La méthanisation à la ferme est pertinente. Francis Claudepierre en est convaincu. Pour preuve, ce pionnier en la matière a inauguré, en février, sa deuxième installation.
Basée à Mignéville (Meurthe-et-Moselle), son exploitation possède un digesteur depuis 2001, bien avant l'instauration de tarifs plus attractifs en 2006 (seulement 0,075 E/kWh à l'époque contre au moins 0,11 E/kWh maintenant). Le cogénérateur délivrait 30 kWe (kilowatts électriques).
« L'installation actuelle fournit 250 kWe. Elle est mieux conçue, plus moderne, plus efficace... », explique cet éleveur de soixante-dix vaches laitières. « Je repars sur une nouvelle installation pour profiter des améliorations techniques et tarifaires. »
En plus de sécuriser les revenus, la biométhanisation assure l'avenir : « Mes enfants reprendront la ferme. Ça valait donc le coup de faire mieux », confie-t-il. La conception de la première installation a apporté les connaissances pour mener le projet et la confiance de la banque.
Intrants et digestat analysés et suivis.
Des éléments de l'unité obsolète ont été recyclés. L'ancien moteur constitue une sécurité. Le précédent digesteur accueille les substrats liquides.
L'ex-post-digesteur stocke aujourd'hui une partie du digestat. Pour le reste, tout est neuf. Le méthaniseur suit le principe « fosse dans fosse » : le digesteur entoure le post-digesteur. La fermentation y est mésophile (température autour de 40 °C). L'ensemble est partiellement enterré, ce qui favorise son isolation thermique.
Francis Claudepierre introduit dans le digesteur le lisier et le fumier de l'élevage, des cultures énergétiques ensilées ainsi que des déchets d'industries agroalimentaires. Francis veille à ce que la qualité et la quantité des intrants restent stables. C'est la condition sine qua non pour obtenir une production d'énergie et une qualité de digestat constantes. Les lots entrants sont pesés, leurs teneurs en polluants analysées.
Il surveille la fermentation en mesurant la température et le pH du digestat, en analysant le biogaz produit et tient un cahier d'intervention. L'éleveur s'assure de l'intégration judicieuse du digestat dans le plan de fumure en étudiant sa composition. Les analyses de sol et la tenue du cahier d'épandage permettront de suivre l'impact de ce fertilisant sur les plantes.
L'exploitant possède déjà une expérience en terme de valorisation du digestat. « J'apprécie son pH de 8 et la rapidité d'assimilation de l'azote par les plantes. De plus, fertiliser avec du digestat, c'est aucun souci de voisinage et que du bonheur à l'épandage ! », sourit-il. Francis estime les économies d'engrais chimiques à 120 €/ha.
L'investissement s'élève à 840 000 €, dont 160 000 € pour la première unité. Les recettes se composent de l'électricité vendue au réseau électrique 0,12 €/kWh, de la chaleur vendue à huit habitations de Mignéville 0,04 €/kWh et du service rendu pour le traitement de déchets.
Le prix de vente de l'électricité bénéficie d'un bonus liée à la bonne valorisation de la chaleur. 30 % de la chaleur produite sert au chauffage de l'installation. A partir de l'hiver prochain, en plus de chauffer des habitations, le réseau de chaleur alimentera gratuitement l'école et des batiments publics. L'été, il sèchera du fourrage et peut-être du bois. Le temps de retour sur investissement est de neuf ans.
Une démarche de territoire
« Cela est possible grâce aux financements à hauteur de 45 % de l'Etat, de l'Ademe et du conseil régional de Lorraine, précise l'éleveur. Sans ces aides, le projet aurait été moins rentable et donc inaccessible. »
Néanmoins, les subventions paient des services qui n'ont pas de valeur marchande aujourd'hui, comme la baisse des émissions de gaz à effet de serre, la réduction des odeurs et des pertes d'azote vers les aquifères. « La méthanisation couvre 40 fois les besoins énergétiques de l'exploitation.
Elle s'inscrit dans une démarche de territoire : nous produisons à partir de déchets locaux de l'énergie qui alimente le village », conclut Francis Claudepierre.