« J'ai d'abord voulu m'adapter à ce qui se faisait en France, se souvient Gérard Kelly. Puis comme beaucoup de gens, j'ai commencé une réflexion pour plus d'autonomie alimentaire. C'est comme cela que je suis finalement retombé aujourd'hui sur un système que je connais très bien car très courant en Irlande, le pâturage tournant et mixte bovins-ovins, avec maximisation de la production d'herbe. Je suis né sur une ferme où l'on ne connaissait que cela. »
Arrivé en France en 2003, Gérard s'installe dans le bocage ornais à la Baroche-sous-Lucé, avec un troupeau de charolais. Son système naisseur engraisseur avec ensilage de maïs est classique. C'est en 2011 qu'il renoue avec ses origines irlandaises en ajoutant un troupeau de moutons. Désormais, l'exploitation compte 60 vaches charolaises et 150 brebis de races suffolk et charollais, sur 90 ha. Gérard choisit aussi de limiter l'activité d'engraissement des jeunes bovins. « Je passe cette année en système 100 % herbager, décrit-il. J'arrête l'ensilage de maïs et les 26 ha de cultures retournent en prairie. Seul sur l'exploitation et éleveur dans l'âme, j'ai voulu simplifier mon système et me libérer du temps. Je pars aussi du principe que l'on fait mieux ce que l'on aime faire. Et j'adore gérer l'herbe. »
ÉCLAIRCIR LES PADDOCKS
Le troupeau ovin est la clé du système herbager. « Les moutons ont un effet « tondeuse » positif qui se voit tout de suite. J'essaye de leur faire pâturer chaque parcelle au moins une fois dans l'année. Cela épaissit le couvert végétal et apporte de la lumière qui favorise le trèfle. A cet effet, je n'hésite plus désormais à laisser la parcelle en pâture une ou deux journées de plus, pour bien éclaircir le paddock. »
Le pâturage tournant en micro-parcelles permet de gérer le stock. « C'est plus simple avec les vaches, poursuit Gérard Kelly. Il suffit de quelques piquets pour limiter la surface de pâture et réserver une couronne à la fauche. Avec les moutons, il faut du grillage. Je n'ai pas encore eu le temps d'aménager toutes les parcelles. Cela a aussi un coût. » Cette année, Gérard a testé avec succès le grillage électrifié mobile pour délimiter des paddocks de 1 ha sur une parcelle de 15 ha de cultures ressemée en ray-grass italien.
A la recherche de la meilleure efficacité économique, Gérard a voulu limiter les investissements au maximum pour son atelier ovin. L'hiver, le troupeau loge dans un ancien poulailler réaménagé : de noël à février. Il n'y reste pas plus de deux mois. Avec l'expérience, et pour baisser encore les coûts, Gérard a tendance à les y laisser de moins en moins longtemps. Les vaches aussi sortent tôt. « Le pâturage précoce favorise la production d'herbe, tranche-t-il. Avec l'arrêt cette année de l'ensilage, je mise sur l'herbe pour passer l'hiver. J'essaye de faire le plus de foin possible. Le reste est enrubanné. Cela coûte plus cher, mais c'est très flexible. Par rapport à un ensilage d'herbe, il n'y a pas de pertes et c'est plus simple à gérer pour moi qui travaille seul. »