Une cuve à lisier est dangereuse, même quand elle est vide. Le 30 juillet 2024, un ouvrier agricole de 26 ans est mort asphyxié dans une exploitation de la Somme, après avoir tenté de récupérer un objet tombé une fosse. Son patron, qui a essayé de lui venir en aide, a été transporté à l’hôpital dans un état grave. Des accidents de ce genre sont malheureusement réguliers, « par méconnaissance et par déni du risque », analyse la MSA Sud Champagne.

Incolore, inodore mais mortel

La décomposition des matières organiques contenues dans les excréments des animaux produit du sulfure d’hydrogène (H2S), du dioxyde de carbone (CO2), de l’ammoniac (NH3) et du méthane (CH4).

H2S et CO2 sont plus lourds que l’air. Ils s’accumulent à la surface du lisier ou au fond de la cuve si elle est vide. Ils remplacent l’air et rendent l’atmosphère littéralement irrespirable. Inodore, le CO2 n’est pas repérable et provoque l’asphyxie.

Le sulfure d’hydrogène, quant à lui, peut dégager une odeur d’œuf pourri. « Mais au-delà d’une certaine concentration, on ne le sent plus, parce qu’il paralyse le nerf olfactif », prévient Julien Quesne, conseiller prévention à la MSA. Ce gaz peut entraîner la mort en quelques secondes, au-delà d’une concentration de 1 000 particules par million (ppm). Et dès 500 ppm, il provoque une perte de connaissance suivie d’un coma, des troubles respiratoires, un œdème pulmonaire et une altération du rythme cardiaque.

L’ammoniac et le méthane, quant à eux, sont plus légers que l’air. Le méthane est asphyxiant. Il provoque des maux de tête, des nausées, des vertiges, de l’incoordination, des difficultéś respiratoires et une perte de conscience pouvant aller jusqu’à̀ la mort.

L’ammoniac est irritant. Il cause des brûlures de voies respiratoires et des yeux, ainsi que des vomissements.

La MSA souligne enfin que plusieurs de ces gaz peuvent être présents en même temps, ce qui multiplie les risques et baisse le seuil de dangerosité.

La croûte, faussement rassurante

« Lorsqu’une croûte se forme en surface de la cuve, elle retient les gaz et on peut se sentir en sécurité, note Julien Quesne. Mais c’est aussi un piège, car dès l’instant où elle est cassée, elle libère une grande quantité de gaz d’un coup ». C’est la raison pour laquelle il faut absolument vider le bâtiment de ses animaux et sortir, avant de brasser une fosse sous bâtiment.

La MSA met en garde contre des « mauvaises idées » qui circulent parfois comme autant de recommandations. Avant tout, ces gaz étant incolores et inodores, il est impossible de se fier à ses sens. Faire un test avec une bougie est aussi fortement déconseillé, car il peut y avoir assez d’oxygène pour une petite flamme mais pas pour respirer. Il faut enfin se rappeler que, parce que certains gaz sont plus lourds que l’air, les fosses ouvertes sont aussi dangereuses que celles qui sont fermées, même quand elles sont vides.

« Si une intervention est nécessaire, il est recommandé de faire un test avec un détecteur de gaz », prévient Julien Quesne. Il ajoute que la MSA aimerait en équiper des Cuma mais que la difficulté réside dans la formation des exploitants pour les utiliser. L’usage d’un masque de protection respiratoire, comme celui qui est utilisé par les égoutiers, est en outre indispensable.

« Et bien sûr, il ne faut jamais se lancer seul, insiste Julien Quesne. Être au moins deux est indispensable, plus si c’est possible. La personne qui intervient doit être attachée par un harnais et une longe, qui permettront de la tirer en arrière en cas de malaise. Dans le cas des fosses fermées, il faut s’assurer que le trou d’homme est assez large pour permettre cette manœuvre ».