« Une bonne ambiance procure un bon chiffre d'affaires. Et un bon chiffre génère une bonne ambiance ! » Florent Chevrel, paysan boulanger, est un des dix-huit producteurs du magasin La Marande, à Châtillonsur- Chalaronne, dans l'Ain. « Le point de vente est un super-Gaec. Les adhérents ne peuvent pas se désintéresser de sa gestion commune », estime Carine Montet, animatrice à Terre d'envies. Cette association de Rhône-Alpes fédère vingt-six magasins de producteurs.

AUTONOMIE ET RÈGLEMENT INTÉRIEUR

Reste à faire régner la bonne entente entre des producteurs indépendants qui ont souvent délaissé des structures coopératives pour retrouver leur autonomie dans la vente directe. « Le règlement intérieur est une pièce maîtresse. Il doit coller à la vie de chaque point de vente. Et comme les magasins ont entre 3 et 33 ans d'existence, la moitié d'entre eux ont déjà réécrit leurs règles. »

Terre d'envies organise régulièrement des formations pour faciliter la vie quotidienne de ses adhérents : comment conduire des réunions efficaces, prendre des décisions applicables à tous, définir les règles du jeu et favoriser l'entente, prévenir et gérer les conflits. « Laisser s'envenimer les conflits empêche d'avancer, poursuit Carine Montet. A titre d'exemple, certains adhérents d'un magasin qui voulaient aller de l'avant souhaitaient investir dans une vitrine. D'autres, au maximum de leur capacité de production, différaient sans cesse l'achat sans donner la vraie raison de leur opposition. Quand ils se sont vraiment exprimés sur le fond, ils ont finalement fait entrer un nouveau producteur. »

INTÉGRER LES NOUVEAUX

Ce genre de décision suscite toujours le débat et doit se prendre à une très large majorité, voire à l'unanimité. Car « il ne faut pas laisser entrer le loup dans la bergerie, remarque Florent Chevrel. Un producteur en plus, c'est du produit en plus, une gamme qui s'élargit mais aussi de la concurrence. »

Autre bête noire des points de vente : les ruptures de stock de certains producteurs qui freinent les ventes de tous. « L'idéal, c'est qu'ils se situent à moins de 30 kilomètres autour du magasin pour le livrer en produits frais. Sinon, tôt ou tard, ils quitteront le magasin », estime Florent Chevrel.

Autre cause de souci récurrent : le degré d'implication de chacun dans la vente. « Chaque producteur tient le magasin au moins une demi-journée. Ensuite, cela dépend de son chiffre d'affaires ou de sa disponibilité. C'est prévu dans le règlement. Plus un producteur est présent, plus il vend. Mais il doit aussi connaître la marchandise des autres. »

UN ANIMATEUR ÉLU

Certains points de vente se dotent d'un animateur choisi au sein du groupe. « Treize fermes par magasin, cela donne des réunions mensuelles à plus de trente, explique Carine Montet. Il est quasi impossible que tout le monde participe aux discussions si rien n'est organisé. Il y a donc des commissions et, depuis un certain temps, un animateur. Auparavant, les associés avaient peur que l'animateur désigné prenne le pouvoir. Ils ont découvert en formation le rôle positif qu'il pouvait jouer. Dans l'un des points de vente, il est élu tous les ans lors de l'assemblée générale.

Florent Chevrel remplit cette fonction à La Marande. « Je suis animateur et il y a deux gérants ! Nous avons appris à parler en évitant de faire du rentre-dedans. J'appelle quand il faut percer les abcès : des produits qui manquent, les horaires non respectés. Si un produit ne part pas, il y a soit un problème de prix, de qualité ou d'emplacement. Il faut oser le dire. Nous avons une réunion mensuelle avec un ordre du jour, des horaires précis à respecter pour que personne ne perde son temps. J'essaie de rendre audibles ceux qui n'osent pas intervenir, même s'il y a toujours un noyau dur qui s'investit plus. Après chaque réunion, nous rédigeons un compte-rendu qui sera relu au début de la réunion suivante. Un magasin n'est jamais un long fleuve tranquille. »

Selon Carine Montet, « il y a peu d'arrêt de points de vente, peu d'exclusion de producteurs. Quand il y a des départs, ils ont lieu dans les cinq premières années de mise en route du magasin. » Les vingt-six points de vente existants ont tendance à grossir, poussés par une demande en croissance : 11 % pour ce premier semestre. De bons chiffres qui devraient « générer de bonnes ambiances ».