte, le gouvernement jette à terre toutes les légitimes espérances qui avaient germé dans les esprits de nos anciens. »
Quant à la Coordination rurale, elle se dit « profondément choquée que le gouvernement bloque la proposition de loi. […] Est-il nécessaire de rappeler que la situation des retraités agricoles est critique avec une pension moyenne inférieure au seuil de pauvreté et au minimum vieillesse ? Le débat public reporté au 16 mai doit impérativement permettre au gouvernement de prendre conscience que cette question d’équité entre les assurés sociaux ne peut plus attendre ! »