Blés biscuitiers, colza oléique, tournesol oléique, maïs waxy : la quasi-totalité de l'assolement de Xavier, céréalier sur 125 ha de terres argilo-calcaires à Senillé, dans la Vienne, est dédiée à des productions de qualité. Ces contrats, il les souscrits auprès de sa coopérative, La Tricherie (200 adhérents, 17 000 ha de collecte), positionnée à 70 % sur des marchés de niche. Cette vocation, les adhérents de la coopérative la doivent à la remise en cause du modèle économique de la structure à la fin des années quatre-vingt-dix. « La Tricherie est située à mi-chemin entre Poitiers et Châtellerault, proche du Futuroscope. Avec la pression foncière, si on ne réagissait pas, la coopérative allait disparaître, retrace Benjamin Bichon, codirecteur de la coopérative. En 1998, nous avons décidé d'aller chercher des filières à forte valeur ajoutée afin d'attirer de nouveaux adhérents et conserver notre territoire de collecte. » Aujourd'hui, la proximité de l'autoroute et de la voie de chemin de fer permet d'être très performant sur la logistique, avec 40 % des céréales ferroutées, un moyen écologique et aussi moins coûteux que le transport routier.

PRIME DÈS LES SEMIS

Le système des contrats de qualité consiste en la définition d'une prime avant les semis. En contrepartie, le producteur s'engage à respecter le cahier des charges. La prime pour le blé CRC (Cultures raisonnées et contrôlées, exigé par exemple pour les filières Label rouge) est de 10,70 €/t, ce à quoi s'ajoutent d'autres primes pour l'utilisation d'une variété spécifique et les bonifications de qualité. Chaque année, 800 000 euros sont ainsi redistribués aux adhérents. « On s'engage sur une prime à l'avance mais, ensuite, il faut qu'on soit bon dans notre commercialisation », souligne Baptiste Breton, codirecteur également.

Baptiste et Benjamin gardent d'ailleurs un oeil attentif sur les cotations des marchés à terme européens. Le blé collecté par La Tricherie entre dans les cahiers des charges CRC à 80 %, le maïs est de qualité waxy (utilisé comme ingrédient dans les plats préparés) à 79 %, le colza oléique à 80 % pour 2012, et le tournesol oléique à 100 %. « Nous sommes sur des marchés de niche mais, pour nous, c'est l'essentiel de notre activité. Le choix de la qualité, nous avons décidé de le généraliser pour limiter les coûts et faciliter le travail », prévient Baptiste Breton.

OBLIGATION DE RÉSULTAT

Pas de mystère, pour accéder à ces créneaux à forte valeur ajoutée, il faut apporter un « plus » aux clients finaux : biscuitiers, triturateurs, industries. Ce « plus », les producteurs l'apportent en se pliant aux cahiers des charges. « Je suis amené à travailler encore plus l'agronomie. Je dois choisir mes produits de traitement dans une liste restreinte, avec des conditions d'utilisation particulières. Idem pour les variétés, précise Xavier. Lorsqu'on fait un blé sur blé ou un blé sur maïs, je dois obligatoirement labourer afin de réduire le risque de fusariose. Dans ce système, il ne faut pas hésiter à appeler les techniciens dès qu'on se pose une question. »

« Dans le cahier des charges CRC, nous avons obligation de résultat, avertit Benjamin Bichon. Les cultures doivent être semées à plus de 250 m des routes, la filière réclame des teneurs en mycotoxines plus contraignantes que ce qu'exige la réglementation (1 000 ppb au lieu de 1 250 pour les Don) et des limites maximales de résidus jusqu'à dix fois inférieures à la réglementation, selon les produits. » Pour être en capacité d'assurer toute la traçabilité, La Tricherie s'est dotée d'un extranet performant lié à un système d'information géographique. Chaque parcelle peut être visualisée et on accède aux informations culturales en cliquant directement dessus. Xavier peut saisir en temps réel, via une plate-forme internet, ses opérations culturales ou ses intentions de semis. Cet outil apporte en retour des facilités pour mettre en place son plan d'épandage, faire sa déclaration Pac... Mais il reste possible de saisir les informations sur papier.

COMMERCIALISATION DÉLÉGUÉE

La clef de voûte du système réside dans la confiance mutuelle entre les adhérents et la coopérative, s'accordent à dire Xavier et les codirecteurs de la coopérative. « En fin de campagne, chaque année, nous dressons le bilan avec les techniciens. Cela guide ensuite les choix des variétés pour l'année suivante », explique Xavier Moreau. « Dès le mois de novembre, nous connaissons les emblavements et les variétés semées par les producteurs, ce qui va nous permettre très tôt d'essayer de mettre en phase la production avec les besoins des clients », ajoute Baptiste Breton.

« Les adhérents souhaitent à 99 % nous déléguer la commercialisation de leurs céréales. C'est seulement en ayant une bonne idée des volumes à vendre que nous pouvons construire le meilleur prix moyen possible. On ne peut bien anticiper le marché qu'avec des producteurs engagés à fond dans la démarche », tranche Baptiste Breton.

Les protagonistes ont également une confiance à toute épreuve dans les filières dans lesquelles ils se sont engagés. « En colza oléique, la demande s'est essoufflée en 2010-2011. Mais ayant été précurseur et force de proposition pour cette filière, nous avons persévéré. Aujourd'hui, la demande est réellement repartie, nous connaissons bien les variétés et nous sommes parmi les rares organismes stockeurs à pouvoir répondre à la demande », se réjouit Benjamin Bichon .