Rhône-Alpes, Jean-Luc Flaugère
« L'enveloppe Feader de notre région augmente, mais nous n'avons pas beaucoup plus de marge de manoeuvre que dans l'ancienne programmation (2007-2013). Le poids renforcé de l'ICHN, de Leader (projets ruraux), du socle national auxquels il faut encore ajouter les cofinancements Feader « obligatoires », nous laissent peu d'autonomie financière », constate Jean-Luc Flaugère, président de la chambre régionale d'agriculture de Rhône-Alpes. Mais dans sa région l'élaboration du PDR s'est bien passée. « Nous avons craint que le transfert de l'autorité de gestion aux conseils régionaux ne fasse émerger autant de politique agricole que de régions mais la volonté des élus comme des services de l'Etat en a été autrement. Chez nous, la démarche a même abouti à une réelle synergie. Une convention a été signée entre le Conseil régional et le préfet pour définir en amont le rôle et la complémentarité de chacun. La Région a aussi créé un Comité de rédaction pour l'écriture du PDRR et du DOMO (document de mise en oeuvre) regroupant les services de l'Etat, ceux de la région et la chambre d'agriculture ».
Bourgogne, Christian Decerle
Avec un Président du Conseil régional, vétérinaire de formation et ancien ministre de l'agriculture (François Patriat) et un adjoint lui-même agriculteur (Jacques Robillard), la profession n'avait pas à craindre d'être incomprise. « Pour autant, les discussions ne sont pas toujours faciles », témoigne Christian Decerle, président de la chambre régionale d'agriculture de Bourgogne. Les Conseils régionaux doivent s'approprier un nouveau métier et elles le découvrent dans sa complexité. Heureusement, comme dans la plupart des Régions, la Draaf et/ou la DDT ont apporté un soutien déterminant. « Toutefois, le temps fût rodage est long et l'inertie pesante pour les porteurs de projets (bâtiments d'élevage, chais...). » Sur le fonds des mesures, Christian Decerle se dit relativement satisfait du volet PCAE. « C'est la première fois que dans la Région, la filière avicole est rendue éligible aux aides bâtiments. C'était une demande forte du secteur. Et, la revalorisation de l'enveloppe globale devrait permettre que tout le monde soit servi par rapport à nos prévisions ». Côté MAEC, les discussions sont plus compliquées, notamment parce que les règles européennes et nationales sont complexes et que les Régions en rajoutent souvent une couche. « On sent les agriculteurs découragés. Tous ceux qui ont perdu PHAE (400 élevages en Bourgogne dont la moitié en Saône-et-Loire), boudent la nouvelle MAEC herbe. Le cahier des charges est trop contraignant : comment peut-on s'engager sur la présence de telle ou telle herbe à six ans ! »
Alsace, Jean-Paul Bastian
« L'élaboration du PDR a été exemplaire. D'abord parce que la profession était déjà proche de la Région qui était déjà autorité de gestion du 2e pilier depuis 2007-2013 (partenariat étroit, contrat d'objectifs avec la profession...). Et aussi, parce que les services de l'Etat et ceux de la Région sont également proches. Nous avions entamé le travail très en amont. La profession a été associée à toutes les phases de l'élaboration du PDR (rédaction et arbitrages). J'ai moi-même présidé des réunions thématiques, souligne Jean-Paul Bastian, président de la chambre régionale d'agriculture d'Alsace. Plus qu'ailleurs on s'est rendu compte que c'était une première pour la région. C'est une nouvelle ère qui commence Chez nous, on a vu la régionalisation plutôt comme une opportunité : collectivités plus proches du terrain, qui ont une toute autre histoire. La profession a dû prendre plus de responsabilités. »
Les MAEC ont fait l'objet de nombreux débats. Jean-Paul Bastian juge le résultat « satisfaisant », malgré des contraintes européennes et nationales « assez fortes ». « Les choses ont été bien calées dès le début. On a ainsi des MAEC plus près du terrain, des mesures bio mieux adaptées, tout comme le PAEC élevage ».
Limousin, Jean-Philippe Viollet
« Le climat est serein et nous avons été écoutés sur un certain nombre de points importants à nos yeux, en particulier les données économiques : produire plus - et mieux évidemment - est une priorité pour notre région en systèmes extensifs, se félicite Jean-Philippe Viollet, président de la chambre régionale d'agriculture du Limousin. Après, c'est le jeu de la négociation et des priorités, on ne peut pas avoir gain de cause sur tout. Là où ça se gâte, c'est que les fonds ont été débloqués très tardivement, freinant les initiatives, ralentissant les projets. Ce qui est assez catastrophique. Sans parler de l'insupportable bureaucratie... »
Poitou-Charentes, Luc Servant :
« Nous n'avions pas l'habitude de travailler avec le conseil régional. Mais nous avons trouvé des services à l'écoute. Un cadre régional a été fixé, avec des priorités fortes comme l'élevage, que la profession partageait », explique Luc Servant, président de la chambre régionale d'agriculture de Poitou-Charentes. Un gros point de désaccord néanmoins : le stockage de l'eau. « Pour le Conseil régional, c'était un non catégorique. Finalement, on a obtenu que la ligne soit inscrite au budget mais le montant correspondant est loin de ce que l'on attendait : 500 000 euros sur les réserves de substitution sur 400 000 € de budget Feader total. Nous demandions plusieurs millions comme en Aquitaine ou Midi-Pyrénées. »
Sur le PCAE, « nous partagions une priorité : l'élevage. Nous sommes la première région caprine de France, il y avait une volonté commune d'aider cette filière : 15 millions d'euros ont été dédiés (plan bâtiment, conseil et suivi qualité). Sur les MAEC, « il y a eu pas mal de points de divergences avec la Région, celle-ci ayant mis un accent « assez fort » sur l'environnement. De notre côté, nous craignons que ce trop-plein de contraintes aboutisse à un non-engagement massif des agriculteurs ». Il est particulièrement inquiet pour l'élevage en zone de marais : « dans ces exploitations, la MAEC participe de l'équilibre économique et financier des systèmes d'exploitation. Les seuils vont trop loin sur le pourcentage de maïs ou l'approvisionnement extérieur ». De même pour les taux d'IFT pour les MAEC grandes cultures. Les MAE représentent 114 millions d'€ sur les 403,5 du Feader, soit presque ¼ du budget, aussi la profession espère qu'elles seront souscrites ! Le bio se voit doté de 32 M€, un souhait partagé entre Région et profession.
Normandie, Daniel Genissel
La Chambre régionale d'agriculture de Normandie a la particularité d'être sur les deux Régions administratives (Basse et Haute Normandie) et d'avoir donc suivi parallèlement l'élaboration de deux PDR et d'avoir été confronté à deux façons différentes de procéder. « En Basse-Normandie, le conseil régional s'est approprié le dispositif. En Haute-Normandie, l'équipe administrative réduite s'est davantage appuyée sur l'expérience de la Draaf, au moins au début », souligne Daniel Genissel, président de la chambre régionale d'agriculture de Normandie.
« La profession a été consultée, décliné rapidement en groupes de travail, très ouverts. Trop ouverts. Nous avons reproché, dans les deux régions, de demander autant d'avis, à des associations très spécifiques et parfois peu représentatives, pour définir les conditions d'accès aux mesures. Le Conseil a écouté davantage tout un chacun que les agriculteurs directement intéressés. Résultat, par exemple pour le PCAE (80 millions d'euros sur 300 millions du PCAE), la plupart des mesures ont des grilles de priorisation, de sélection et de différenciation très complètes (avec jusqu'à 40 critères de sélection !). En pratique, c'est très complexe à comprendre pour les agriculteurs, très lourd à préparer, très long et coûteux car il faut souvent se faire aider d'un organisme de conseil pour constituer un dossier ». Il craint que cela rebuter bon nombre de porteurs de projets.
Point positif sur le PCAE, « les montants d'investissement ont été réévalués et les travaux pourront être engagés dès que le dossier sera complet (récépissé d'acceptation) : pas d'obstacle à l'engagement comme avant mais toujours un petit risque de voir son projet finalement refusé. Concernant le taux d'aide de la subvention, le conseil régional a proposé au départ 20 %. Nous voulions 30 % comme dans la précédente programmation (arguments : beaucoup de contraintes, risque de non-appropriation). Au final, le Conseil a coupé la poire en deux. Ce sera 25 % avec majoration pour les JA, les projets agroécologiques, les systèmes vertueux comme SOQ ou qui ont une part d'herbe importante dans l'assolement. Nous avons mis en garde contre le risque de stigmatisation des céréaliers, principalement les maïsiculteurs, les élevages hors-sol et les jeunes bovins importants chez nous alors qu'ils sont toujours au dernier rang des priorités et avec un taux d'aide de base. »
Sur les MACE, « on dispose de moyens supérieurs mais le conseil a fait dans la complexité alors que le dispositif l'était déjà de manière intrinsèque (architecture UE et Etat lourde). Les régions ont rajouté des critères supplémentaires. Pour les MAEC systèmes, on avait proposé que les chambres d'agriculture soit « opérateur » partout (notamment pour bien gérer la baisse du taux d'IFT point dur des cahiers des charges). Mais les régions ont préféré des opérateurs variés (parc, association...), chacun sur sa problématique (Natura 2000 etc.) sans vision générale ni compétence particulière pour accompagner l'agriculteur sur l'évolution de l'ensemble de son exploitation. Le risque d'échec est important pour certaines exploitations qui seront mal accompagnées, redoute-t-il. Ou au contraire, on peut craindre un effet d'aubaine : seules les exploitations qui ont déjà un taux d'herbe important et peu d'effort à fournir s'engageront. »
Sur les lignes Leader (collectivités territoriales, ruralité), la profession aurait préféré qu'elles soient amoindries et/ou destinées principalement à l'agriculture. La Région a mis 10 % du budget quand l'Europe en imposait minimum 5 %.
Franche-Comté, Michel Renevier
« Depuis le printemps 2013, nous avons demandé à être associés à la préparation du PDR. Nous avons également proposé d'engager des crédits publics des chambres départementales pour cofinancer certaines mesures notamment liées au conseil, comme on l'avait initié sur la forêt. Deux propositions qui ont été bien accueillies, se félicite Michel Renevier, président de la chambre régionale d'agriculture de Franche-Comté. Nous avons été associés aux différentes étapes. Au début le Conseil régional s'est beaucoup appuyé sur la Draaf avant de se doter de compétences internes. Mais les rapports sont restés très proches. Nous avons travaillé dans un climat de confiance.
Nous avons essayé de mettre en avant l'équilibre entre développement rural, environnement et agriculture/forêt. Les débats ont parfois été tendus. Le résultat est en demi-teinte ». L'élu craint un manque de crédits avant la fin de la programmation (2020).La profession a néanmoins obtenu l'activation de certaines lignes, notamment sur le conseil aux agriculteurs et la coopération agricole : « la conseil régional n'avait pas pensé à les ouvrir. Or, nous sommes une région de tradition coopérative (1er Crédit Agricole dans le Jura, filière Comté...). Ce qui nous a aussi permis de travailler dans un climat de construction. Puisque notre méthode de travail est la concertation. » Concertation qui n'empêche pas les désaccords, notamment sur la priorité à donner aux investissements productifs dans le cadre du PCAE. « Nous aurions voulu qu'il y ait davantage de moyens sur les outils de guidage par GPS pour une meilleure utilisation des intrants. Sur le bio, c'est l'inverse. Un sur-financement est prévu. J'espère que l'on pourra faire bouger les au fil des ans en cas de sous-consommation de cette enveloppe ».
Picardie, Christophe Buisset
« Nous nous bagarrons sur certains points, en particulier pour avoir davantage de financement sur les dispositifs économiques. La Région a choisi un fléchage trop important sur l'environnement et notamment les MAEC (30 % du budget Feader) qui ne correspondent pas à nos régions. Je redoute qu'on n'ait pas assez d'engagements car les critères sont de plus en plus complexes, les contrôles de plus en plus sévères et l'intérêt financier assez limité, souligne Christophe Buisset, président de la chambre régionale d'agriculture de Picardie. Nos élus verts veulent en plus flécher sur le bio. On n'est pas contre, il y a de la demande, mais il faut que ce soit des projets viables économiquement. Aujourd'hui, je pense qu'il y a trop de budget affecté à cette mesure. On ne va pas le consommer ou le dilapider. Nos entreprises perdent en compétitivité, on doit plutôt aller sur l'investissement économique : méthanisation, bâtiments d'élevage ou serres, transformation, abattage. Pour toutes ces lignes, les budgets sont trop faibles ».Sur le PCAE, « Etat et Région ne sont pas toujours d'accord sur les priorités, pas plus que les deux agences de l'eau dont on dépend. C'est compliqué d'avoir une politique régionale globale, constate-t-il Nous sommes inquiets pour la future grande région (Picardie - NPDC), alors qu'il y a de l'argent. A force de travail, on a quand même obtenu de favoriser la modernisation des bâtiments ou de financer les robots de traite alors que le conseil régional ne voulait pas au début. On essaie actuellement d'obtenir des bonifications pour les herbivores ou les zonages particuliers en termes d'environnement (zones vulnérables). »
Champagne-Ardenne, Régis Jacobé
« Notre objectif dans cette discussion avec la Région était de reconquérir le 2e pilier pour améliorer la compétitivité de nos exploitations, affirme Régis Jacobé, président de la chambre régionale d'agriculture de Champagne-Ardenne. Nous avons été très volontaires, proposant notamment une étude des besoins en investissement en particulier pour l'élevage, un secteur fragile. Au total, nous aurions besoin de 300 millions d'euros pour maintenir ce secteur. Après maints arbitrages, nous aurons 70 millions tous secteurs confondus... Mais ce travail aura au moins servi à justifier certaines lignes comme par exemple le financement du stockage de la fécule de pomme de terre pour garder une féculerie dans la Région ».
A l'instar de nombreuses Régions, la discussion a été plus compliquée sur les MAEC de part un cahier des charges européen et national très strict. Sur le bio aussi, la profession a eu du mal à se faire entendre. « Le budget est mal réparti entre maintien et conversion par rapport aux besoins, car nous avons beaucoup d'exploitations mixtes. Nous avons plutôt de grosses exploitations. Tout en bio, c'est difficile. Surtout, lorsqu'elles sont sur plusieurs sites. Certaines ont déjà démarré la marche arrière alors que nous avons eu une forte augmentation des surfaces l'an dernier, informe-t-il. J'espère quand même qu'on s'en sortira par le haut. »
L'agriculture de Champagne-Ardenne représente plus de 10 % du PIB de la région (contre environ 3 % en France), elle pèse aussi sur l'emploi. Ce qui lui a permis de peser dans les discussions. « C'est un des rares secteurs qui continue à se développer, à exporter (pas que le vignoble) », rappelle l'élu.
La chambre d'agriculture a aussi obtenu d'être « opérateur » pour certaines mesures, ce qui n'était pas le cas lors de la précédente programmation (2007-2013). « Nous cofinançons aussi certaines mesures liées au conseil aux agriculteurs ».
Centre, Jean-Pierre Leveillard
« Nous avons été associés très tôt aux discussions, raconte Jean-Pierre Leveillard, président de la chambre régionale d'agriculture du Centre. Cela se passe pas trop mal ». A l'instar des autres Régions, le conseil régional découvrait un secteur qu'il connaissait peu, mais les services s'y sont mis et la Draaf est revenue apporter ton expérience.« La plus grosse discussion a été sur le montant global. La région Centre est le parent pauvre de la réforme car historique faible. On ne s'intéressait qu'au premier pilier avant. Or, celui-ci a fortement baissé : -100 m€ au bilan de santé et -60 m€ 1er pilier en 2015. Mais on ne peut pas se rattraper sur le 2e pilier. Sur l'investissement agricole, c'est négligeable : 17 millions d'euros pour 6 départements ! A l'inverse, le conseil régional a été très loin dans les investissements non-agricoles (20-25 m€), comme par exemple la couverture réseau internet. De notre côté, nous plaidions pour une ligne forte sur les mises aux normes en zones vulnérables. On en a un peu mais, mais l'enveloppe est faible. Or, on a de nouvelles zones vulnérables. Toutefois, les montants ont doublés sur le Feader, donc le budget pour financer les mesures non-agricoles n'a pas été pris sur le budget des mesures agricoles. »
Concernant les MAEC, une enveloppe de 88 m€ a été actée. Mais, l'élu estime que « les zones polyculture-élevage de plus en plus mal traitées. Elles bénéficient d'une dotation largement insuffisante. Pour autant, nous ne sommes pas sûrs de tout que l'enveloppe soit consommée car les cahiers des charges des MAEC sont trop contraignants et parfois encore pas tout à fait aboutis. Nous sommes d'autant plus déçus que nous avons fait partie des Régions volontaires pour faire des simulations. »
Lorraine, Jean-Luc Pelletier :
« Nous avons été confronté à un problème de calendrier. La Région a d'abord tergiversé quant à son statut d'autorité de gestion. Puis sa capacité à travailler avec la Draaf a parfois été difficile, témoigne Jean-Luc Pelletier, président de la chambre régionale d'agriculture de Lorraine. Nous avons perdu beaucoup de temps. Heureusement, la Draaf et la profession avaient construit un programme agricole lorrain 2012-2020. Le Conseil régional s'est appuyé dessus. »
« On s'est battu pour certaines mesures et finalement je crains que sans moyens suffisants et/ou des cahiers des charges décourageants, cela n'aura servi à rien. C'est le cas par exemple pour la MAEC grandes cultures en zone intermédiaire : nous manquons de fonds mais les conditions d'accès difficiles ». Alors que le deuxième pilier aurait pu compenser pour nombre d'agriculteurs les pertes essuyées sur le 1er pilier, ces contraintes risquent de les accentuer.
Autre problème pour la profession : le bio. « Nous y avons travaillé. Il existe un certain engouement pour la mesure, mais là encore, les moyens sont trop limités, en particulier sur la mesure « maintien ». Il va manquer 11 m€ ! ». Il redoute aussi un déficit budgétaire de 40 m€ sur les MAEC. « Pour pallier le manque de budget, les zonages se resserrent, ce qui risque de créer des distorsions de concurrence entre agriculteurs d'une même région ».
Au total, la Région passe d'un budget Feader d'environ 175 m€ sur la période 2007-2013 à 329 m€ sur la période 2014-2020.