Vincent s’est installé hors cadre familial sur une exploitation avicole, et a créé de toutes pièces son atelier ovin en remplaçant les volailles par du mouton. Il a réalisé des échanges parcellaires sur près d’un quart de la ferme, afin de baser son système sur le pâturage. Avec un père marchand de bestiaux, il a toujours été attiré par les animaux. Après un BTS production animale et des études d’ingénieur à l’ESA d’Angers, il a commencé à travailler à mi-temps comme technicien au groupement de producteurs de moutons Ovi Ouest et à la chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine.
« L’idée de m’installer en mouton me trottait dans la tête. Mais en tant que hors cadre familial, il est difficile de reprendre une exploitation qui ne soit pas hors de prix », raconte le jeune éleveur de 34 ans. L’opportunité s’est présentée avec les parents d’un ami qui, sans successeur familial, ont accepté de céder leur exploitation avicole à Vincent. L’élevage comptait trois poulaillers (3 000 m²), une stabulation pour vaches allaitantes et 42 ha de terres en location. Les bâtiments étaient fonctionnels, bien entretenus, suffisamment longs et larges pour être aménagés en bergerie.
« L’installation avec des bâtiments d’occasion devenait abordable » , insiste le jeune homme. Un arrangement a été conclu pour une reprise deux ans plus tard, laissant le temps à Vincent et sa femme, Angélique, de partir en Nouvelle-Calédonie, lui en tant qu’enseignant dans un lycée agricole, elle comme infirmière dans un dispensaire.
Optimiser le pâturage
Lors de son installation en octobre 2010, Vincent a transformé deux poulaillers en bergerie. Il a commencé avec 300 brebis de race romane. « Au démarrage, j’ai gardé un poulailler en dinde pour assurer de la trésorerie, le temps de constituer mon troupeau », indique-t-il. La volaille a été arrêtée au bout de deux ans et demi. Dès le départ, la stratégie fut d’être le plus autonome possible. « Mon projet initial était de monter à 600 mères. Au bout de deux ans, je me suis rendu compte qu’avec ma structure, j’étais déjà limité en matière de fourrages. Plutôt que d’acheter concentrés et fourrages, j’ai décidé de rester à 500 brebis et d’optimiser le pâturage. » Les brebis sont à l’extérieur dix mois dans l’année et elles changent de paddock tous les jours. Le système est inspiré du modèle néo-zélandais, avec un chargement élevé en animaux par hectare. Même durant l’hiver, un lot de brebis pâture dehors des dérobées.
L’éleveur est autonome en fourrages et en céréales pour les brebis grâce à ce système. Il conserve du concentré pour les agneaux. « Dans un système pâturant, l’accessibilité des parcelles est primordiale », fait remarquer Vincent. Il a donc réorganisé son parcellaire grâce à des échanges avec quatre exploitations voisines. « Je suis passé de 4,5 ha accessibles à 45 ha, avec quelques routes à traverser, en échangeant 9 ha. » Il a perdu sur la qualité des parcelles mais a récupéré de la surface (4 ha). Il a installé un réseau d’eau dans toutes les parcelles. Il y a deux ans, il a racheté un autre site, avec un ancien poulailler et du foncier, qui lui sert pour l’hivernage des agnelles.
La conduite se fait avec deux lots de brebis et comprend deux périodes de mises bas, en septembre (250 brebis) et en février (250 brebis). La lactation du premier lot se fait en pâturant les betteraves. Les agneaux sont finis en bâtiment, leur coût de production est plus élevé, mais ils sont vendus plus cher (Noël, Nouvel An). Le lot de février est conduit pour l’essentiel à l’herbe. Cette conduite nécessite une présence importante pendant les agnelages (pic de 3 semaines à 15 h/jour), mais elle apporte de la souplesse en dehors de ces périodes. « De mi-mars à mi-août, j’ai deux heures de travail par jour d’astreinte pour la surveillance et le déplacement des lots. » Il y a également un pic de travail au moment des foins et pour la tonte. L’éleveur fait appel à l’entreprise (ETA) pour les cultures.
Vincent a choisi cette organisation pour s’adonner à son autre passion : le vélo sur route et cyclo-cross qu’il pratique en compétition depuis l’âge de 10 ans. À raison de 8 à 10 h d’entraînement par semaine, il participe à près d’une trentaine de courses de première catégorie dans la saison. Champion de Bretagne master de cyclo-cross l’an passé, il a fini 19e sur 15 000 participants lors de l’étape du Tour 2015 (épreuve pour cyclosportifs) entre Saint-Jean-de-Maurienne et la Toussuire.