«Faire bien ou, plus modestement, essayer de faire au mieux, est un credo familial », explique posément Jean-Louis Guinatier, cinquième génération d’une famille d’éleveurs installés à Thionne, au cœur de la Sologne bourbonnaise.Lorsqu’il s’associe en 1983 avec Michel, son père et Jean, son oncle, l’exploitation qui comptait 72 hectares et 50 vaches charolaises gagne 35 ha et une vingtaine de vaches supplémentaires.

Des années propices

Les animaux ont toujours été engraissés, « bichonnés » de main de maître par Michel et Jean, et la tradition perdure. Les trois éleveurs produisent des bœufs gras de trois ans, vendus à l’époque entre 27 et 30 francs le kilo, et des génisses de trois ans. « Nous avons construit notre première fabrique d’aliments en 1985. Les cellules de stockage étaient en bois, se remémore Jean-Louis. Nous avons aussi drainé presque toutes nos terres, qui sont essentiellement limono-argileuses. Mon père et mon oncle ont commencé à drainer des parcelles en 1976. »Une stabulation, construite en 1963 avec des cornadis en bois - ceux en métal n’étaient pas encore sur le marché - a compté parmi les actions pionnières de la famille Guinatier.

« Nous avons progressivement agrandi et modernisé l’exploitation , explique Jean-Louis, associé avec sa mère au départ à la retraite de son père et de son oncle. Il sera ensuite rejoint par son épouse Christine, qui abandonne un travail à l’extérieur pour s’installer en l’an 2000. L’exploitation s’agrandit de 60 ha, pour atteindre sa surface actuelle. En 2003, le couple installe un pivot d’irrigation et produit du maïs ensilage pour engraisser les taurillons, qui ont remplacé les bœufs. Les éleveurs s’équipent d’une nouvelle fabrique d’aliment fermier automatisée et d’un nouvel atelier d’engraissement. « Cette période nous a permis d’investir pour moderniser notre exploitation. Les animaux se vendaient à des prix rémunérant notre travail, » précisent-ils. Jean-Louis et Christine ont également fait évoluer le gabarit du troupeau pour produire des carcasses plus lourdes, tout en améliorant les qualités maternelles des mères. Un défi aujourd’hui relevé. La moyenne des poids de carcasse a augmenté de plus de 100 kg, pour atteindre 480 à 500 kg, contre 380 kg il y a quinze ans. 90 % des vêlages sont groupés du 11 novembre à fin décembre. Tous les veaux sont pesés à la mise à l’herbe et l’ensemble des vaches et génisses sont échographiées.

Une conduite rigoureuse

Des petits lots de 12 à 15 animaux bénéficient d’un pâturage tournant. « Ils sont plus faciles à surveiller et il y a moins en concurrence entre eux, souligne Christine. Nous utilisons les bandes enherbées comme des passages, et elles sont pâturées. » Les rations d’engraissement sont des rations sèches, composées d’un mélange de céréales autoproduites, du tourteau de colza, du foin et de la paille. Les éleveurs font appel à un nutritionniste indépendant pour travailler l’équilibre des rations. Le GMQ (1) atteint 2 kg pour les jeunes bovins, qui affichent une moyenne de 420 kg à l’âge de 16 mois. « Nous avons la chance d’être bien entourés, avec le réseau d’élevage de la chambre d’agriculture, la coopérative Sicagieb à Montbeugny et la coopérative céréalière de Tréteau. »

Les sécheresses et les prix de vente qui passent régulièrement en dessous des prix de production depuis deux ans, atteignent le moral des exploitants : « Nous avons travaillé dur pour bâtir notre structure, techniquement cohérente dans son fonctionnement en système de polyculture-élevage. Le capital est là, mais il est immobilisé et coûteux. »

Pour Jean-Louis et Christine, les éleveurs français sont arrivés au bout de ce qu’ils pouvaient « encaisser » en optimisant tout. Aujourd’hui, leurs deux fils travaillent à l’extérieur et le doute s’est installé quant au bien-fondé de l’installation de l’un d’eux.

(1) Gain moyen quotidien.