«Ce nouvel épisode d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) n’est surtout pas à pas prendre à la légère », prévient Anne Richard, directrice de l’Institut technique de l’aviculture (Itavi). Et pour cause, le 5 décembre, une mortalité importante est observée dans un élevage de canards prêts à gaver dans la commune de Bénesse-Maremne (Landes). Près de 400 palmipèdes sont morts, sur les 6 000 que compte l’atelier. Les analyses du laboratoire des Pyrénées et des Landes confirme la présence de l’influenza aviaire de type H5 hautement pathogène. Dès le 6 décembre, la préfecture du département ordonne l’euthanasie de l’ensemble des canards présents sur l’exploitation. Deux jours plus tard, le couperet tombe : le laboratoire national de référence de l’Anses confirme l’infection par le virus H5N8. Conformément à la réglementation, une zone de protection est établie sur un rayon de 3 kilomètres autour du foyer, ainsi qu’une zone de surveillance sur un rayon de 10 kilomètres. « Il s’agit du premier élevage avicole atteint par la maladie depuis son apparition dans des animaleries », indique le ministère de l’Agriculture, dans un communiqué publié le 8 décembre.
Circulation
dans la faune sauvage
Car l’introduction du virus sur le territoire français remonte au 16 novembre, au sein du rayon animalerie d’une jardinerie de Haute-Corse, composé « de volailles de rente et d’oiseaux d’ornement », précise la Plateforme d’épidémiosurveillance en santé animale (ESA). Un second foyer est détecté le 19 novembre dans une animalerie des Yvelines, puis un troisième le 25 novembre, dans une animalerie de Corse-du-Sud. Selon le ministère de l’Agriculture, une source commune de contamination a été identifiée « chez un particulier du département du Nord ayant vendu des oies au négociant, qui a approvisionné au début de novembre les animaleries de la Corse et des Yvelines. » La traçabilité des clients a par ailleurs permis d’identifier cinq foyers secondaires en Corse dans des basses-cours.
En parallèle, la circulation de la grippe aviaire au sein de la faune sauvage s’est amplifiée. Une oie bernache infectée par l’IAHP de type H5 a été retrouvée morte le 23 novembre à Riantec (Morbihan), sur la côte sud de la Bretagne. Le 8 décembre, le ministère de l’Agriculture a confirmé la contamination par le virus H5N8 d’une oie bernache en Loire-Atlantique, et de trois cygnes en Meurthe-et-Moselle, découverts morts en fin de semaine 49.
Confinement obligatoire
En conséquence, pour les élevages de volailles en plein air, l’heure est au confinement obligatoire des animaux, ou à leur protection par un filet. Depuis le dernier épisode de grippe aviaire à l’hiver 2016-2017, les éleveurs ont appris à composer avec la menace de l’épizootie. « Des investissements importants ont été réalisés pour améliorer la biosécurité, appuie Éric Cachan, président du Syndicat national des labels avicoles de France (Synalaf). Des sas sanitaires ont été mis en place, des zones de circulation ont été définies, et les élevages de palmipèdes sont passés en bande unique. Nous avons aussi pris conscience que l’Homme pouvait être un vecteur redoutable ». La transmission de l’information a également été revue de fond en comble. « À la suite de l’épisode de 2016-2017, nous avons déployé une base de données avicole pour localiser en temps réel tous les lots d’animaux en place. En cas d’alerte, cet outil cartographique permet à tout moment de bloquer les déplacements pour stopper la propagation du virus », indique Marie-Pierre Pé, directrice du Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gars (Cifog).
Pour Nicolas Eterradossi, directeur du laboratoire national de référence de l’Anses de Ploufragan (Côtes-d’Armor), ce nouvel épisode de grippe aviaire présente des similitudes avec celui de l’hiver 2016-2017, notamment en raison de la prédominance du sous-type H5N8. « La mortalité peut être importante et les signes cliniques sont très variés, complète Béatrice Grasland, chef de l’unité virologie, immunologie, parasitologie aviaires et cunicoles du laboratoire de Ploufragan. Des lésions cardiaques sont notamment observées, ainsi que des troubles neurologiques pouvant conduire à des difficultés de déplacement et des torticolis. » L’observation des animaux reste essentielle, tout comme le respect des règles de biosécurité. « Au moindre doute, il faut contacter son vétérinaire, appuie Nicolas Eterradossi. Et ce, d’autant que nous sommes au cœur de la période de migration des oiseaux sauvages, qui dure en général jusqu’en mars. »
Risques commerciaux
L’arrivée de l’IAHP en France pourrait également être lourde de conséquences sur le volet économique. « Si les restrictions restent faibles à l’intérieur de l’Union européenne, les pays asiatiques sont nettement moins souples, et le risque d’embargos est réel », observe François Cadudal, directeur du pôle économie de l’Itavi. Or le commerce de volailles vers les pays tiers reste soutenu. « En 2019, la valeur exportations françaises s’est établie à 80 millions d’euros (M€) pour les volailles de chair, 15 à 25 M€ pour le foie gras, et 110 à 120 M€ pour la génétique aviaire. L’ensemble de ces flux pourrait être affecté. »
En cette période de fêtes de fin d’année, le ministère de l’agriculture rappelle que le virus « n’est pas transmissible à l’Homme par la consommation de viande de volailles, œufs, foie gras et plus généralement de tout produit alimentaire. » Vincent Guyot